Les combattants de la Libération: Albert Stefanini, le visage de l’insurrection corse (H.fr-27/08/24)

Albert Stefanini a joué un rôle central dans la structuration du maquis corse. © Tallandier / Bridgeman Images

Le dirigeant du PCF sur l’Ile de Beauté est une figure majeure de la lutte armée contre l’occupant fasciste. Il lancera le signal de la révolte en septembre 1943.

Par Diego CHAUVET.

Ouvrier de l’habillement, militant puis dirigeant du Parti communiste, Albert Stefanini est aussi l’une des figures de la résistance et de la libération de la Corse, en septembre 1943. Tout au long de sa vie, il a incarné les valeurs de justice sociale et de dévouement au service des opprimés. Son parcours, marqué par ses engagements tant militaires que politiques, symbolise la lutte pour la libération et l’émancipation de la Corse.

Né le 8 octobre 1919 à Bastia, dans une famille de petits commerçants, il s’engage très jeune, dès 1935, dans les rangs du Parti communiste français (PCF). Depuis 1934, il en est adhérent et dirige le cercle de la Jeunesse communiste dans sa ville. À l’époque, le PCF vient d’initier le Front populaire pour faire face au péril de la montée des fascismes. À partir de 1938, il s’engage activement contre les accords de Munich.

Un symbole de la Résistance corse

Quand s’abat la répression sur les communistes, il n’a que 21 ans : il est incarcéré en juin 1940 à Bastia puis à Calvi, avant d’être transféré au fort Maillebois. C’est la maladie qui l’en fera sortir, deux ans plus tard. Atteint de tuberculose, Albert Stefanini voit son pronostic vital engagé : « Ne vivra pas quinze jours », indique le rapport médical. Il est libéré. Sa période de convalescence à Nice, sur le continent, n’entamera pas sa détermination.

Il décide de regagner clandestinement la Corse pour s’y engager dans la Résistance. Il participe activement aux actions des JC, contribuant notamment à la production de la presse clandestine à l’aide d’une vieille imprimerie récupérée à Corte. Il intègre la direction du Front patriotique des jeunes, émanation du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, créé par le PCF.

L’année 1943 va marquer un tournant pour la Corse, dans lequel Albert Stefanini joue un rôle de premier plan aux côtés d’autres grands noms de l’histoire communiste de l’île : François Vittori, chef d’état-major des FTP, et Raoul Benigni. En mars 1943, il mobilise des milliers de personnes dans une manifestation contre la diminution des rations de pain. Des femmes, des jeunes, des lycéens, des ouvriers défilent contre l’occupant et ses 85 000 soldats déployés par l’Italie fasciste. Les soldats allemands, eux, occupent essentiellement le sud de l’île.

La nuit du 1er mai 1943 marque une étape cruciale avec l’attaque à la grenade du haut commandement de la marine fasciste par les JC. Albert Stefanini est alors arrêté avec d’autres résistants bastiais. Dix jours plus tard, il est libéré grâce à la complicité de Gianni Canioni, colonel des chemises noires en contact avec la Résistance. Il reprend alors la lutte armée, qui ira en s’intensifiant jusqu’au moment décisif, en septembre 1943.

Le 3 août 1943, le dirigeant du PCF clandestin Raoul Benigni prend l’initiative d’une réunion à San Gavino d’Ampugnani, à laquelle participe Albert Stefanini. Il y est décidé de lancer une insurrection dans toute la Corse, dès que la capitulation de l’Italie fasciste, menacée par les débarquements alliés, sera effective. C’est le cas le 8 septembre 1943. Aussitôt, Albert Stefanini et ses camarades organisent une grande manifestation à Bastia : c’est le signal du soulèvement populaire.

Signant l’armistice, l’Italie donne l’ordre à ses soldats de se retourner contre l’occupant nazi. La Résistance, elle, passe également à l’action. Dans un témoignage audio mis à disposition par le musée de la Résistance, Albert Stefanini raconte ces premiers moments de l’insurrection corse.

« Le 8 au soir, nous étions cachés dans le local où était le haut commandement du Front patriotique des jeunes. Nous avions des machines à écrire et nous étions fortement armés en cas de lutte ouverte », se souvient le résistant communiste. « J’apprends ce soir-là la capitulation italienne. Immédiatement, je rejoins notre local, et nous descendons dans la rue (…) et le premier soldat italien que nous rencontrons, nous lui demandons son fusil tout de suite. Nous prenons son arme et nous rejoignons le boulevard fusil à la main. Nous commençons à rassembler les jeunes que nous connaissions et, sortant des drapeaux tricolores de taille importante, nous avons commencé à défiler en chantant la Marseillaise ». Les combats se poursuivront jusqu’au 4 octobre 1943, jusqu’à la libération de l’île. Le général de Gaulle saluera lui-même ces résistants, affirmant qu’ils ont voulu être « eux-mêmes des vainqueurs ».

Albert Stefanini, lui, sera élevé au grade de lieutenant FFI, décoré de la médaille de la Résistance et de la croix de guerre. Après la guerre, c’est un autre parcours qui l’attend. Celui d’un dirigeant communiste, puisqu’il succède à Raoul Benigni à la tête de la fédération du PCF. Il siégera aussi à l’Assemblée de Corse et au conseil municipal de Bastia, dont il sera élu adjoint au maire. Un espace d’éducation populaire de Bastia a été baptisé au nom d’Albert Stefanini, décédé le 31 août 1999.

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Source: https://www.humanite.fr/en-debat/80-ans-de-la-liberation/albert-stefanini-le-visage-de-linsurrection-corse

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/les-combattants-de-la-liberation-albert-stefanini-le-visage-de-linsurrection-corse-h-fr-27-08-24/

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