Les combattants de la Libération: Auguste et Simone Gillot, un couple dans la Résistance (H.fr-29/08/24)

Auguste et Simone Gillot qui n’ont jamais cessé de vivre ensemble depuis leur rencontre durant l’occupation.
© Jean Texier – Mémoires d’Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

Les deux communistes, figures clés du CNR, n’ont rien lâché à la Libération pour multiplier les conquêtes sociales et féministes. Lui en tant que maire de Saint-Denis, elle en tant que pionnière de l’accouchement sans douleur.

Par Aurélien SOUCHEYRE.

Son visage ne fait pas partie de ceux qui accrochent le plus le regard du grand public sur les photos. Et pourtant, Auguste Gillot figure en place d’honneur sur nombre de clichés historiques. Le militant communiste est à quelques pas du général de Gaulle qui remonte les Champs-Élysées le 26 août 1944, au lendemain de la libération de Paris, signe de son rôle primordial joué dans la Résistance.

Il est aussi de face, regard déterminé, sur l’une des très rares photographies des membres du Conseil national de la Résistance (CNR). À partir de 1943, c’est lui que le PCF envoie négocier la rédaction du programme si bien baptisé « les Jours heureux » au sein de l’instance fondée par Jean Moulin. L’objectif : préparer une « insurrection nationale » pour chasser les nazis et s’entendre sur de grandes réformes pour reconstruire le pays. On doit notamment au CNR le projet révolutionnaire d’instaurer une sécurité sociale complète en cas de maladie, d’accident, de chômage, et pour offrir une retraite digne à tous.

Lecteur de l’Humanité à 12 ans

De quoi sortir de la misère et de l’arbitraire. De quoi mieux faire face à la cruauté de la vie. Car Auguste Gillot n’a pas connu que des « jours heureux ». Abandonnée par son mari, sa mère meurt de la tuberculose le jour même de ses 25 ans. Le petit Auguste, né en 1905, commence à travailler pour survivre dès l’âge de 10 ans, payé 12 centimes de franc de l’heure dans une corderie de Longjumeau.

À 12 ans, il devient lecteur de l’Humanité, se forge une conscience de classe, adhère à la CGT, à la JC puis au PCF. Militant remarqué, c’est à lui que Maurice Thorez confie la rude tâche de vaincre Jacques Doriot à Saint-Denis, ancien dirigeant du PCF devenu fasciste. De ce point de vue, Auguste Gillot résistait déjà à l’extrême droite avant même l’arrivée des nazis en France.

Et c’est sous l’occupation qu’il rencontre un jour Simone. Née en 1912, elle aussi n’a pas été élevée par ses parents. Elle aussi est devenue très vite ouvrière, membre de la CGT et du PCF, et gréviste en 1936 pour pousser les réformes du Front populaire. Soudeuse chez Hispano-Suiza, elle organise en 1937 l’accueil de 26 enfants réfugiés de la guerre d’Espagne.

Chacun des 800 travailleurs de son usine donne deux heures de son salaire mensuel pour subvenir aux besoins des bambins. Déjà, l’idée du pot commun pour faire face ensemble. Simone participe aussi à la création des comités populaires féminins qui donneront naissance à l’Union des femmes françaises. Et la voilà logiquement qui entre en résistance. Elle comme Auguste sont chargés de reconstituer le Secours populaire français dans la clandestinité, dès 1940.

Amoureux et clandestins

Le premier jour, ils ne se donnent naturellement pas leurs vrais prénoms. La rencontre est furtive. Leur sécurité est en jeu. La moindre erreur peut devenir mortelle. Le duo est très efficace. Les rendez-vous se multiplient. Mais très vite, Auguste s’interroge. Ne devrait-il pas changer de contact dans la Résistance ? Simone s’en étonne. Auguste, désemparé, la poitrine oppressée, lui avoue qu’il est tombé amoureux d’elle. Simone lui répond que « ce sentiment est très certainement partagé ».

Que faire dès lors ? Peut-on vivre une idylle sans commettre d’erreur à même de faire tomber l’être aimé, et sans menacer de faire chuter tout un réseau ? Auguste s’en ouvre au PCF, qui les autorise à être des amoureux résistants : désormais, ils ne feront plus qu’un, tant dans leurs missions que dans leurs cœurs entremêlés.

En 1942, Auguste est envoyé dans l’Eure afin d’y organiser le Front national de la Résistance et le développement des Francs-tireurs et partisans français (FTPF), avant d’être responsable du triangle national de la zone Nord avec Lecœur et Chaumeil. Simone est de toutes les épreuves, assurant même les liaisons entre les différents membres du CNR et les délégués du général de Gaulle. Un rôle clé, précieux, qui ne l’empêche pas de participer personnellement aux combats pour libérer Paris en 1944.

Mais chasser les nazis ne suffit pas. Le bonheur doit se chercher dans les moindres recoins. À la Libération, Auguste devient maire de Saint-Denis, qui tourne définitivement le dos aux années Doriot. Édile de 1944 à 1971, il s’attache à développer les services publics pour tous, l’accès à la santé, à un logement digne, à la culture et à la nature, ainsi qu’à une nourriture de qualité pour chacun après des années de privations.

Simone, devenue infirmière, est contactée par Fernand Lamaze, chef de la maternité des Bluets et pionnier de l’accouchement sans douleur. Elle devient son élève puis coordinatrice de cette nouvelle méthode, pendant vingt ans, à la maternité de Saint-Denis, tissant des liens très forts avec de nombreux parents et enfants de la ville, qui pendant des années n’ont cessé de voir Auguste et Simone se balader bras dessus, bras dessous dans les rues.

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Source: https://www.humanite.fr/histoire/combattantes-et-combattants-de-la-liberation/auguste-et-simone-gillot-un-couple-dans-la-resistance

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