Les combattants de la libération : Charles Tillon, le combat clandestin dès 1940 (H.fr-7/08/24)

En 1940, il compte parmi les neuf députés communistes qui échappent à leur arrestation. Il plonge alors dans la clandestinité à Bordeaux, puis à Paris. Droits réservés – Mémoires d’Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

Natif de Bretagne, syndicaliste CGT, élu député de la Seine sous le Front populaire, il est l’un des trois principaux dirigeants de l’organisation communiste clandestine. Chef fondateur des Francs-Tireurs Partisans français, il sera nommé ministre à la Libération.

Par Pierre CHAILLAN.

Nous sommes le 17 juin 1940. Charles Tillon, dirigeant du Parti communiste français clandestin, lance un appel à la constitution d’un gouvernement « luttant contre le fascisme hitlérien (…) pour l’indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes ».

Cet appel titré « Peuple de France » est diffusé sous forme de tract, en particulier dans la région de Bordeaux où l’ancien député PCF du Front populaire, déchu et condamné par contumace au début de l’année, a élu domicile. En tant que l’un des quatre instructeurs interrégionaux, il est chargé de réorganiser le parti clandestin dans le quart sud-ouest. Ce travail souterrain est conduit au sein de l’Organisation spéciale, assurant l’impression de journaux et de tracts ainsi que la protection des responsables.

À partir du mois d’octobre 1940, Charles Tillon devient un des trois principaux dirigeants du Parti communiste et rejoint Paris en décembre. Benoît Frachon a en charge la gestion des cadres régionaux et le mouvement syndical, la CGT, Jacques Duclos l’appareil politique et la presse, et Charles Tillon, l’organisation militaire.

Un dirigeant de premier plan

Le Breton a été repéré très tôt comme un excellent organisateur. Il a déjà acquis une grande expérience de la lutte collective dans les situations les plus difficiles. Né à Rennes (Ille-et-Vilaine) en 1897, le jeune marin, âgé d’une vingtaine d’années, est un des meneurs d’une grève puis d’une mutinerie de près de 200 hommes à bord d’un bateau engagé aux côtés de Russes blancs en mer Noire. À la suite de cette mutinerie, il est condamné à cinq années de bagne et aux travaux forcés. Sa peine sera réduite et il retrouve sa Bretagne natale, où il commence à militer à la CGTU et au Parti communiste naissant.

Le jeune militant, peu après avoir pris la tête de l’union départementale CGTU en 1923, devient permanent syndical. Comme le relate l’historien Denis Peschanski dans sa notice du Maitron, Charles Tillon suit en particulier la grève des sardinières, les « Penn sardin » (ouvrières des usines de conserves) de Douarnenez (Finistère), déclenchée en 1924. Il encadre ensuite plusieurs grands mouvements revendicatifs et devient un dirigeant de premier plan, d’abord au sein de la Fédération des céramiques et produits chimiques, puis de celle des ports et docks.

Devenu membre du bureau confédéral de la CGT, il gagne la région parisienne et est élu au comité central du PCF. Il se présente aux élections locales à Aubervilliers et en devient conseiller général en 1935, puis député en mai 1936. Un temps membre du bureau politique, il quitte l’instance. Mais déjà les nuages annonciateurs des heures sombres s’accumulent à l’Est. Le terrible combat contre fascisme et nazisme est à l’ordre du jour.

En avril 1939, l’élu est membre d’une délégation internationale envoyée en Espagne pour aider au rapatriement des républicains espagnols grâce à des bateaux affrétés par France-Navigation. En 1940, il compte parmi les neuf députés communistes qui échappent à leur arrestation. Il plonge alors dans la clandestinité à Bordeaux, puis à Paris.

Un organisateur tout terrain

Fort de ces années de luttes sociales et de son expérience d’organisateur hors pair et tout-terrain, le membre du secrétariat du PCF crée fin 1941 les Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF) dont il prend la tête. Ces groupes de combattants de l’ombre sont la branche armée du Front national constitué par le Parti communiste en mai pour élargir son action au-delà des rangs communistes.

Durant trois longues années, les FTP implantés aux quatre coins du pays se constituent en maquis et jouent, souvent au prix de leur vie, un rôle primordial dans le combat de la Résistance intérieure. À partir du débarquement du 6 juin 1944, ils participent activement à la libération du territoire national et des grandes villes françaises. Son rôle dans la lutte victorieuse sera reconnu : Charles Tillon devient à la Libération ministre de l’Air dans le premier gouvernement formé par le général de Gaulle, puis ministre de l’Armement et, dans le troisième, ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme.

Il est réélu aussi député de la Seine. Mais le monde entre dans la guerre froide, et déjà l’ancien résistant doit faire face à une épreuve à laquelle il n’était pas si bien préparé. Piloté depuis Moscou, un règlement de comptes digne du pire procès stalinien est ourdi : c’est ce que l’on appellera pudiquement « l’affaire Marty-Tillon » en 1952 durant laquelle André Marty, héros des Brigades internationales, sera exclu et le second, remis à la base. Charles Tillon sera définitivement exclu en 1970 et sa mémoire dans le livre héroïque du communisme français sera trop souvent effacée en dépit de son engagement de la première heure.

À lire Charles Tillon, le chef des FTP trahi par les siens, de Fabien Tillon, éditions Don Quichotte/Seuil, 2021.

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Source: https://www.humanite.fr/en-debat/80-ans-de-la-liberation/charles-tillon-le-combat-clandestin-des-1940

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