« Les JO sont censés apporter du bonheur à tout le monde, mais pas à nous » : pourquoi les taxis vivent un calvaire cet été ? (H.fr-8/08/24)

Les syndicats demandent au ministère des Transports la création d’un « fonds de compensation financière couvrant toute la période de privatisation des sites d’événements ou de l’espace public
© Charlie Riedel/AP/SIPA

Les JOP 2024 sont loin de faire l’unanimité auprès des chauffeurs qui, entre le nombre de commandes en baisse et les difficultés de circulation, peinent à tirer leur épingle du jeu.

Par Samuel EYENE.

Le vague à l’âme. Alors que Paris s’est transformé en théâtre de scènes de joie ces derniers jours, célébrant les exploits de chaque nouvel athlète médaillé, s’il y en a pour qui les jeux Olympiques (JO) ne sont pas synonymes de fête, ce sont bien eux : les conducteurs de taxi. Depuis le début de la grand-messe, les chauffeurs vivent un calvaire face à l’absence de clientèle. « J’ai attendu deux heures et demie lundi matin pour obtenir une commande à 36 euros alors que j’en trouve en quelques minutes habituellement », confie Jérôme, conducteur de taxi à son compte. C’est la première fois en trente et une années de carrière qu’il vit une telle situation. La faute, selon lui, à « la fuite des Parisiens » qui voulaient « éviter les problèmes de transport » et à des restrictions de circulation liées aux premiers montages de sites olympiques. Une sacrée tuile.

« Je n’ai que trois commandes par jour »

De fait, pour intégrer les zones « rouges », les chauffeurs de taxi devaient transporter des clients avec un Pass mais certains chauffeurs n’arrivaient toujours pas à se déplacer malgré les autorisations. Créant de la confusion. « Je comprends que l’État ait renforcé son dispositif de sécurité pour se prémunir contre toute attaque terroriste, mais cela ne devrait pas se faire au détriment des chauffeurs. Comment pouvons-nous récupérer des clients aux abords des événements si nous n’avons même pas accès à ces zones ? » se désole Jérôme.

Une situation si critique que les principales fédérations de taxis s’en sont émues dans une lettre adressée le mercredi 31 juillet au ministère des Transports.En réaction, le ministre délégué, Patrice Vergriete, a pris la décision d’autoriser les taxis et VTC à accéder aux périmètres rouges des JO, sans restriction. « Mais c’est trop tard, le mal est fait. S’il n’y a ni touristes à Paris, ni clients habituels, les collègues vont sécher en station pour rien », juge Christophe Van Lierde, vice-président de la Fédération nationale du taxi, dont l’organisation fait partie des signataires de la lettre. Les chauffeurs lésés se trouvent « dans une situation critique, avec des cotisations à payer » et des revenus « dont la baisse peut aller jusqu’à 40, voire 50 % dans certaines situations », alertent d’ailleurs les fédérations syndicales.

C’est le cas de Mohand Kennache, chauffeur de taxi sous le statut d’artisan depuis quatorze ans. En raison de la baisse des commandes, il a décidé de ne pas travailler en début de semaine. « Je n’ai que trois commandes par jour, cela ne sert à rien que je me décarcasse autant dans le vide », confie-t-il, amer. 

Pourtant, le sexagénaire doit rembourser, chaque mois, à hauteur de 1 250 euros son crédit voiture ainsi que les 550 euros liés à son abonnement à la radio G7 et les 600 mensuels liés à ses besoins en essence. « Habituellement, je réalise un chiffre d’affaires d’environ 6 000 euros dont le paiement des cotisations à l’Urssaf et la TVA sont ensuite déduits. Il me reste ensuite environ 3 000 euros pour les charges et le reste à vivre », détaille-t-il. Mais les comptes pour le mois de juillet s’annoncent difficiles. « Ma femme va m’aider à couvrir le reste des dépenses ce mois-ci, glisse le chauffeur. Les JO sont censés apporter du bonheur à tout le monde, mais pas à nous. »

Ainsi, les syndicats demandent au ministère des Transports la création d’un « fonds de compensation financière couvrant toute la période de privatisation des sites d’événements ou de l’espace public (c’est-à-dire de mars à fin octobre 2024) ». Une compensation que doivent recevoir les restaurants et commerçants à la fin des olympiades.

Au mois de juin, en amont du démarrage des JO, Matignon avait annoncé la création d’une commission d’indemnisation. Elle est censée répondre aux besoins des secteurs d’activité floués par l’organisation des JO. Mais il faut que le préjudice soit « anormal et spécial » et directement en lien avec les mesures administratives liées aux Jeux. Pour l’heure, le ministère des Transports n’a pas spécifiquement répondu à cette demande des syndicats de taxis.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/conditions-de-travail/les-jo-sont-censes-apporter-du-bonheur-a-tout-le-monde-mais-pas-a-nous-pourquoi-les-taxis-vivent-un-calvaire-cet-ete

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