
Par Clara MARSAN
Les coups de menton macroniens et les provocations de leurs ministres ne changent rien à la réalité : le pouvoir est isolé et, partant, en crise profonde. La journée du jeudi 4 mai en a donné une illustration frappante.
Au cours de cette journée du 4 mai, le Parquet national financier a annoncé ouvrir une information judiciaire sur la gestion du fonds Marianne face à des soupçons de « détournement de fonds publics », « abus de confiance » et autre « prise illégale d’intérêt », et le président Macron a prononcé un discours d’une violence inouïe prônant une énième contre-réforme de destruction des lycées publics d’enseignement professionnel. Mais il avait dû prendre soin de s’isoler de la masse des enseignants pour ce faire, et de déployer un imposant cordon policier autour du lycée dans lequel il s’exprimait. Isolé physiquement, E. Macron l’est, c’est clair. Son défilé ce 8 mai 2023 sur des Champs-Elysées totalement vides en a donné une image saisissante.
L’isolement politique du président dans le pays s’est illustré pendant des mois : dans les grèves, manifestations et blocages, dans l’unité des organisation syndicales opposées à sa contre-réforme des retraites ; il continue à s’exprimer dans les mobilisations, casserolades et manifestations qui ponctuent les déplacements tentés par chaque représentant d’une parcelle de macronisme.
Une autre illustration en a été donnée dans le cadre de l’Assemblée nationale.
Ce même jeudi 4 mai, se tenait la « niche » du groupe GDR-Nupes, c’est-à-dire une journée consacrée à l’examen de résolutions ou propositions de lois émanant de ce groupe. Dans ce cadre, deux propositions de loi ont été adoptées et se sont conclues par la défaite en rase campagne des macronistes.
Réintégration des soignants, rétablissement du tarif réglementé EDF
La première proposition de loi concernait l’abrogation de l’obligation vaccinale, et donc la réintégration des soignants. Contre l’avis du gouvernement, elle a été adoptée par 157 voix pour, contre 137. Le gouvernement était fou de rage et le ministre Braun a publié sur les réseaux sociaux cette formule hallucinante : « Le complotisme l’a emporté sur la science lors des débats à l’Assemblée » .
La seconde proposition de loi, intitulée « Protéger le groupe Electricité de France d’un démembrement », visait initialement (portée par Philippe Brun, initiateur socialiste de cette proposition de loi en février) à empêcher le démantèlement d’EDF ; après 1re lecture à l’Assemblée et au Sénat, puis en commission, elle a été reprise par le groupe GDR-Nupes dans sa « niche » et coprésentée par Sébastien Jumel.
A l’occasion de cet examen, tous les amendements de suppression des macronistes ont été battus. A l’inverse, ont été ajoutés des amendements LFI : ceux-ci visaient à étendre l’accès aux tarifs régulés de vente de l’électricité aux PME et aux bailleurs sociaux. Amendements adoptés, votés par toute la Nupes. De même a été adopté un amendement LR visant à rétablir cet accès aux TRVe aux collectivités de moins de 50 000 habitants. Adopté contre l’avis du gouvernement, représenté par le ministre Lescure. Et, par 127 voix pour, contre 89, la proposition de loi a été adoptée.
À l’actif de la Nupes
Alors que la « grande » presse et les plateaux télé se répandent chaque jour sur l’explosion de la Nupes, notons que les amendements, chaque article et l’ensemble de cette proposition de loi ont été adoptés par toute la Nupes.
Ainsi que le soulignait William Martinet, député LFI des Yvelines, dans la journée, « nous avons désormais la preuve qu’à partir du moment où la minorité présidentielle perd la main – c’est-à-dire lorsqu’elle ne décide pas de l’ordre du jour –, elle est battue sur ses amendements. »
« A l’inverse, quand la Nupes a la main – car je rappelle qu’aujourd’hui nous examinons dans une niche communiste un texte présenté par un député socialiste, enrichi d’amendements défendus par des Insoumis et adoptés avec le soutien des écologistes –, elle est capable de faire adopter des textes qui changent la vie des gens ! »
Quant à Alma Dufour, députée LFI de Seine-Maritime, elle a soulevé une série de questions.
Notamment : « Savez-vous quel est le pourcentage d’augmentation des faillites de PME en un an [en lien notamment avec la hausse des coûts de l’énergie, Ndr] ? 43 % ! Dans l’agroalimentaire, on atteint même 86 % de faillites supplémentaires rien que ce mois-ci. (…) L’inflation alimentaire, quant à elle, est due à la spéculation dans le secteur alimentaire, elle-même alimentée par la spéculation dans le domaine énergétique. Aujourd’hui, en France, un smicard sur deux saute des repas : telle est la réalité. (…)
Alors que le prix de l’énergie n’a jamais été aussi haut, EDF, qui produit 80 % de l’électricité française, enregistre des pertes colossales. Pendant ce temps, Engie et TotalEnergies ont augmenté leurs bénéfices de 42 %. Vous trouvez cela normal ? »
Et d’enfoncer le clou : « Ouvrez les yeux : vous défendez l’indéfendable ! Vous êtes de plus en plus isolés. »
Difficile de lui donner tort. La « majorité relative » est sérieusement esquintée.
Les députés Renaissance mal en point, leurs alliés aux abonnés absents
Les députés Renaissance étaient quasi pour moitié absents, et leurs « alliés » Modem comme Horizons n’ont pas brillé par leur présence et leur implication. Et parmi les députés qui se sont exprimés en soutien à la proposition de loi, et frontalement en opposition à toutes les arguties des soutiens présidentiels, c’était chaud : « [l’opération d’obstruction des macronistes] ne changera rien au résultat, chers collègues : comme ce matin, comme depuis la reprise à 15 heures, vous serez battus. Prenez-en l’habitude, car vous le serez de plus en plus souvent », lance Ian Boucard, député LR du Territoire de Belfort ; quand Michel Castellani (groupe Liot), rappelle que « construction européenne a souvent rimé avec libéralisation. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne l’énergie. Sous l’influence des directives européennes, le marché national s’est ouvert à la concurrence, obligeant l’énergéticien EDF à ouvrir son capital en 2005. (… ) Faire de l’énergie un bien comme un autre a été une erreur. (…) Prenez l’Arenh, qui contraint EDF à vendre une partie de son électricité à ses concurrents. Il a laminé les comptes du groupe et réduit sa capacité d’investissement sans que n’émergent vraiment de concurrents sérieux. Désormais EDF est considérée, selon les circonstances, comme un service public ou comme une entreprise en concurrence, et ce choix se fait toujours au détriment des intérêts du groupe. » Quant à Patrick Hetzel (député LR du Bas-Rhin), il tacle « des décisions politiques prises en dépit du bon sens (…) les choix hasardeux, les erreurs stratégiques et les décisions coupables de l’actuel président de la République et de son prédécesseur (…) ».
Un résultat qui doit beaucoup aux combats des agents d’EDF
Personne ne s’étonnera que les députés LR ou Liot ne voient pas la contradiction qu’il y a, pour certains d’entre eux, à voter cette proposition de loi – qui, sur le fond, exprime une volonté profonde dans le pays de rupture avec la politique de destruction du statut EDF – et leurs votes pour la liquidation du statut et du régime spécial de retraite des personnels des industries électriques et gazières.
Mais ce qui est clair, c’est que la tension du débat et la défaite du gouvernement au sein de l’Assemblée nationale à l’occasion de cette proposition de loi doivent beaucoup au combat acharné qui a été et est celui des personnels d’EDF, avec leurs organisations syndicales et sur le terrain de la lutte de classe, pour bloquer la politique de démantèlement menée par tous les gouvernements depuis des dizaines d’années.
Ce que contient la proposition de loi « visant à protéger le groupe Electricité de France d’un démembrement » – Une liste de « missions » assurées par EDF (production, transport, distribution…). Son but, selon ses promoteurs : empêcher l’exécutif de ressusciter tout projet de scinder EDF en différentes parties (et visant à privatiser les plus lucratives et poursuivre l’éclatement du statut des personnels, mais aussi à remettre en cause la propriété des réseaux de distribution ou la péréquation tarifaire). – Les députés ont étendu le bénéfice des tarifs réglementés de vente de l’électricité aux PME, aux collectivités de moins de 50 000 habitants et aux bailleurs sociaux. |
Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/05/12/les-macronistes-mis-en-minorite-a-plusieurs-reprises/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/les-macronistes-mis-en-minorite-a-plusieurs-reprises-io-fr-12-05-23/