
Le musée de la Résistance en Bretagne, à Saint-Marcel (Morbihan), lance samedi 8 mars 2025, sa nouvelle scénographie liée aux 80 ans de la libération des camps et des poches à Lorient et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Et en cette journée internationale des droits des femmes, le musée s’intéresse aussi à des résistantes bretonnes.
Par Vincent BESNARD.
Même s’il a rouvert depuis plus d’un mois, essentiellement pour accueillir des visites scolaires, le musée de la Résistance en Bretagne, à Saint-Marcel (Morbihan), présente à partir de ce samedi 8 mars 2025, sa nouvelle scénographie pour expliquer les différents événements de 1945, dont on célèbre cette année les 80 ans. À commencer par la libération des poches de Lorient (Morbihan) et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), car il faut se rappeler que c’est en Bretagne que les derniers territoires ont été libérés dans le pays
, souligne Tristan Leroy, le conservateur du musée. On y voit d’ailleurs la table du bar breton d’Etel, sur laquelle la reddition de la poche de Lorient a été signée. « L’exposition 1944-1945, libérer la Bretagne s’attache à faire comprendre les enjeux de cette Libération pour les Alliés, le rôle de la Résistance dans l’accompagnement des unités américaines, le moment de liesse générale accompagnant l’arrivée des libérateurs, le retour progressif à la légalité républicaine et la nécessité de reconstruire une nation apaisée après cinq années d’occupation éprouvantes. »
« Vont-ils revenir… ou pas ? »
Évidemment évoqué en détail avec de nombreux documents, cartes, objets ou témoignages mis en évidence, reflétant l’état d’esprit et les doutes du moment, 1945 est aussi marquée par le retour des absents, au printemps et dans les mois qui suivent : les prisonniers, mais aussi les travailleurs retenus en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO)… mais aussi les rescapés des camps, avec cette incertitude insupportable pour les familles, vont-ils revenir ou pas ».
Sont mis en évidence des parcours de déportés bretons, mais aussi l’incompréhension qui peut régner après ce qu’ils ont vécu. On ne les croit pas, ou ils ne parviennent pas à témoigner. Ils ne se comprennent qu’entre eux
. Il faudra attendre les années 1980, et la montée du négationnisme, pour qu’ils témoignent dans les classes de l’indicible qu’ils ont dû affronter… Tous ces documents présentés ont vocation à rejoindre les salles de l’exposition permanente.
Il en est de même pour l’exposition temporaire retraçant l’engagement des parachutistes français au sein des Special Air Service (SAS) de l’armée alliée anglaise. Ceux-ci avaient été parachutés, la veille du Débarquement, en partie autour de Guéhenno (Morbihan) et Plumelec (Morbihan), où le Costarmoricain Emile Bouëtard sera le premier tué des forces alliées lors de l’opération Overlord. Leur but a été faire la jonction avec la Résistance et contribuer à la montée en puissance du maquis de Saint-Marcel, avant d’en éviter l’anéantissement le 18 juin 1944.
Cette exposition permet d’en savoir plus sur ces autres héros de la Libération et aussi ce qu’ils sont devenus après.
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« Un nouvel ordre inquiétant… »
Le musée de la Résistance en Bretagne a enregistré 35 000 visiteurs en 2024. Par sa dimension pédagogique, il est un lieu incontournable pour les établissements scolaires, et notamment pour ceux qui préparent le Concours national de la Résistance
. Preuve de son utilité, le Livre d’or, mais aussi un panneau de libre expression, regorgent de remerciements et de témoignages des émotions ressenties lors de la visite. À l’heure où les équilibres fragiles trouvés au sortir de la Seconde Guerre mondiale s’effondrent et un nouvel ordre inquiétant semble vouloir s’installer
, Tristan Leroy et ses équipes savent l’utilité de leur travail pour que la mémoire ne s’efface pas.
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Ce samedi 8 mars 2025, les Résistantes à l’honneur
Pour célébrer la journée internationale des droits de la femme, le musée de la Résistance en Bretagne a décidé de mettre les femmes et la Résistance à l’honneur. D’abord en projetant, à 15 h, le film documentaire d’Alice Doyard et Anthony Giacchino, Colette, ayant obtenu l’Oscar du meilleur court métrage en 2021. Il retrace la découverte par Colette Marin-Catherine du camp de Dora (Allemagne) ou son frère est mort en 1945.
Après ce film d’une vingtaine de minutes, Hervé Le Gall, historien et délégué pour le Morbihan de la Fondation pour la mémoire de la déportation, évoquera le parcours de Marie-Louise Le Bozec, résistante lorientaise : elle entre en Résistance dès la fin de l’année 1940, alors qu’elle est élève infirmière, âgée de 26 ans. Animée de fortes convictions gaullistes, elle distribue des tracts et prend des photographies de l’arsenal maritime de Lorient qui seront embarquées dans un sous-marin britannique après avoir transité sur un bateau de pêche lorientais. Elle aide également à l’évasion d’un pilote britannique capturé par la Wehrmacht et hospitalisé à Nantes, en lui fournissant des vêtements civils. Sa sœur aînée, Marie-Jeanne, entre également en Résistance dès 1940 au sein de Réseau CND du colonel Rémy dont elle est la secrétaire sous le pseudo « Yvon ».
Marie-Louise est arrêtée sur dénonciation le 19 août 1941. Présentée à la Kommandantur de Lorient, elle est interrogée avec brutalité. Transférée à la maison d’arrêt de Vannes, elle est traduite devant la Cour Martiale de la FK 750 et condamnée le 9 janvier 1942 à 1 an et 7 mois de prison. Elle est transférée en l’Allemagne fin janvier 1942 et transite par les prisons de Karlsruhe, Francfort, Coblence, Cologne et Wittlich. Alors que sa peine de prison s’achève, elle est pourtant déportée au camp de Ravensbrück en mai 1943. Réduite au « matricule 19860 », elle subit l’enfer concentrationnaire des camps nazis. Elle est transférée en septembre 1943 au Kommando de Neubrandenburg qui sera évacué le 27 avril 1945 devant l’avance des troupes soviétiques. Pendant la « marche de la mort » imposée aux survivants à travers le Mecklembourg, la Lorientaise parvient à s’évader avec quelques camarades.
Après une marche éprouvante de 170 km, elle parvient à rejoindre Wittenberge sur l’Elbe, où stationnent des unités de l’armée américaine. Rapatriée le 17 mai 1945, elle rejoint sa famille alors installée à Saint-Étienne-de-Montluc (Loire-Atlantique) le 26 mai. Elle retrouvera sa sœur Marie-Jeanne, également arrêtée par la Gestapo et déportée au camp de Ravensbrück.
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