Les températures jouent au yoyo : pourquoi ça va continuer (reporterre-22/04/25)

Les montagnes Rocheuses, où des chutes de neige ont recouvert la région en plein été indien en 2020. – Wikimedia Commons / CC BY-SA 2.5 / Nmadhubala

Les changements brutaux de température sont de plus en plus fréquents et devraient continuer à se multiplier. Ces épisodes peuvent avoir des conséquences désastreuses en cas, par exemple, de gel tardif.

Par Hortense CHAUVIN.

Un début de printemps. Les manteaux, enfin, restent sur leurs patères. Le soleil revient tiédir les dos, couverts par des pulls de plus en plus superflus. Les étangs coassent, les cerisiers ploient sous d’épaisses fleurs roses. On se prend à rêver d’été, de verres en terrasse, de dîners qui s’éternisent dans la nuit redevenue douce. Et puis d’un coup, l’hiver revient. Le nez coule, les poils se hérissent, les gants s’imposent pour les sorties à vélo, les mares se taisent. Dans les vergers, les fruitiers morflent. Leurs couronnes pastel se transforment en bubons marronnasses. La récolte est perdue.

Sûrement vous êtes-vous déjà fait gifler ainsi par le froid au retour des beaux jours. Ou avez-vous, à l’inverse, senti la douceur s’imposer sans crier gare en plein cœur de l’hiver ? À cause du réchauffement climatique, ces changements brutaux de météo sont appelés à devenir plus fréquents, plus intenses et plus rapides, selon une étude publiée le 22 avril dans la revue scientifique Nature Communications.

La fréquence des « bascules » augmentera encore

Ces travaux ont été menés par une vingtaine de chercheurs affiliés à diverses universités chinoises et étasuniennes. L’équipe de scientifiques a analysé les changements abrupts de température entre 1961 et 2023 [1]. Elle a ensuite combiné ces données observationnelles à des modèles climatiques, afin de comprendre comment ce phénomène pourrait évoluer à l’avenir.

Depuis 1961, la fréquence, l’intensité et la rapidité de ces « bascules de température » ont augmenté sur plus de 60 % de la surface de la planète, indiquent leurs résultats. L’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Sud, l’Amérique du Nord, l’Afrique, l’Asie du Sud et l’Australie ont été particulièrement touchées par ce phénomène. La fréquence des revirements de température a cependant diminué dans les zones froides et polaires.

La poursuite de nos modes de vie actuels devrait aggraver la tendance. Si nos émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter sans relâche et s’alignent sur le « scénario du pire » du Giec, « SSP5-8.5 », les chercheurs s’attendent à ce que la fréquence des changements brutaux de température augmente d’environ 8 % d’ici la fin du siècle et que leur intensité croisse d’environ 7 % par rapport à la période 1961-1990. La durée du « basculement » entre les périodes chaudes et les périodes froides devrait quant à elle diminuer d’environ 2 %.

Des conséquences sous-estimées

Les effets des revirements soudains de la météo sont moins médiatisés que ceux des canicules, mais ils sont loin d’être anodins. Les auteurs de l’étude évoquent l’exemple des montagnes Rocheuses, à l’ouest de l’Amérique du Nord. Le 9 septembre 2020, la température y a dégringolé de 20 °C en moins de 24 heures. Un épais manteau de neige a recouvert la région, jusqu’alors en plein été indien, ce qui a entraîné des accidents routiers et des pannes de courant. « Les vagues de froid soudaines peuvent entraîner des demandes imprévisibles d’énergie pour le chauffage », expliquent les scientifiques, au risque « d’augmenter les risques de pénurie d’énergie dans certaines régions à faible revenu ».

Les épisodes de gel tardif peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les récoltes. Pxhere / CC0

Les conséquences peuvent également être terribles pour la biodiversité. En avril 2021, l’Europe a été secouée par un brusque retour du gel après plusieurs jours de beau temps. Des milliers d’hectares de vignes, de betteraves, de colza et d’arbres fruitiers en pleine floraison ont été détruits en métropole, contraignant l’État français à allouer 20 millions d’euros aux départements les plus touchés.

Plus récemment, en janvier 2024, un flux polaire venu de Sibérie, le « Moscou-Paris », a glacé le pays, qui faisait jusqu’alors face à un hiver anormalement doux. Cette chute brutale de la température a exposé la végétation bourgeonnante au risque de brûlures.

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Le nombre de personnes affectées par ce phénomène à travers le monde devrait plus que doubler. Les habitants des pays à faible revenu sont en première ligne : les scientifiques estiment qu’ils seraient entre quatre et six fois plus exposés que la moyenne mondiale. Cela pourrait avoir des conséquences « sévères », selon les auteurs de l’étude, ces pays disposant souvent « d’infrastructures vulnérables, insuffisamment adaptables et peu résilientes ».

Les changements abrupts de température laissent « très peu de temps pour réagir et s’adapter », soulignent-ils. Si la capacité d’adaptation des pays ne suit pas le rythme de l’intensification du phénomène, ils craignent qu’il génère « un stress plus important sur le corps humain », voire qu’il « augmente les risques de morbidité et de mortalité, en particulier pour les groupes vulnérables tels que les personnes âgées et malades ». Pour s’en prémunir, une seule solution : un changement abrupt de modèle de société, moins dépendant des énergies fossiles et des techniques émettrices de gaz à effet de serre.

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Source: https://reporterre.net/Les-temperatures-jouent-au-yoyo-et-ca-va-continuer

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