L’été Duplomb-Handala-par Jean-Luc Mélenchon (Blog JLM-21/07/25)

Par Jean-Luc MELENCHON.

Symptôme caractéristique des périodes de chambardements, cet été n’arrive pas à ouvrir le temps de pause politique. Déjà l’annonce du plan Bayrou a explosé le paysage du cycle du budget tel qu’il s’amorce chaque année à cette époque. Sidération générale. La violence sociale que Bayrou se propose de déchainer ne peut être assumée par aucune des forces politiques qui gravitent dans l’espace des pactes de non-censure qui ont déjà sauvé le Premier ministre à huit reprises. Du coup l’ambiance des coulisses est à se préparer à la chute du gouvernement. Cela ouvrira ouvrant une série de scénarios majeurs aussi divers que sans précèdent. Dès à présent, dans les milieux officiels que cela concerne de près, l’ambiance tient davantage de la débandade que de la préparation des tranchées. 

Pour notre mouvement c’est un moment de branle-bas mobilisateur, nonobstant toutes les difficultés que ce rythme soulève. Ce n’est certes pas comme il y a un an où nous n’avons eu que douze jours de pause entre le bouclage de la fin des élections législatives anticipées et la reprise du combat avec la décision de demander la destitution de Macron puis nos amfis d’été. Mais la préparation des amfis d’été du mouvement et les caravanes qui cheminent dans le pays sont des démultiplicateurs de volonté d’agir qui vont compter dans la préparation de la rentrée. Un travail de fond se mène avec la prise de conscience du caractère « de classe » du plan Bayrou dans la profondeur populaire. En quelques semaines, Bayrou aura nourri une conscience collective de l’antagonisme entre « eux et nous » particulièrement efficace. Les pilonnages médiatiques pour faire peur et affoler sont, eux aussi, très utiles pour travailler à leur discrédit. Nos intervenants y travaillent bien… Ils produisent aussi surtout une demande de réplique qui s’exprime de tous côtés sur le terrain. La saison des chiffres et des démonstrations commence tôt cette année. L’espoir du pouvoir macroniste est de passer en force sans rencontre de réplique populaire. Il compte sur les syndicats qui lui demandent de « mieux les utiliser ». Il se dit qu’ils savent retenir tout le monde le temps des palabres démobilisatrices comme le fut ce « Conclave » sur les retraites offert au PS contre son refus de censure. Les insoumis et leurs alliés GDR et EELV à l’Assemblée barrent la route des arrangements comme ils l’ont fait à chaque motion de censure. Le point nodal est le choix que feront les membres du pacte de non-censure que sont le RN et Le PS. Notre pari est qu’ils ne peuvent recommencer la danse du ventre de « la négociation ». Ils en paieraient un prix qu’ils ne peuvent plus encaisser sans casse sévère dans l’opinion. Et que nous nous chargerions de leur faire assumer sur le terrain. La chute de Bayrou est donc la perspective la plus probable avant la fin de l’année.

Le succès de la pétition contre la loi Duplomb dans cette ambiance est une incroyable bonne nouvelle. Les milliers de réseaux petits et grands qui l’ont relayée ont atteint leur but. Plus d’un million de signatures. Cela signifie que le procès de sa mise en œuvre fonctionnera comme une agression spécialement brutale et mobilisatrice si le pouvoir macroniste s’accroche à son accord avec les sénateurs LR dont vient cette loi. Pourtant, on a en mémoire comment la macronie s’était dévouée sans compter, avec l’appui énergique du RN et de LR, pour faire passer le texte en force. La méthode était incroyable : tous ensemble, ils avaient voté le rejet de leur propre texte pour abréger la procédure parlementaire ! Nous avions parlé alors de « 49.3 parlementaire ». Pour être honnête, disons aussi que la loi ne souleva guère de passion au-delà de milieux directement impliqués. L’acharnement de nos parlementaires se senti bien mal payé. Je me souviens de l’ambiance du rassemblement place des Invalides à l’initiative de la confédération paysanne. On se comptait un peu. Mais tout le monde avait une certitude alarmée totale. Rien n’y fit. Les parlementaires insoumis avaient choisi une tactique d’explication détaillée article par article plutôt qu’une simple protestation d’obstruction. On dispose donc d’un bon fond d’arguments auxquels tout le monde peut se référer en cliquant vers le journal officiel des débats ou vers les replays de l’Assemblée nationale. Il est extrêmement profitable que la politique écologique agricole revienne en débat par ce texte et cette action populaire de masse. Car le contenu de la loi est une telle agression contre la santé publique ! Cela paraissait d’abord très difficile à faire partager. Ici s’opposent le modèle de l’agriculture chimique et hyper productiviste à la vision d’une agriculture paysanne tournée vers la souveraineté alimentaire plutôt que sur l’export à n’importe quelles conditions. Nous allons avoir l’espace pour soutenir un modèle agricole prenant toute sa place dans la prévention des épidémies de cancers et des pollutions de masse qui sont aujourd’hui la signature du modèle dominant. Une deuxième lecture à l’Assemblée est la voie de la dignité en tel cas. Sinon quoi ? Le bon plaisir du monarque présidentiel qui ne promulguerait pas la loi après avoir tout fait pour qu’elle soit adoptée ?

À ce moment, nous les insoumis sommes déployés sur tous les fronts. Nous vivons un été très actif. C’est le suivi de Rima Hassan au sommet de Bogota contre le génocide. Et celui Marina Mesure à Panama en pleine crise de répression syndicale dans un pays clef pour le commerce mondial. Ou la présence de Manon Aubry au Brésil contre le Mercosur. Je sais que j’oublie de mentionner les nombreuses actions de terrain qui me sont signalées. Mais mon intention n’est pas ici de faire un compte rendu d’activité, mais de mettre en scène une ambiance. Le propos est de construire une organisation tournée vers l’action et l’engagement plutôt que dans les bavardages, blabla « stratégique », querelles de personnes et autre perte de temps et d’énergie au moment où il faut engager toutes ses forces au combat. 

La veille et l’accompagnement militant de la flottille vers Gaza à laquelle participent deux députées insoumises Emma Fourreau et Gabrielle Cathala concentrent notre énergie. L’enjeu ici est le danger que font peser les méthodes de Netanyahu. Chacun devine que la décision prise par nos deux camarades est aussi personnelle que réfléchie. Impossible de ne pas s’inquiéter pourtant. Du coup ce sont elles qui nous rassurent. « Je sais que le mouvement insoumis sera à nos côtés à chaque instant. Le plus dur est d’assister impuissante au génocide. Je suis sereine avec mon choix d’embarquer. À très vite ! » écrit Emma. À bord, il y a six français.  Ange Sahuquet (ingénieur), Justine Kempf (infirmière), Franck Romano (avocat franco-américain à la retraite, ancien avocat du peuple Palestinien auprès de la CPI) Chloé Ludden, ancienne salariée du GIEC et du secrétariat général des Nations Unies (elle vient de démissionner) et nos deux députées insoumises. Et il y a aussi un résident titulaire d’un passeport talent depuis 2014 : Mohamed El Bakkali, journaliste d’AJ qui a une carte de presse du quai d’Orsay. Je manquerais au devoir si je ne donnais pas la liste de la suite de l’équipage. Chris Smalls – USA, Jacob Berger – USA, Robert Martin – Australie, Antonio Lapiccirella – Italie, Bob Subeiri – Israël / USA, Braedon Peluso – USA, Huwaida Arraf – Palestine / USA, Tania Safi – Australie, Hatem Aouini – Tunisie, Santiago Gonzalez – Espagne, Vidgis Bjorvand – Norvège, Sergio Toribio Sanchez – Espagne, Antonio Mazzeo – Italie, Waad Aal Musa – USA.

L’espérance de pouvoir percer le blocus est forte. Ce serait symbolique bien sûr. Mais tellement décisif dans un moment où seule la complicité des gouvernements permet la prolongation de l’extermination méthodique du massacre. En effet, le moment est marqué par l’insurrection de secteurs de plus en plus larges engagés contre le permis d’assassiner accordé jusque-là à Netanyahu. Même le roi des Belges s’y met ! Le sommet de Bogota est un signal de première importance. En effet, un retournement du monde international s’y exprime sans faux semblant. Ce sont des pays du « sud global » qui se portent garants du droit international contre le reniement du « nord global » et ses leçons de morale désormais inécoutables. Le suicide moral provoqué par Netanyahu étend ses effets par contamination. L’option d’un nouveau rapport de force politique mondial et l’opportunité pour une politique de non-alignement s’ouvre un espace qui n’existait pas avant le génocide impuni. En toute hypothèse, nous disposons désormais d’un document gouvernemental là où nous n’avions que des déclarations et prises de positions séparées ou simplement militantes. Dans ce document de Bogota, les insoumis retrouvent la totalité de leurs positions et leurs mots d’ordre. 

Tout le contexte pousse à cette réorganisation générale. Voyez comment l’agression de Trump contre le Brésil pour soutenir l’ex-président délinquant Jair Bolsonaro a crispé toute la société brésilienne dans sa profondeur. C’est une règle générale. En effet Trump a l’immense mérite à nos yeux de s’attaquer aux nations alignées sur les USA. Il le fait d’une manière si violente et grossière qu’elle provoque de tous côtés un ébranlement des attaches fondamentales, sans parler des conséquences économiques. Ainsi les droits de douane vont-ils sans doute, comme l’affirme la banque centrale allemande, provoquer une troisième année de récession en Allemagne. L’effet domino prend alors des chemins imprévus. Même exemple : pour surmonter l’obstacle, l’Allemagne veut foncer dans la direction de l’économie d’armement qu’elle s’apprête à alimenter avec une force sans précédent. Tant que gouvernent dans notre pays des gens sans horizon historique, cela se passe sans discussion. Mais dans le débat de 2027, il est certain que la question de savoir pourquoi faire et contre qui l’Allemagne prétend se doter de l’armée conventionnelle la plus efficace d’Europe sera posée. Et aussi de savoir quand avons-nous accepté un tel réarmement de notre voisin ? Et quand aurions-nous accepté qu’il dispose de l’arme nucléaire comme l’a évoqué le président du Sénat allemand ? Une après l’autre, les façades de l’après-guerre froide et de ses automatismes tombent. Dans tous les domaines. 

Désormais, de nombreuses voix juives s’élèvent de tous les horizons politiques des communautés dans tous les pays pour refuser que le massacre de Gaza soit « mené en leur nom ». Le temps des suprématistes juifs et des opportunistes à gage semble toucher à sa fin. Peut-être peut-on espérer une émission de radio J sans la question « Mélenchon antisémite ça vous parle » qui est posée à chaque invité. Ces prises de position insoumises au discours dominant de l’officialité est un signal extrêmement positif. D’abord parce qu’il annule le droit à l’infamie attribué à ceux dont l’unique activité dans leur pays respectif consiste à insulter et à diffamer pour obtenir le silence contre le génocide. Les juifs opposés à la politique de Netanyahu sont les premiers désormais à refuser l’étiquette d’antisémite pour toute critique du gouvernement d’Israël. L’intérêt principal de cette situation est évidemment le facteur d’unité populaire qu’elle rend possible. Évidemment les dégâts provoqués par la phase précédente seront longs à réparer. La confusion organisée et propagée entre sionisme et judaïsme dans le contexte du génocide est une faute absolue dévastatrice. Personne ne pourra l’effacer en continuant à redoubler d’insultes et d’agressions comme le font encore les émetteurs de Netanyahu en France. Mais de nouveau, il y a un point d’appui et il faut le noter, l’encourager, le faire connaître. C’est aujourd’hui la forme la plus concrète de lutte contre l’antisémitisme.

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Source: https://melenchon.fr/2025/07/21/lete-duplomb-handala/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/lete-duplomb-handala-par-jean-luc-melenchon-blog-jlm-21-07-25/

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