
Dans les hôpitaux bretons, l’application de la loi Rist, annoncée pour avril 2023, fait craindre la fermeture provisoire de lits, de services ou même de maternités comme celles de Carhaix ou Guingamp. Le texte prévoit de plafonner la rémunération des médecins intérimaires à 1 170 € pour une garde. Or, la majorité des hôpitaux dépend de ces nomades de la médecine largement rétribués.
Fermeture provisoire des maternités de Guingamp (Côtes-d’Armor), Carhaix et Landerneau (Finistère) faute d’anesthésistes. Paralysie partielle du bloc opératoire et de la maternité du centre hospitalier intercommunal Redon-Carentoir (Chirc). Menaces sur plusieurs dizaines de lits de médecine polyvalente dans le territoire de santé de Rennes, Redon, Fougères et Vitré. Menaces aussi sur les services d’urgences et de chirurgie dans le groupement hospitalier territorial des Côtes-d’Armor.
Ce scénario catastrophe, redouté pour avril 2023 en raison d’une pénurie de médecins intérimaires, alarme les hôpitaux bretons. L’État veut appliquer la loi Rist, promulguée fin 2021. Ce texte plafonne notamment la rémunération des praticiens intérimaires à 1 170 € pour une garde et interdit aux jeunes fraîchement diplômés de commencer leur carrière par de l’intérim.
« Il faut réguler l’intérim qui coûte trop cher aux hôpitaux »
Or, ces nomades de la médecine, rémunérés au minimum deux fois plus que ce que prévoit le texte, sont indispensables au fonctionnement de nombreux hôpitaux, surtout les plus petits. De source syndicale, le service d’anesthésie à Landerneau (Finistère) tourne grâce à « une dizaine d’intérimaires ». Le centre hospitalier intercommunal Redon-Carentoir s’appuie sur « environ 40 % de médecins intérimaires ». Lesquels seraient tout aussi vitaux pour les urgences, la maternité, le bloc opératoire et les soins de suite et de réadaptation de l’hôpital de Pontivy. Et ce ne sont là que quelques exemples.
« Les établissements les plus vulnérables sont situés dans les territoires les plus enclavés, avec un nombre de plages important à combler dans le planning comme Carhaix, Pontivy, Fougères, Redon et Vitré, confirme Lionel Pailhé, permanent à la Syncass CFDT (Syndicat des cadres de direction, médecins, dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés) favorable à la loi Rist. Cependant, dans les CHU (centres hospitaliers universitaires), l’anesthésie et l’imagerie/radiologie sont parmi les disciplines les plus critiques. »
« Si les plannings ne sont pas complets, il y aura des fermetures de services d’urgence, constate Louis Soulat, patron du Samu 35, au nom du syndicat Samu – Urgences de France. Certains fonctionnent avec la moitié d’intérimaires. C’est pourquoi il y a une grosse inquiétude. Même si l’on sait que ça va être dur pendant une période de transition, il faut réguler l’intérim qui coûte trop cher aux hôpitaux. Cette loi est un mal nécessaire. »
« Un fonctionnement délétère »
Même position de la Fédération hospitalière de France (FHF) Bretagne. Dans son rapport annuel publié en janvier, la représentante des établissements publics de santé et médico-sociaux s’inquiétait pourtant des conséquences de « l’assainissement du marché de l’intérim médical », qu’elle réclame. Comment éviter la grande pagaille en avril ? L’Agence régionale de santé (ARS) a notamment décidé le maintien de la revalorisation des indemnités de garde et de nuit « jusqu’à l’été 2023 » pour les praticiens du secteur public. Une mesure défendue par la Syncass-CFDT qui plaide aussi pour « l’accélération de la validation des connaissances des praticiens à diplôme étranger hors union européenne ». Par ailleurs, indique l’ARS, « la solidarité s’organise au sein de chaque groupement hospitalier de territoire (…) grâce notamment à la prime de solidarité territoriale (PST) », pour les praticiens candidats à des remplacements dans d’autres établissements du territoire. Enfin, « des contrats sont proposés par les directions aux médecins intérimaires remplaçants pour stabiliser leur situation ».
Ces mesures seront-elles suffisantes ? L’Agence régionale de santé (ARS) établit en ce moment même « des plans de continuité d’activité territoriale », sorte de cartographie des risques. Car l’État, qui a déjà reporté l’application de la loi, est désormais déterminé à sauter l’obstacle. Ce sera le 3 avril.
Laetitia JACQ-GALDEANO
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