
Par Antoine MANESSIS.
Les droites tentent de trouver une solution aux dégâts provoqués par Emmanuel Macron qui, face à l’érosion continue de sa base de masse, a adopté une politique socialement brutale et institutionnellement anti démocratique, une politique de la terre brûlée qui abouti à une impasse. On ne gouverne pas avec la schlague. En tous les cas pas longtemps.
Le retour de bâton s’est concrétisé avec la double et rude défaite du camp présidentiel aux élections européennes puis, après la dissolution, typique de la politique de Macron mélange de sous-bonapartisme et d’attitude d’enfant gâté, aux législatives.
Ces défaites sont le résultat peu surprenant d’une politique menée au seul bénéfice des plus riches, de la casse de la retraite par répartition, d’une politique étrangère irresponsable…etc.
Pour faire face à ces défaites Macron s’est enfoncé dans la crise en constituant des gouvernements qui s’appuyaient sur des groupes politiques battus (Macronie et LR) avec un résultat prévisible et aujourd’hui évident. D’autant plus que l’approche des présidentielles oblige les candidats putatifs à se démarquer les uns et les autres.
Il n’a évidemment pas pris compte du fait que le bloc du NFP (nouveau front populaire) était sorti en tête des législatives de juillet 2024. Ce qui était tactiquement stupide et démocratiquement inique.
Bref tout cela a provoqué la grossière et indécente comédie actuelle.
Une partie de la droite, la fraction « juppéiste », droite-centriste, qui voit d’un mauvais oeil l’hubris macroniste démolir ses chances, vient de porter un coup à Macron en proposant par la voix d’Edouard Philippe la démission du président et des élections présidentielles anticipées. » L’Etat n’est plus tenu » et Macron « abîme des institutions », rien que ça…. Le divorce donc est prononcé entre deux factions de la droite.
Dans le même sens l’intervention de l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne, qui s’est dite ouverte, hier 7 octobre, à une suspension de la réforme des retraites. Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, a estimé que l’ancienne cheffe du gouvernement faisait volte-face, ce qui constitue un aveu : la loi « est un échec ». Borne est issue de l’aile technocratique et droitière de la social-démocratie. Borne s’était pleinement investie dans cette réforme de la retraite, le geste n’est pas anodin. C’est un appel à peine camouflé à la « Troisième force » au prix d’une concession d’ailleurs verbale et très vite contrée par Yaël Braun-Pivet et l’aile droite de la Macronie qui ne veut pas voir son bilan remis en cause.
Ces deux interventions politiquement significatives indiquent qu’une partie de la droite envisage la « Troisième force » dont nous avons tracé la perspective sur NBH, reprenant le vieux rêve de la bourgeoisie d’un centre allant du PS à la droite et isolant le RN d’un côté, et la gauche, la France Insoumise et ses alliés, de l’autre. L’omelette dont on a coupé les deux bouts. Le « Cercle de la raison » gouvernerait alors.
C’est ce qu’a voulu faire Macron mais en absorbant les socialistes et la droite. Il y est parvenu en partie d’autant que cela lui permettait de se faire passer pour un barrage au RN.
Ce qui a, entre autres, fait échouer Macron c’est 1) le résultat concret de sa politique de l’offre sur la vie des gens et 2) l’existence et la croissance vertigineuse d’une gauche de gauche avec la France Insoumise.
Une autre partie de la droite travaille à l’union des droites sur le modèle italien mais où, à la place de l’extrême-droite, ce serait la droite radicalisée qui serait hégémonique. C’est la stratégie de Bruno Retailleau et des LR.
Cette fraction de la droite était écrasée entre la Macronie et le RN. Mais aujourd’hui l’étau se desserre car Macron est dans une impasse, les rats quittent le navire, et le RN n’est plus dans une phase dynamique du fait de l’affaiblissement de Marine Le Pen et les limites évidentes de Jordan Bardella. Sans compter les hésitations stratégiques du RN sur son positionnement. Trumpiste? Meloniste? Orbaniste? Des gens comme Vincent Bolloré poussent vers l’union des droites, MLP semble toujours attachée à la dimension « ni gauche ni droite »…Bref ça tangue.
Retailleau tente d’en profiter. Il propose une « Majorité nationale », c’est-à-dire une Union des droites dont il serait l’élément fédérateur. Outre son discours (immigration, sécurité, assistanat les trois mamelles de l’extrême-droite) et son action à l’Intérieur, il donne des signes en direction des néofascistes comme à la législative partielle dans le Tarn-et-Garonne, où dans un face à face PS-UDR (Ciotti allié du RN) il appelle à ne pas voter PS.
Quand il éructait contre « la gauche mélenchonisée », le centre-gauche et le PS ne disaient rien espérant grapiller des voix. Aujourd’hui c’est toute la gauche qui est excommuniée par Retailleau et certains, comme Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat et anti-mélenchoniste frénétique, découvrent la nature de cette droite à moitié fascisée.
En cas de présidentielle Retailleau espère que si son adversaire est Bardella il peut avoir l’avantage, l’électorat populaire du RN étant plus attaché à Marine Le Pen et sa démagogie sociale et donc susceptible de se réfugier dans l’abstention.
Son objectif étant de devenir le Trump ou le Meloni français.
Bien entendu Macron a encore quelques cartouches.
En cas de victoire du RN à des législatives, suivant une éventuelle dissolution, il peut cohabiter espérant un crash du gouvernement qui remette l’extrême-centre (élargi) en piste.
Il peut aussi, comme nous en faisions l’hypothèse le 1er janvier 2025, organiser un référendum en faveur de la proportionnelle espérant piéger ses adversaires car les oppositions sont pour la proportionnelle (la gauche, le RN mais aussi le Modem et d’autres encore).
Il peut même tenter un gouvernement « de gauche » (PS et son aile droite) genre Cazeneuve. Il faudrait pour cela que les socialistes soient suicidaires mais rien n’est impossible avec une social-démocratie en perdition qui réclame « le pouvoir » comme le dit Olivier Faure.
Comme le montre les événements actuels « l’extrême-centre » reste, au-delà même de Macron, un adversaire de la gauche, du mouvement social et démocratique. Toujours camouflé en « modéré », rejetant les extrêmes « Ni bonnet rouge, ni talon rouge ! » comme disait Bonaparte, l’extrême-centre peut nous mener au chaos et à la contre-révolution.
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Source: https://nbh-pour-un-nouveau-bloc-historique.over-blog.com/2025/10/l-impasse.html
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