Loctudy-Entretien. Métaux rares des fonds marins : « La France risque de prendre un très grand retard » (OF.fr-23/04/24)

Charles Bridelance et Stéphane Pochic, dans leurs locaux, à Loctudy.
Charles Bridelance et Stéphane Pochic, dans leurs locaux, à Loctudy. | OUEST-FRANCE

Depuis cinq ans, à Loctudy (Finistère), Stéphane Pochic dirige une société qui développe un engin capable de récolter des nodules polymétalliques dans les grands fonds marins (à plus de 4 000 mètres de profondeur). Ces petits galets sont constitués de métaux critiques pour les technologies de la transition énergétique. Mais l’exploitation minière des grands fonds des océans n’est pas la position privilégiée par la France. Au grand dam du Finistérien.

Entretien réalisé par Anaëlle BERRE.

Stéphane Pochic et Charles Bridelance sont associés au projet de LWNC (Loctudy world nodules company), basé à Loctudy. Ils travaillent à la création d’un engin capable de récolter des nodules polymétalliques dans les grands fonds du Pacifique.

En quelques mots, que fait votre société LWNC ?

Nous sommes une société par actions simplifiées, créée en 2019. J’en suis le gérant, et nous sommes une équipe de quatre personnes, sans salariés pour l’instant. Nous avons inventé une récolteuse de nodules polymétalliques dans les grands fonds de l’océan Pacifique, où la France bénéficie d’une zone économique exclusive. Nous n’avons pas vocation à exploiter nous-mêmes cette invention, mais, par exemple, à intégrer un consortium français dans ce domaine.

Quel est l’intérêt de ces nodules polymétalliques, présents dans les grands fonds marins ?

Ils sont riches en métaux rares et stratégiques, comme le cobalt et le manganèse. Ils ont une double utilité stratégique. D’une part, ils servent à l’armement et d’autre part, ils sont nécessaires à la construction des batteries nécessaires à nos transitions énergétiques, pour les éoliennes, les voitures… Aujourd’hui, la France se rend dépendante d’autres puissances pour l’approvisionnement de ces métaux, alors qu’elle bénéficie de ressources.

La position française est hostile à l’exploitation, mais souhaite des explorations scientifiques…

De l’exploration scientifique pour parfaire la connaissance des fonds marins, oui, il en faut ! Mais cela peut prendre des années, et en attendant on risque de prendre un très grand retard par rapport à d’autres pays.

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Vous pensez à la Norvège ?

Oui, les choses bougent très rapidement depuis quelques mois. La Norvège n’a pas encore validé le principe d’exploitation des métaux et terres rares dans les grands fonds, mais elle s’y dirige à grand pas. Elle valide des explorations, en vue de cette exploitation. Un peu partout, des consortiums internationaux avancent grandement sur la question.

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Des prototypes d’engins de récoltes sont en cours de développement. En Californie, certains testent une forme de moissonneuse-batteuse pour les fonds marins… Forcément, ça fait écho à notre travail !

Vous parliez « d’une récolteuse à patates dans le fond de la mer », c’est cela ?

Oui ! On s’est servi des compétences de l’agriculture et de la pêche bretonnes. Je suis armateur et marin-pêcheur. Dans notre métier, la sélectivité des espèces, on connaît bien. Notre récolteuse permettrait de n’avoir qu’un impact très limité sur les fonds marins, notamment sur le déplacement des sédiments. Nous avons déposé plusieurs brevets à l’institut national de la propriété intellectuelle.

En 2022, vous vous disiez prêt à présenter un démonstrateur… Qu’en est-il ?

Cela ne s’est pas fait, faute de financements. Il aurait fallu que l’on explique que notre machine allait servir à l’exploration, mais ce n’est pas le cas. Pour l’instant, on est en stand by. Mais dès que ce sera enfin possible, on sera là. On sera toujours prêt.

Envisagez-vous d’étudier les marchés étrangers ?

Non, ce n’est pas la philosophie de l’entreprise. Nous voulons être utiles à la France, et être un chaînon de ce réarmement dans les domaines de la Défense et de la technologie.

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Source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/loctudy-29750/entretien-metaux-rares-des-fonds-marins-la-france-risque-de-prendre-un-tres-grand-retard-5cb48bae-c996-11ee-9a26-b3fe0ec43b85

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/loctudy-entretien-metaux-rares-des-fonds-marins-la-france-risque-de-prendre-un-tres-grand-retard-of-fr-23-04-24/

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