Loi de Programmation Militaire au Conseil des Ministres : 413 milliards (+ 30 %) pour la guerre-(IO.fr-4/04/23)

Avions de guerre Rafale sur le pont du porte-avion Charles-de-Gaule, le 19 décembre 2022, au large du canal de Suez

La loi de programmation militaire (LPM) a été présentée au Conseil des ministres du 6 avril : 413 milliards d’euros prévus pour les années 2024 à 2030, soit une augmentation de 30 % du budget militaire.

Chacun des corps d’armée attend de savoir ce qu’il lui revient pour répondre à une guerre de haute intensité. Dans la loi de programmation militaire (LPM), il y a ce qui est budgété et ce qui, au fil des circonstances et du temps, devrait s’ajouter.

Ainsi, la commission de la défense de l’Assemblée nationale, en vue de la future LPM, pour les financements, recommande de « renforcer le rôle du Parlement sur les actualisations et les ajustements annuels », mais aussi de “garantir le financement interministériel des surcoûts Opex-Missint” ».

Ces Opex-Missint, ce sont les opérations extérieures (en Afrique, sur les bases de l’Otan en Europe, etc.) qui devront donc être financées par d’autres ministères que celui des Armées, en sus de la LPM !

Ce qui devrait être la règle pour les sept prochaines années s’applique dès 2023.

En effet, dans Le Parisien (2 avril), le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, annonce une demande de rallonge de 4,5 milliards, au lieu de trois prévus, sur laquelle le Parlement devrait voter.

Où le gouvernement trouve-t-il ces milliards ? Fermetures de lits d’hôpitaux, réductions des personnels, externalisations des services publics, millions rendus dans l’Education nationale, gels des salaires dans la fonction publique. Avec la contre-réforme des retraites, ce sont pour les budgets de l’Etat des sommes supplémentaires économisées.

Mais pas seulement, le ministre Lecornu semble vouloir s’appuyer sur le rapport remis le 29 mars dernier par le député Horizon Christophe Plassard. Ce dernier préconise de « réorienter l’épargne privée vers les secteurs stratégiques » : notamment en poursuivant le « rapprochement entre l’industrie de défense et le secteur bancaire » en créant « un fonds de capital-développement pour les levées de fonds comprises entre cinquante millions d’euros et cent millions d’euros réalisées par des entreprises de l’industrie de défense », en envisageant « la création sous le contrôle de l’Etat d’un pool bancaire, regroupant les grandes banques françaises, destiné au financement des petites entreprises de la base industrielle et technologique de défense, et dont une partie des prêts pourraient être garantis par l’Etat ».

Siphonner le livret A

Le rapporteur du rapport va plus loin, il « estime nécessaire de réfléchir aux moyens de mobiliser l’épargne privée vers l’industrie de défense. L’épargne des particuliers se situe à un niveau élevé et s’est même renforcée avec la crise du Covid. Les encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire ont atteint quelque 510 milliards d’euros à la fin de l’année 2022 ».

Financer l’économie de guerre en vidant les livrets de développement durable, ou encore le livret A (censé financer la construction de logements sociaux) ?

Dans quel monde veulent-ils, à toute vitesse, nous plonger ?

Vers l’économie de guerre

« L’aide militaire française à l’Ukraine passe la vitesse supérieure avec l’annonce par Emmanuel Macron de la prochaine livraison de “chars légers” AMX-10 RC aux troupes de Kiev » (Le Monde, 1er avril), après avoir annoncé des canons, des obus, des munitions pour alimenter le conflit en Ukraine. Toutes ces productions ne rentrent pas dans les 413 milliards la LPM, ce sont des dépenses supplémentaires. Avec une demande ukrainienne toujours plus conséquente, trois entreprises françaises se retrouvent à fournir des canons et obus de 155. « La question des volumes de feu renvoie à celle de la possibilité de nouvelles contre-offensives ukrainiennes, évoquées. La France l’a bien fait avec 15 000 obus. Soit une fraction seulement des 110 000 obus utilisés jusqu’ici mensuellement par l’Ukraine, soit 3 700/jour » (DSI, 15 mars). La cadence en 2023 s’est largement accélérée :

« La consommation d’obus en Ukraine oscille entre 5 et 6 000, parfois 7 000 », soit 2 millions par an (France 3, 14 mars).

La philosophie de la LPM est de tourner l’outil industriel vers l’économie de guerre.  Sébastien Lecornu, ministre des Armées, abonde dans ce sens : « Je présenterai dans ce projet de loi des mesures de réquisition pour, en cas de besoin, prioriser la production pour nos armées. Dans un environnement dégradé, si l’armée française devait être engagée, le ministre des Armées aura la possibilité de demander aux industriels de d’abord produire pour nous avant de produire pour des éventuels clients à l’export ou pour des clients civils. »

Cependant, ce n’est pas propre à la France ; en effet, en novembre dernier, le Conseil de l’Europe a décidé d’une « mesure d’assistance d’une durée de 24 mois et s’ajoute aux contributions successives octroyées par l’UE en faveur de l’Ukraine au titre de la FEP (Facilité européenne de paix, sic !), qui s’élèvent désormais à plus de 3,1 milliards d’euros ».

Et le ministre Lecornu de se féliciter : « La question de l’approvisionnement en munitions n’est pas une mode médiatique (…) mais un enjeu majeur qui s’impose à nous. Que l’Union européenne s’en empare, c’est une bonne nouvelle. Elle porte à son tour cette “économie de guerre”. (Les Echos, 30 mars).

Encore une fois, l’économie de guerre n’a pas pour but de rester, pour le gouvernement français, l’arme au pied. Déjà, en octobre 2021, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées françaises (Cema) indiquait cette orientation : « Les forces armées françaises doivent être prêtes à l’affrontement, mais sans le rechercher. » Aujourd’hui, le gouvernement français est clairement cobelligérant d’un conflit dont nul ne sait comment il évoluera dans le temps comme dans l’espace.

David GOZLAN

Le budget militaire français aura plus que doublé en treize ans La loi de programmation militaire 2024-2030 est en augmentation de 30 % par rapport à la précédente (2017-2023), qui avait déjà vu les crédits militaires augmenter d’une année sur l’autre. « Le budget des Armées en 2017 était de 32 milliards d’euros. Nous proposons de le porter à 69 milliards en 2030, soit plus du double ! », se félicite le ministre Sébastien Lecornu (Le Parisien, 2 avril).

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/04/04/413-milliards-30-pour-la-guerre/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/loi-de-programmation-militaire-au-conseil-des-ministres-413-milliards-30-pour-la-guerre-io-fr-4-04-23/

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