
Passage en force de la loi Duplomb, relance du chantier de l’A69, suppression des ZFE : les reculs s’enchaînent sur le terrain de l’écologie. Face à des décisions aux effets dévastateurs, le découragement n’est pas permis.
Par Amélie MOUGEY.
Pesticides, bitume et particules fines. Voici les ingrédients du monde qui se dessine à l’issue d’une semaine dévastatrice. Lundi 26 mai, la loi Duplomb sur l’agriculture, largement écrite par la FNSEA, a quitté l’Assemblée nationale dans sa version la plus écocidaire. Mercredi, feu vert a été donné par la justice à la reprise du chantier de l’autoroute A69. Le même jour, la loi de Simplification et son cortège d’attaques contre le droit de l’environnement faisaient leur retour dans l’hémicycle. Au menu encore : suppression des zones à faibles émissions et artificialisation des sols.
« L’époque n’est plus tenable. » Ces mots de Thomas Brail, opposant historique à l’A69, résument cette séquence sidérante et cauchemardesque. Jamais l’écologie n’a connu autant de reculs en si peu de temps. Rarement la démocratie, la science et l’intérêt général n’ont été à ce point piétinés. Et avec eux, notre santé. « Allez-vous voter pour que le cancer devienne un rituel inévitable dans nos vies ? » interpellait Fleur Breteau, la fondatrice du collectif Cancer Colère, devant l’Assemblée nationale, le 27 mai.
Comme elle, 1 279 médecins et chercheurs ont alerté les ministres de la Santé, de l’Agriculture, du Travail et de la Transition écologique : « Agriculteurs, riverains, citoyens ne veulent plus servir de cobayes. » Les écologues aussi s’inquiètent : oiseaux, insectes et autres espèces subiraient de plein fouet les effets de ce texte.
Des années de recherche balayées en quelques heures
Mais la voix des scientifiques semble inaudible, sur fond de « trumpisation des institutions ». Des avancées arrachées de haute lutte, comme l’interdiction des néonicotinoïdes, issues d’années de recherche, de mois de travail et de mobilisation, ont été balayées en quelques heures, sans discussions sur le fond. La loi Duplomb a esquivé les débats via un hold-up démocratique, le dossier de l’A69 n’a même pas été réexaminé sur le fond.
Ces décisions, prises sous la pression de lobbies et avec le soutien obstiné de l’État, sont à rebours de l’urgence et de la volonté du plus grand nombre. Les mesures favorisant les mégabassines et l’extension des élevages industriels ne concernent qu’une poignée d’exploitants, les plus gros, souvent affiliés à la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire. Pour les autres, ce texte ne réglera rien. Quant à l’A69, construire une autoroute alors que nous courrons vers un monde à +4 °C est loin de faire l’unanimité. Mais qu’importe, puisque cette semaine était celle de tous les passages en force.
Pourtant, les jeux ne sont pas faits. Sur le chantier de l’A69, les pelleteuses n’ont pas encore redémarré et les opposants, dont « la colère n’a jamais été aussi forte », appellent déjà à stopper « par tous les moyens » le redémarrage des machines. « J’entame une grève de la soif dès la reprise du chantier » a confié Thomas Brail à Reporterre.
Le découragement n’est pas une option
Tous refusent le discours du fait accompli : entre véloroutes, plantation d’arbres et agroécologie, l’arrêt du chantier avait permis d’imaginer d’autres possibles pour les terres déforestées. Quant à la loi Duplomb, écologistes, scientifiques et malades du cancer ont prévu de peser de tout leur poids avant l’examen du texte en commission mixte paritaire.
Cette avalanche de nouvelles mortifères est bien trop souvent à la une de Reporterre. Parce que c’est notre mission de décrypter ces enjeux vitaux, jour après jour. Mais nous ne pouvons nier la sidération, le désespoir et la colère que cela suscite. Chez vous, lecteurs et lectrices. Et chez nous, journalistes, témoins d’une destruction massive et organisée de ce à quoi nous tenons. Chacun, chacune, à notre manière, nous faisons face, en poursuivant notre tâche et en allant chercher des éclats de lumière, des motifs d’espoir chez celles et ceux qui s’emploient à dessiner un monde joyeux et vivable.
Le défi est immense. Mais le découragement n’est pas une option, puisque vous êtes là, à nous lire, à nous écrire et à nous témoigner votre confiance par vos messages et par vos dons. Avec vous, nous pouvons bâtir des contre-pouvoirs, faire émerger des alternatives, imaginer des futurs désirables… Alors, oui, l’époque est intenable, mais non, rien n’est perdu, puisque nous la traversons ensemble.
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Source: https://reporterre.net/Loi-Duplomb-A69-ZFE-le-choix-des-bulldozers-et-du-cancer
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