
La version finale de la proposition de loi Duplomb-Menonville, censée « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », est soumise au vote des députés ce mardi 8 juillet à l’Assemblée nationale. Le texte reste critiqué sur certains points clivants.
Par Brice DUPONT, avec AFP.
La loi agricole Duplomb sera-t-elle définitivement adoptée ? Après avoir été validée par le Sénat la semaine dernière, la version finale du texte, retravaillée en commission mixte paritaire, est examinée par l’Assemblée nationale ce mardi 8 juillet 2025, à partir de 16 h 30.
Présentée comme l’une des réponses à la colère des agriculteurs de l’hiver 2024, en levant les « contraintes » à l’exercice de leur métier, la proposition de loi fait l’objet de vives critiques.
Au sein même du monde agricole (si la FNSEA et la Coordination rurale y sont favorables, la Confédération paysanne évoque une « loi mortifère »), mais surtout au sein de la société. Plusieurs associations dénoncent les conséquences pour l’environnement, la biodiversité et la santé.
Voici les principaux points qui font débat et suscitent la controverse.
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Le retour de l’acétamipride
C’est la mesure qui fait le plus polémique : le retour très décrié de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France depuis 2018 mais autorisé à l’échelle européenne jusqu’en 2033.
Ce retour, encadré et à titre dérogatoire, est réclamé notamment par les producteurs de betteraves sucrières et de noisettes, qui déplorent une « concurrence déloyale » face à leurs voisins et qui affirment n’avoir aucune solution pour protéger efficacement leurs cultures.
Si le texte prévoit une clause de revoyure, « à l’issue d’une période de trois ans, puis chaque année » pour vérifier que les critères d’autorisation sont toujours remplis, les opposants à la loi Duplomb dénoncent vivement ce retour.
L’acétamipride est en effet très toxique pour les abeilles, et des études mettent en avant un lien probable entre l’insecticide et le développement de certains cancers chez l’homme. Des régies publiques de l’eau et des scientifiques ont récemment alerté sur la « persistance » de ces substances dans l’environnement et les risques pour la santé.
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Le stockage de l’eau
L’article 5 du texte vise à assouplir les procédures d’autorisation pour construire des ouvrages de stockage de l’eau. Il prévoit notamment une présomption « d’intérêt général majeur » lorsqu’un dossier est déposé.
Des opposants craignent des facilités pour implanter des « mégabassines », ces immenses réservesqui selon eux «accaparent » les ressources en eau « au profit de l’agriculture intensive ».
La construction de bâtiments d’élevage
À partir de certains seuils, les élevages sont considérés comme des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et doivent être enregistrés ou obtenir une autorisation pour les plus grands cheptels. L’article 3 permet de relever les seuils d’autorisations environnementales des bâtiments élevages.
Si la loi est votée, un poulailler ne devra demander une autorisation qu’à partir de 85 000 poulets (contre 40 000 aujourd’hui), un élevage porcin à partir de 3 000 cochons (contre 2 000 aujourd’hui). Au-delà d’un certain seuil, la construction de bâtiments d’élevages était également conditionnée à deux réunions publiques. Le texte les remplace par de simples permanences en mairie.
La gauche, les associations environnementales et la Confédération paysanne dénoncent une mesure qui favorise, selon elles, le modèle intensif et ne concerne qu’une petite minorité d’éleveurs.
Le rôle de l’Anses
La proposition de loi prévoyait initialement la possibilité pour le gouvernement d’imposer des « priorités » dans les travaux de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), lorsqu’il s’agit d’évaluer la dangerosité de pesticides et d’autoriser ou non leur mise sur le marché. Faisant craindre aux opposants une mise sous tutelle et une perte de son indépendance.
Le texte de compromis évacue les dispositions les plus irritantes du texte final concernant l’Agence. Il prévoit néanmoins que l’Anses, lorsqu’elle examine la mise sur le marché et l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, devra tenir compte « des circonstances agronomiques, phytosanitaires, et environnementales, y compris climatiques qui prévalent sur le territoire national ».
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