Loi spéciale votée par le Parlement : Sébastien Lecornu s’offre une rustine pour Noël (H.fr-23/12/25)

ébastien Lecornu, devant l’Assemblée nationale, le 23 décembre 2025.
© Adnan Farzat / NurPhoto via AFP

Ce mardi soir, l’Assemblée nationale et le Sénat ont voté à l’unanimité une loi spéciale pour assurer les dépenses urgentes de l’État. Dès janvier, le projet de loi de finances 2026 reviendra au Parlement.

Par Gaël DE SANTIS.

Sébastien Lecornu a obtenu une roue de secours. Faute d’avoir adopté un projet de loi de finances (PLF), les députés et sénateurs ont voté à l’unanimité, mardi 23 décembre, une loi spéciale pour passer les fêtes. Celle-ci « permettra au 1er janvier de lever l’impôt et de faire fonctionner les services publics », s’est félicité le soir même le premier ministre sur le perron de Matignon.

Composée de trois articles seulement (contre 80 dans le projet de budget), elle autorisera également le versement de 45 milliards aux collectivités territoriales. L’article 3 prévoit la possibilité pour l’État d’emprunter sur les marchés financiers. Roue de secours donc, cette loi spéciale devra être changée. Ses dispositions permettront de tenir jusqu’à l’adoption d’un projet de loi de finances 2026, que le gouvernement souhaite voir aboutir en début d’année.

Le risque d’un gel de 70 % des crédits

Certains députés se sont inquiétés de la manière dont le gouvernement appliquera cette loi spéciale. Le chef de file socialiste sur le budget, Philippe Brun, a rappelé le risque d’un gel par circulaire gouvernementale de 70 % des crédits, qui empêcherait les nouveaux investissements et recrutements.

La limitation stricte des dépenses possibles est le fruit d’une « interprétation restrictive » de la loi spéciale, accuse Christine Arrighi, cheffe de file écologiste sur le budget dans l’Hémicycle. Une interprétation de l’exécutif qui permet de dramatiser les effets de la loi spéciale afin d’exercer une pression sur l’Assemblée pour qu’elle adopte rapidement un nouveau budget. Quel qu’en soit le contenu.

« Il faut (…) un budget en janvier », a proclamé Sébastien Lecornu, appelant à mettre « les calculs politiques » de côté.Une nouvelle lecture du budget pourrait venir en commission à l’Assemblée dès le 5 janvier. « Dire que nous pouvons nous contenter (d’une loi spéciale) plus que quelques jours ou quelques semaines serait un déni de réalité », a alerté dans l’Hémicycle le ministre de l’Économie, Roland Lescure.

« Cette situation aura des conséquences très concrètes », a abondé Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, qui détaille : « Les investissements nouveaux seront à l’arrêt. Cela aura des conséquences pour le ministère des Armées, qui ne pourra pas passer de commandes ». Et de citer également « un arrêt des investissements nouveaux prévus au ministère de la Justice et au ministère de l’Intérieur ».

L’Assemblée et le Sénat n’auront pas complètement les mains libres. « Nous devrons au plus vite, en janvier, donner un budget à la nation » qui « devra tenir l’objectif de 5 % (du PIB) de déficit et financer nos priorités », a cadré Emmanuel Macron lundi, lors de la présentation du projet de loi spéciale en Conseil des ministres.

Le lendemain, Sébastien Lecornu a endossé cet objectif et listé les « cinq grandes familles de sujets sur lesquelles nous devons parvenir à un accord » entre forces politiques : « l’agriculture » ; « le financement de nos collectivités locales » ; l’amélioration de « l’offre de logements dans le pays » ; les moyens en faveur l’outre-mer ; la préparation de « l’avenir de notre pays », qui « passe par les investissements dans la recherche, l’université » et à destination des jeunes.

Trois voies

Le chemin que doit emprunter le gouvernement est escarpé. Trois voies s’ouvrent à lui : l’adoption d’un budget en bonne et due forme (qui nécessite une abstention des socialistes et des écologistes) ; un 49.3 (avec un accord de non-censure avec les socialistes) ; ou l’utilisation d’une ordonnance (qui ne nécessite pas un vote du Parlement). Certains députés ont invité l’exécutif à dégainer le 49.3, tel Jean-Paul Mattei, orateur du Modem et soutien du gouvernement.

Le recours à cette disposition controversée ou à des ordonnances en 2026 exposerait le gouvernement à « affronter la censure », a menacé le député LFI et président de la commission des Finances, Éric Coquerel. Le reste de la gauche est remonté également contre le budget. « La loi spéciale, c’est le résultat d’une situation où un gouvernement minoritaire, encouragé par un président déconnecté, s’obstine à poursuivre une politique qui a été sanctionnée à plusieurs reprises dans les urnes et qui de surcroît ne produit pas de résultats en matière de dette et de déficit », a dénoncé Emmanuel Maurel, orateur du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), qui a aussi brocardé les cadeaux de la Macronie aux entreprises et aux plus riches.

Au sortir des consultations à Matignon lundi, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a déclaré vouloir « changer ce budget » afin d’en obtenir un qui soit « juste pour les Français ». Il a critiqué la hausse des crédits dédiés à la Défense quand les autres ministères sont assujettis à une année blanche : « Plutôt que de mettre l’argent dans une économie de guerre, nous préférons mettre l’argent dans la production pour notre pays, dans des logements, dans des moyens pour nos collectivités, pour la production d’énergie, pour les transports. » Le socialiste Philippe Brun invite, lui, à se « mettre autour de la table » afin d’« obtenir un budget ». Mais prévient : « Les socialistes n’accepteront aucune mise en cause des classes populaires et des classes moyennes. »

La Macronie, elle, n’entend rien lâcher. Pour preuve, le projet de loi de finances qui servira de base à la discussion n’est autre que la version issue du Sénat, plus austéritaire encore que la copie gouvernementale. Un choix contesté dans un communiqué par le groupe Gauche démocrate et républicaine, qui rassemble les communistes et des ultramarins : « En refusant toute nouvelle recette, le Sénat a augmenté le déficit de 5 milliards d’euros par rapport au texte initial. » Les règles d’élaboration du budget qui limitent l’initiative parlementaire feront qu’il sera difficile pour les députés de trouver des recettes nouvelles, dénonce le groupe GDR.

« Des compromis (…) dangereux pour nos finances publiques ont déjà été consentis sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Ils ont abouti à la suspension de la réforme des retraites et à plus de 9 milliards d’euros de déficit supplémentaire (…) Le temps n’est plus à l’accumulation de nouvelles revendications », a déclaré Félicie Gérard, oratrice d’Horizons à l’adresse des socialistes, tout en invitant à trouver un compromis.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/assemblee-nationale/loi-speciale-votee-par-lassemblee-nationale-sebastien-lecornu-soffre-une-rustine-pour-noel

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