Loi sur les énergies renouvelables : l’industrie française du photo-voltaïque en a assez d’attendre (OF.r-10/01/23)

L’entreprise Systovi assemble des panneaux photovoltaïques dans son usine de Carquefou (Loire-Atlantique) et a investi pour augmenter sa production. Ici, en août 2020.

L’Assemblée nationale doit se prononcer ce mardi 10 janvier sur le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables. Le chef de l’État veut notamment multiplier par dix la production d’énergie solaire d’ici à 2050. Mais pour que cela ne se fasse pas avec des panneaux venus d’Asie, il faut agir vite.

L’objectif a été donné en février 2022 par Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort sur la politique énergétique. La France va devoir multiplier par dix la production d’énergie solaire pour dépasser les 100 gigawatts (GW) d’ici à 2050. Le projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables sur lequel vont se prononcer les députés ce mardi 10 janvier doit y contribuer.

Réduire les contraintes administratives pour faciliter les installations, obliger à recouvrir de panneaux photovoltaïques les parkings extérieurs de plus de 1 500 m2… font partie des axes pour avancer. Mais avec quels équipements ?

La Chine monopolise 80 % du marché

À l’été 2022, l’Agence internationale de l’énergie tirait le signal d’alarme dans un rapport accablant. Ces dix dernières années, les capacités de production de panneaux photovoltaïques ont quitté l’Union européenne, le Japon, les États-Unis, au profit de la Chine. Il faut dire que depuis 2011, cette dernière a investi plus de 50 milliards de dollars dans le développement du secteur, dix fois plus que l’Europe. Et elle a créé plus de 300 000 emplois dans la production.

Partie de rien, elle monopolise aujourd’hui toutes les étapes de la chaîne. Sa part sur le marché mondial dépasse les 80 %. Alors que l’Union européenne importe 84 % de ses équipements, les États-Unis 77 % et l’Inde 75 %. Mais dans ces deux derniers pays, les choses bougent. L’Europe et la France se doivent donc de réagir. Pour ne pas rester dépendants mais aussi pour réduire l’impact carbone des panneaux posés.

Après des années de dumping, les fabricants français se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main. C’est le cas du pionnier Photowatt basé en Isère, qui a beaucoup souffert de la concurrence internationale. Mais aussi de Systovi (groupe Cetih). L’entreprise basée à Carquefou (Loire-Atlantique) a engagé avec l’alsacien Voltec Solar un projet de coentreprise, nommé Belenos. Tous deux ont enclenché d’importants investissements pour accroître leurs capacités de production et atteindre très vite les 800 mégawatts. « Cela fait des années que je supporte des pertes, lance François Guérin, PDG du groupe Cetih. On a tenu malgré un contexte qui était extrêmement défavorable, malgré une agressivité très forte des produits chinois. Et nous continuons à investir dans le photovoltaïque français parce qu’on y croit. La crise actuelle nous donne à 200 % raison. »

« Manque de vision »

Mais le dirigeant se désole qu’il ait fallu la guerre en Ukraine pour que la France se décide à accélérer, notamment sur la question de l’autoconsommation. « Quel manque de vision, quel temps perdu ! Tout ça pour protéger un vieux modèle. Maintenant que le solaire décolle, la question est : qui va fabriquer ? »

Dans tous les cas, la demande en solaire est là. Et pour François Guérin, le surcoût actuel d’un panneau fabriqué en France, entre 15 et 25 %, peut déjà se justifier et être accepté. Sans doute pas pour le marché des très grands champs solaires au sol, sur lesquels les panneaux en eux-mêmes représentent une trop grande partie du coût total. Mais pour celui des grandes toitures industrielles ou tertiaires et plus encore pour le marché résidentiel.

L’enjeu sera de construire toute une filière européenne notamment pour la production de cellules nécessaires à la fabrication des panneaux. Celles-ci étant aujourd’hui importées. La start-up lyonnaise Carbon espère y répondre à travers son projet de gigafactory, une méga usine intégrée pour la production des plaquettes de polysilicium, de cellules et de modules. Elle souhaite dans un premier temps produire 5 GW par an de panneaux à partir de 2025. Une première levée de fonds est en cours et le site en phase de sélection. L’objectif n’est pas de répondre uniquement aux besoins domestiques mais de viser aussi l’export, particulièrement en Europe. Sachant que le monde devrait développer autant de capacités renouvelables ces cinq prochaines années qu’il l’a fait au cours des 20 dernières, selon le rapport de l’AIE.

Plus de temps à perdre

Chez Carbon, on a bien conscience que la filière n’a pas toujours été soutenue et que ceux qui ont tenu, ont dû traverser des vents contraires : « Ce sont des acteurs qui ne font qu’une partie de la chaîne de valeur, mais ils ont l’avantage d’être toujours là. Ils se sont battus bec et ongles pour défendre l’industrie française dans un contexte où les pouvoirs publics étaient pour le moins hésitants. » Le soutien sera-t-il plus important désormais ? « Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables est un texte de petits pas, nécessaire mais loin d’être suffisant, notamment parce qu’il ne traite qu’à la marge la question industrielle. »

Quant à celui pour l’industrie verte esquissé par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire début janvier et attendu pour le printemps ? « C’est de bon augure, on espère que le photovoltaïque y aura toute sa place, relève-t-on chez Carbon. On y attend la possibilité de construire plus vite et plus gros. L’enjeu est celui-là : on n’a plus de temps à perdre. Il ne faut pas qu’on rate le coche face aux Indiens et aux Américains qui se sont armés, et aux Chinois qui l’ont fait il y a dix ans. On est capables d’être compétitifs à condition qu’on joue à armes égales. »

Côté réglementation, les choses semblent aussi bouger au niveau européen, mais les négociations prennent du temps. La Commission européenne et une quarantaine d’entreprises impliquées dans toute la chaîne de valeur de la filière ont lancé récemment une Alliance européenne pour l’industrie solaire photovoltaïque (Esia). Elle doit permettre de développer des projets d’innovation et de faciliter les investissements. « Il faut que tout le monde entende qu’il faut aller vite, sinon on va passer notre tour. Le choix du solaire a déjà été fait au niveau mondial, ce n’est plus ça le sujet », martèle-t-on chez Carbon. François Guérin conclut : « On a joué notre rôle, que l’État et l’Europe jouent le leur aussi ! »

Aline GERARD

source: https://www.ouest-france.fr/economie/energie/electricite/loi-sur-les-energies-renouvelables-l-industrie-francaise-du-photovoltaique-en-a-assez-d-attendre-8e802692-90e0-11ed-a791-5c454a730193

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