
Les parlementaires ont adopté le 20 février une loi historique pour combattre les polluants éternels. Si cette avancée est saluée comme une victoire majeure, des zones d’ombre demeurent sur son application.
Par Moran KERINEC.
C’est une victoire qui se savoure, mais la vigilance reste de mise. Jeudi 20 février, les Écologistes ont fait voter une loi pionnière dans la lutte contre les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), surnommées polluants éternels, redoutées pour leurs effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement. Le texte prévoit d’interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l’importation et la vente des produits cosmétiques, des enduits de ski (farts) et de certains textiles composés de PFAS. Mais au cours des débats parlementaires, des dérogations ont réussi à se glisser entre les lignes.
Les interdictions ne concernent pas les ustensiles de cuisine, dont les poêles antiadhésives. Initialement prévues dans la loi, elles ont été exfiltrées à la suite d’un intense travail de lobbying mené par l’industriel Seb. « Cette exclusion marque le pouvoir et l’influence des lobbies, dénonce la députée écologiste Marie-Charlotte Garin. On voit que le gouvernement est prêt à céder sur le rapport de force que les industriels arrivent à mettre en place. » Une décision d’autant plus dommageable que des alternatives existent pour remplacer les poêles contenant des PFAS par des modèles en inox, en acier ou en fonte.
Lire aussi : Interdiction des PFAS : récit d’une victoire inespérée
Le texte exclut également la question des emballages alimentaires et des mousses anti-incendie. Heureusement, l’usage des premiers va être restreint à partir de 2026 par l’Union européenne. Les seconds devaient être interdits en juillet prochain, mais une consultation lancée par la Commission européenne pourrait repousser cette échéance à décembre.
Un décret sous surveillance
Les modalités de la loi doivent être précisées d’ici l’été par un décret qui fixera les détails de son application. Les parlementaires et la société civile promettent d’être attentifs à sa rédaction. « On n’acceptera pas une demi-victoire, avertit Marie-Charlotte Garin. Le décret doit être conforme à l’esprit de la loi et aux préconisations des scientifiques. » « Les enjeux principaux du texte sont la surveillance des rejets de PFAS et la dépollution », observe Emma Feyeux, juriste pour l’ONG Notre affaire à tous. Charge à l’État de mettre en place des moyens de contrôle effectifs et de financer cette dépollution.
« Nous n’aurions pas pu mieux faire, mais il reste beaucoup à accomplir »
Un point de vigilance demeure : le texte prévoit des dérogations pour les vêtements et chaussures « conçus pour la protection et la sécurité des personnes », comme ceux destinés aux pompiers et aux forces de police. Les produits textiles bénéficieront eux aussi d’une exemption dans plusieurs situations : lorsqu’ils sont considérés « nécessaires à des utilisations essentielles », lorsqu’ils contribuent « à l’exercice de la souveraineté nationale et [qu’il] il n’existe pas de solution de substitution » ou lorsqu’il s’agit de textiles « techniques à usage industriel ». Cette liste, qui sera détaillée dans le décret d’application, pourrait donc intégrer beaucoup d’autres usages.
« C’est normal que cette loi soit partielle, nous partions de tellement loin que nous n’aurions jamais pu avoir une législation parfaite du premier coup, rappelle Emma Feyeux. Nous n’aurions pas pu mieux faire, mais il reste beaucoup à accomplir. »
Lire aussi : Scandale des PFAS : 35 ans après, les déchets de Tefal contaminent toujours
Pour la juriste, ce texte ouvre la voie à de nouveaux chantiers législatifs, notamment sur le principe de pollueur-payeur. Afin de sanctionner les installations industrielles émettrices de polluants éternels, la loi prévoit une redevance de 100 euros par 100 grammes de PFAS rejetés dans l’eau. Cette manne financière sera utile pour remédier aux dégâts causés par les polluants éternels, projette Emma Feyeux : « Il faut réfléchir à comment opérationnaliser ce principe pour compenser les victimes et contribuer aux travaux de la recherche. »
°°°
Source:https://reporterre.net/Loi-sur-les-PFAS-de-nombreux-produits-resteront-autorises
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/loi-sur-les-pfas-de-nombreux-produits-resteront-autorises-reporterre-25-02-25/