Par Julien SOYER.
Des adolescents de Geneston et de La Chapelle-Heulin Entente du Vignoble estiment avoir été victimes de comportements racistes.
Geneston et La Chapelle-Heulin Entente du Vignoble plaçaient leurs espoirs dans la Commission d’appel de discipline du District de Loire-Atlantique. Tout est parti en fumée à la lecture du procès-verbal du 19 juin.
Samedi 3 juin, La Chapelle-Heulin FC Entente du Vignoble se déplace à La Chapelle-des-Marais pour affronter le Groupement Saint-Lyphard/La Chapelle-des-Marais, en demi-finale de la Coupe des moins 15 ans de Loire-Atlantique. Les locaux s’imposent 5-1, à la fin du match, le gardien de La Chapelle-Heulin indique au corps arbitral que des propos racistes « lui ont été tenus » lors de la pause fraîcheur. Il dit aussi avoir été victime de cris de singe provenant de spectateurs adverses situés derrière son but. Si le corps arbitral, sur le procès-verbal de la commission, se dit dans l’incapacité de confirmer les propos racistes, il rapporte avoir entendu les cris de singe provenant du même endroit.
Quelle crédibilité vis-à-vis des familles ?
Pourtant, la commission d’appel de discipline du District, souveraine, n’a pas sanctionné le club recevant sur les faits de racisme dénoncés. « L’identification des auteurs des cris de singe étant impossible, la Commission n’est pas en mesure de prendre des sanctions individuelles à l’encontre des responsables », lit-on sur le PV. Pourtant, même si les supporters qui ont conspué les arbitres à la sortie de ce match n’ont pu être identifiés, cette même commission a sanctionné le club de 500 € d’amende. Sollicité, Alain Martin, le président de l’instance départementale, rappelle qu’il n’a pas à commenter les décisions disciplinaires mais que le District « entend lutter fermement contre le racisme ».
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« Les cris de singe correspondent à du racisme primaire, explique Matys Verlant, auteur d’une thèse sur le racisme dans le foot amateur en Loire-Atlantique. À condition que ceux-ci soient bien reconnus comme tels. »
Et c’est sans doute là que le bât blesse. Bruno Guihard, président de La Chapelle-des-Marais nie les faits. « C’était juste des’’ouhou’’. J’étais derrière le but moi aussi, quand vous huez quelqu’un, ce ne sont pas des cris de singe. Si cela avait été le cas, j’aurais démissionné. En plus, le gardien de La Chapelle, ce n’était même pas un black. » Il va même jusqu’à dire, sans se rendre compte de la teneur choquante de ses déclarations : « C’est, un petit genre guadeloupéen avec les yeux bridés. Nos supporters ne sont pas des tendres, ils chambrent… Chacun chambre à sa manière et on ne peut pas tout interdire. Je ne comprends pas pourquoi le gardien a dit ça. »
La commission, elle, au regard des pièces complémentaires livrées par les clubs, n’a même pas convoqué les différentes parties. « Nous n’en voulons pas au club recevant, prévient immédiatement Sébastien Guillaume, vice-président de La Chapelle-Heulin Entente du Vignoble. On sait combien il est difficile de maîtriser le public autour d’un terrain. Mais on a trouvé le District un peu court sur pattes. Que pouvons-nous dire à cet ado, détruit parce qu’il a entendu, et à sa famille à qui on a expliqué qu’une procédure était lancée auprès de l’instance ? On perd notre crédibilité de dirigeant vis-à-vis des familles. On ressent un fort sentiment d’injustice. »
Des sentiments partagés par les dirigeants de Geneston. L’équipe des moins de 18 ans de ce club se déplaçait le même jour à Soudan pour affronter en demi-finale du challenge départemental de la catégorie, le GJ Trois Forêts. Sur le PV de la même Commission d’appel de discipline, l’arbitre assistant confirme que deux joueurs de couleur noire de Geneston, battue aux tirs au but, ont été la cible de « comparaison faite par des spectateurs, avec des rappeurs en raison de leur couleur de peau » et de leur coupe de cheveux. Et ce, pendant le match puis lors du retour des joueurs aux vestiaires.
Sur une vidéo, que Ouest-France s’est procurée, on entend aussi des spectateurs, munis d’un micro et d’une enceinte, comparer l’un des deux joueurs de Geneston à Lukaku. « Lukaku au pressing, vas-y Lukaku… Lukaku bah oui t’es hors-jeu… » Des phrases accompagnées de rires, pour le moins malvenus.
« Cette vidéo n’aurait jamais dû exister, s’offense Thierry Bouteiller, le président du Groupement GJ Trois Forêts. Il faut l’autorisation du club recevant et du District pour filmer, or cela n’a pas été fait. On aurait pu porter plainte. » Ce dernier se défend de tout racisme : « Je ne sais pas si vous savez, mais Lukaku est le meilleur avant-centre belge, un joueur pro très reconnu en Europe. C’est donc une valorisation du joueur de Geneston qui était faite là parce que ça voulait dire que ce joueur avait du foot plein les jambes. Chez nous, on surnomme un jeune Zizou et il ne prend pas ça comme une insulte raciste. Selon moi, le joueur de Geneston a eu une attitude disproportionnée liée à la frustration créée par l’élimination. L’arbitre a fait un rapport nous, on n’y peut rien. »
« Si ça se reproduit, on arrête le match »
Là encore, pas de sanction pour les comportements qui pourraient être considérés comme discriminatoires. Mais une amende de 2 000 € au GJ Trois Forêts pour l’usage des feux d’artifice (le barème prévoit 500 € par fumigène).
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La commission a aussi suspendu, « pour comportement excessif après le match » un des deux joueurs de Geneston qui se disait victime de propos racistes. Ce dernier, pour avoir abîmé le vestiaire, a écopé de deux matches avec sursis (au lieu des deux matches ferme prévus par le barème), en raison de « circonstances atténuantes », est-il écrit dans le PV. Lesdites circonstances font référence à « des propos subis pendant et après le match », selon le PV, qui ne qualifie pas la nature des propos en question.
À Geneston, où les dirigeants ne laisseront pas le joueur payer les réparations comme le stipule le PV, la décision interpelle. « Le problème n’est pas pris à bras-le-corps. Aujourd’hui, nos instances ne doivent plus laisser passer de telles choses, déplore Yann Gateau, le responsable de la commission sportive de Geneston. Nous aurions dû agir au moment des faits. Dans le futur, si ça se reproduit, on arrête le match pour dénoncer cela. Puis on voit si on reprend, en fonction de ce qu’il se passe et de ce que décide l’arbitre. On le fera, mais ce sera plus compliqué si on n’a pas le soutien des instances. »
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