Un homme de 25 ans, originaire de Montpellier, avait trouvé la mort en tombant d’un toit, le 10 mars 2021 à Lieuron (Ille-et-Vilaine). Son employeur, un chef d’entreprise de Narbonne (Aude), a été condamné mardi 6 juin 2023, à Rennes, à trois ans de prison dont un an et demi ferme, pour « homicide involontaire ».
C’est arrivé le jour de ses 25 ans. Le 10 mars 2021, en fin de matinée, un jeune homme originaire de Montpellier avait trouvé la mort sur un chantier d’installation de panneaux solaires, à Lieuron (Ille-et-Vilaine). L’ouvrier qui se déplaçait sans aucune protection, à cinq mètres de hauteur sur le toit d’un hangar, était passé au travers d’une plaque translucide. Son employeur était jugé ce mardi 6 juin 2023, devant le tribunal correctionnel de Rennes, pour « homicide involontaire par la violation délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail ».
À son arrivée sur les lieux du drame, l’inspectrice du travail découvre « une simple échelle à l’arrière du hangar. Pas d’échafaudage ni de filet de protection en rive de toiture ». Et dans le véhicule de l’entreprise, « un casque de sécurité, pour deux salariés sur le chantier, et deux harnais incomplets puisque dépourvus de corde et d’amortisseur de chute ».
« Mon fils comptait s’acheter un baudrier »
Aucune des règles élémentaires de sécurité n’était respectée, dans cette entreprise de vingt-cinq salariés où le patron restait sourd aux alertes de son personnel. Plusieurs employés l’avaient interpellé sur les risques encourus, l’absence d’équipements de protection individuels et collectifs, le défaut de formations à la sécurité.
Ils décrivent aussi la pression permanente, les menaces de licenciement, les milliers de kilomètres parcourus chaque semaine, les dépassements d’horaires qui avaient d’ailleurs valu à l’employeur une amende administrative de 110 000 €. Quelques mois plus tôt, en septembre puis en décembre 2020, deux employés avaient déjà été blessés sur des chantiers. Et deux autres avaient failli tomber d’un toit, rattrapés in extremis par leurs collègues.
« Au téléphone, il m’avait dit qu’il était content d’avoir trouvé ce travail mais qu’il craignait pour sa sécurité, témoigne la mère du jeune homme décédé. Il comptait s’acheter un vrai baudrier, j’aurais dû lui dire de démissionner immédiatement. » Embauché trois semaines plus tôt, il ne comptait pas ses heures. « Jusqu’à 17 heures de travail le 26 février », rapporte l’avocate de la famille. Elle décrit un patron « qui mettait en danger ses salariés pour 6 835 €, (le prix du chantier à Lieuron) et pour qui la rentabilité est la priorité au mépris des règles de sécurité et des conditions de travail ».
« J’ai fait des choses à l’envers et j’ai une immense responsabilité, mais je ne comprends pas ce qui s’est passé sur ce chantier, regrette le patron. Et je ne suis pas le grand méchant loup que l’on décrit. » Il tente au passage de semer le doute : « Le matériel, on ne fait que ça d’en acheter, mais on ne sait pas où ça part. »
Prison ferme pour « homicide involontaire »
La procureure est « effarée par les réponses de monsieur qui reste toujours aussi éloigné de ses responsabilités ». Elle réclame « une peine exemplaire » devant « une telle accumulation d’erreurs » qui caractérisent « la violation délibérée des règles de sécurité ».
L’avocat du prévenu a tenté d’atténuer la responsabilité d’un homme, « gestionnaire calamiteux et dépassé par la croissance très rapide de son entreprise, mais qui portera toute sa vie le poids de ses responsabilités ». Son entreprise SAV Energie a cumulé plus de 900 000 € de dettes. Elle est aujourd’hui en cours de liquidation.
Le chef d’entreprise, un père de famille de 43 ans, reconnu coupable de l’ensemble des faits, est condamné à 36 mois de prison dont 18 mois avec sursis, avec mandat de dépôt à délai différé. Il écope aussi de deux amendes de 5 000 et 1 000 € et d’une interdiction de diriger une entreprise dans le secteur photovoltaïque.
Auteur : Laurent LE GOFF.
URL de cet article : L’ouvrier avait fait une chute mortelle sur un chantier : prison ferme pour le patron. ( OF.fr – 07/06/23 ) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)