
Ensemble, ils sont plus forts. Une trentaine de victimes des pesticides ont partagé un repas, dimanche 18 août 2024 à Plougourvest (Finistère) pour échanger sur leur quotidien et trouver des réponses sur les démarches de reconnaissance de maladie professionnelle, grâce à un collectif de soutien basé à Betton, en Ille-et-Vilaine.
Par Zoé BOIRON.
Saucisses, verrines de bavaroise et gâteaux faits maison : ce n’est pas parce qu’ils sont malades qu’ils ont perdu le goût des bonnes choses, ni leur sourire.
Ce dimanche 18 août à Plougourvest (Finistère), Robert Le Borgne a installé une longue tablée au fond de son jardin, pour une trentaine de personnes. Leur point commun : ils et elles ont été victimes des pesticides et en ont payé le prix fort.
Les hommes paysans surreprésentés
Cancer, lymphome, leucémie… Tous sont passés par là. Robert le premier : ancien agriculteur, on lui diagnostique un cancer de la prostate en 2009. « À l’époque, on utilisait ces produits de manière irraisonnée. » Après une ablation, il fait une récidive métastatique et locale dix ans plus tard. Depuis, il doit prendre un traitement à vie. « Malgré les effets secondaires, il faut rester actif dans la mesure du possible », conseille-t-il.
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Selon le Collectif de soutien des victimes des pesticides de l’Ouest, à l’initiative de ce repas, plus de 70 % des personnes touchées sont des paysans, et 90 % sont des hommes. Mais le milieu agricole n’est pas le seul touché.
Daniel Bodénès, référent du collectif en Finistère, a développé la maladie de Parkinson après une carrière de paysagiste. Diagnostiqué en 2015 par une neurologue de Brest, il lui raconte alors que son associé en est lui aussi atteint. « Ne cherchez pas, c’est le phyto », lui répond-elle. Désherbants « totaux et sélectifs », fongicides : avant le « zéro phyto », le mantra était plutôt celui du « zéro mauvaise herbe », ajoute Michel, ancien jardinier communal.
Selon le collectif, Parkinson représente 42 % des maladies professionnelles reconnues. « J’ai pris le bon wagon car c’était en 2015, quand la presse en parlait beaucoup. Il y a eu une vague de reconnaissance », se souvient Daniel Bodénès.
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Procédure complexe
Formulaires à remplir, documents à réunir, délais, vocabulaire… Pleine de « chausse-trappes », la procédure peut être décourageante de complexité. Surtout quand on est malade. Depuis 2015, le Collectif de soutien des victimes des pesticides de l’Ouest s’est donc donné pour mission d’épauler pas à pas ces personnes. « Sans eux, on n’aurait rien », commente Robert Le Borgne.
Grâce à cette action, le couple Cazuc, anciens paysans de Plouénan, a pu obtenir une évolution du taux d’Invalidité partielle permanente (IPP) de François de 25 à 77 %, et avec ça, une hausse de la rente.
Mais ce dimanche, Josiane Cazuc a décidé de parler de leur quotidien et de cette pompe apomorphine dont est équipé François depuis peu. « Ça évite de prendre les huit cachets par jour, mais une infirmière vient chaque matin et je m’en occupe chaque soir », raconte-t-elle. Le sujet intéresse : « On m’en a proposé une », lance un convive, avide de retours d’expérience.
Libérer la parole et déculpabiliser
C’est justement pour provoquer ces échanges que le collectif organise ces rencontres. « En recevant les gens chez Robert, qui est connu dans le coin, ça peut inciter les gens à venir. Ça aide à libérer la parole et aussi, parfois, à déculpabiliser ceux qui n’osent pas en parler parce qu’ils ont défendu le phytosanitaire quand ils exerçaient », explique Michel Besnard, président du collectif, dont le siège se situe à Betton (Ille-et-Vilaine).
Dans certains cas, malgré la reconnaissance, un goût amer reste, car les pathologies s’accumulent. Après 20 ans dans l’agriculture, Bernard (1) a d’abord connu un décollement de la rétine, puis un cancer de la prostate en 2011, Parkinson en 2013 et a subi un AVC deux ans plus tard. « Depuis, son état se détériore », glisse son épouse, Colette (1).
Lire aussi : Pesticides. Des tumeurs cérébrales d’agriculteurs reconnues en tant que maladie professionnelle
Après avoir vaincu un cancer de la prostate, Jean, ancien éleveur laitier à Saint-Thégonnec, a été rattrapé par Alzheimer. Ce dimanche, seule son épouse Yvonne est présente : « Il est aujourd’hui en Ehpad. » Mais à table, le temps d’une journée, la solitude s’envole, pour les malades comme pour les aidants.
Collectif de soutien des victimes des pesticides de l’Ouest, La Primelais, 35 830 Betton. Contact : victime.pesticide.ouest@ecosolidaire.fr ; tél. 06 82 58 67 32.
Maladies professionnelles du régime agricole liées à l’utilisation de pesticides : Parkinson, lymphome non hodgkinien, myélome multiple, leucémie lymphoïde chronique, cancer de la prostate, hémopathie provoquée par le benzène.
Reconnaissance au cas par cas : tumeurs cérébrales, tumeurs de la vessie, cancer des tissus mous, du rein ou du poumon, gliobiastome, hypersensibilité aux produits chimiques, syndrome myélodysplasique.
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URL de cet article: https://lherminerouge.fr/maladies-liees-aux-pesticides-ce-collectif-aide-les-victimes-dans-leurs-demarches-de-reconnaissance-of-fr-22-08-24/