
Le ministre des Outre-mer Manuel Valls a provoqué la consternation des écologistes en disant favorable à la recherche de pétrole en Guyane. La loi Hulot (2017) interdit pourtant l’exploitation de nouveaux hydrocarbures en France.
Par Enzo DUBESSET.
Verra-t-on des plateformes pétrolières au large des mangroves guyanaises ? Interpellé par le sénateur socialiste guyanais Georges Patient, le 11 février, Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a provoqué la surprise en se disant favorable à de nouvelles campagnes de forages pétroliers en Guyane.
En voulant « ouvrir le débat » sur la loi Hulot qui, promulguée en 2017, interdit toute exploration et exploitation d’hydrocarbures sur le sol national, l’ancien Premier ministre de François Hollande a ébréché un acquis environnemental majeur de ces dernières années. Et provoqué une onde de choc tant dans les milieux écologistes que dans son propre gouvernement.
Le Réseau Action Climat, coalition de 27 ONG françaises, a ainsi dénoncé une « trahison » des engagements climatiques de la France. Aux Échos, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a réagi en expliquant que toucher à la loi Hulot « n’aurait pas de sens » dans un « contexte où les énergies fossiles sont responsables du dérèglement climatique », et les territoires d’outre-mer, les premières victimes.
« Toucher à la loi Hulot n’aurait pas de sens »
De l’autre côté de l’Atlantique, de nombreux élus, à l’image du sénateur Georges Patient, se réjouissent que la loi Hulot ne soit plus intouchable. Depuis son adoption, ce texte a été vertement critiqué, tant par les milieux patronaux que par une partie de la gauche. Ses détracteurs y voient une sorte de verrou colonial qui empêcherait les Guyanais d’exploiter leurs ressources.
L’exemple du Guyana
L’espoir suscité par le pétrole s’explique avant tout par le contexte régional, marqué par la découverte, en 2015 d’un immense gisement offshore au Guyana, à 700 kilomètres de Cayenne. En quatre ans, le PIB de cette ancienne colonie britannique, alors parmi les pays les plus pauvres au monde a triplé. Sa croissance, la plus rapide au monde, tourne désormais autour de 40 % sur les deux dernières années.
En 2021, ce fut au tour du Surinam, pays frontalier avec la Guyane, de découvrir du pétrole dans ses eaux territoriales, dans la continuité du gisement guyanien. En octobre dernier, TotalEnergies a d’ailleurs signé un contrat d’exploitation à hauteur de 10,5 milliards de dollars (10 milliards d’euros) avec le gouvernement surinamais pour des premiers barils attendus dès 2028.
Enfin, l’État brésilien de l’Amapa, de l’autre côté du fleuve Oyapock devrait entamer des explorations dans l’embouchure de l’Amazone dans les prochains mois.
En Guyane, malgré l’échec des campagnes de forages menées avant l’entrée en vigueur de la loi Hulot — le puits foré par Total à 2000 m de profondeur avait été cimenté — une partie des Guyanais restent encore persuadés qu’il y a du pétrole au large des côtes. Ils y voient une opportunité de développement économique bienvenue dans un des départements les plus pauvres de France.
« Nous sommes au cœur d’une dynamique géostratégique, avec une exploitation pétrolière en cours au Guyana, mais nous sommes bloqués par la loi Hulot. […] Si nous n’obtenons pas une large autonomie avec un pouvoir législatif local, nous serons marginalisés dans cette lutte géostratégique », a par exemple regretté, en 2023, le député Jean Victor Castor, figure de la gauche indépendantiste.
L’argent du pétrole ne bénéficie pas aux locaux
Si elle pourrait faire décoller l’économie locale et financer des infrastructures qui manquent cruellement, le pétrole reste un pari à court terme qui risque de détruire de manière pérenne, en cas de marée noire, une des côtes dont les mangroves sont reconnues comme un sanctuaire unique au monde pour la biodiversité aviaire et marine.
Surtout, l’exemple du Guyana, où la majorité de la rente pétrolière est captée par la multinationale Exxon Mobil, rappelle que la population locale ne bénéficie pas forcément des ressources présentes dans son sous-sol. Or, comme l’a rappelé un rapport parlementaire étudiant la question, en l’état actuel, les emplois les plus qualifiés ne reviendraient pas à des Guyanais, faute de formations sur le territoire. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) dénonce ainsi « cette éventuelle relance du mythe pétrolier comme une erreur économique et environnementale, et appelle à investir dans un développement durable en Guyane ».
En ouvrant la voie à une nouvelle campagne de forages au large de l’Amazonie française, Manuel Valls envoie un signal très négatif et affaiblit la position de la France à quelques mois de la COP30, qui se tiendra à Bélem, aux portes du bassin amazonien, et de ses champs de pétrole si convoités.
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Source: https://reporterre.net/Manuel-Valls-ouvert-a-l-exploitation-du-petrole-en-Guyane
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