
Entretien réalisé par Sibylle LAURENT.
Si elle ne nie pas les vestiges détruits à Carnac (Morbihan) pour la construction du magasin de bricolage, Isabelle Chardonnier, la directrice régionale de la Drac estime que « ce n’était pas un site majeur ».
Elle le reconnaît : le sujet est à la fois « très technique », et « nous ne sommes pas tous archéologues. » C’est notamment pour cette raison qu’après l’annonce de la destruction d’un site mégalithique pour construire un magasin de bricolage zone de Montauban à Carnac (Morbihan), la Drac Bretagne, a voulu « prendre du temps pour bien comprendre ce qu’il s’était passé » sur le terrain, et « éviter de mauvaises interprétations. ». Entretien avec Isabelle Chardonnier, directrice régionale de la Drac (directions régionales des affaires culturelles) Bretagne, sur les zones d’ombre de ce dossier.
Plusieurs spécialistes pointent la valeur archéologique du site du Chemin de Montauban, ou les potentielles découvertes qu’il représentait. Qu’en pensez-vous ?
En 2014-2015, nous avions réalisé des diagnostics sur des terrains voisins de cette zone. Nous avions trouvé quelques vestiges, suffisamment importants pour que, quand le propriétaire du terrain du chemin de Montauban a décidé de construire, nous demandions à réaliser un diagnostic. C’est une opération assez rapide, qui permet par la suite d’envisager ou non des fouilles. En l’occurrence, nous avons découvert 39 blocs de pierres, dont une première partie, la partie la plus importante, n’était à coup sûr pas des mégalithes. Il s’agissait de pierres qui avaient été cassées, et transportées. Sur la deuxième partie de la clôture, nous avons trouvé, entre autres, quatre blocs de pierre, témoignant d’une usure du temps très ancienne. On pouvait donc, peut-être, penser que c’étaient des vestiges archéologiques. Au vu de cette découverte, nous avons prescrit une fouille. Mais la fouille n’a pas eu lieu à l’époque, le permis de construire ayant été refusé pour une autre raison.
Dans ce cas, pourquoi les fouilles n’ont-elles pas eu lieu lors du second permis de construire, alors qu’une prescription de fouille n’a pas de limite dans le temps ?
En effet en 2022, un nouveau permis de construire est posé. L’architecte des bâtiments de France rend un avis favorable, car le terrain n’est pas situé dans une ZPP, une zone de présomption archéologique, cartographiée comme des zones à enjeu. En revanche, il est vrai que la prescription de fouilles courrait toujours : elle n’a pas de caducité. L’arrêté de prescription de fouille a été envoyé en 2015 au propriétaire du terrain et à la mairie. Huit ans plus tard, on constate que les fouilles n’ont pas été faites par le propriétaire, malgré la prescription. On peut considérer qu’il s’agit d’une faute ou d’un oubli, ce n’est pas à nous de nous prononcer sur ce terrain-là.
Tout le problème n’est-il pas là, dans l’impossibilité désormais actée de ne jamais pouvoir établir la véritable valeur archéologique de ce site, au risque de ne jamais clore le débat ?
Il faut être précis. Dans ce qui a été relayé au niveau des médias nationaux, par les photos qui ont été choisies pour illustrer, on peut avoir l’impression qu’il s’agit de 39 mégalithes des alignements de Carnac. C’est terrible, car cela donne l’impression que c’est le site emblématique qui a été détruit. Alors qu’on parle de quatre blocs de pierre dans une zone qui est en train de devenir une zone commerciale. Le doute persistera toujours. Cette situation n’est évidemment pas du tout satisfaisante, mais nous sommes obligés de constater que nous avions une connaissance très partielle de ce site, et à ce stade des fouilles, nous n’étions pas sur un site emblématique.
Je veux vraiment mettre en parallèle le travail colossal entrepris par 27 communes pour l’inscription de ce patrimoine des mégalithes à l’Unesco. Nous sommes tout près de déposer le dossier qui vise à la conservation et la valorisation de 550 sites qui ont été repéré et protégés à l’échelle de 27 communes.
Justement, le site de Montauban figurait bien sur la liste de l’Unesco. N’est-ce pas une preuve de sa valeur ?
Sur cette liste, nous inscrivons tous les sites qui sont des sites avérés. Certains sont protégés ; d’autres sont des sites avec des présomptions mais sur lesquels nous n’avions pas abouti tous les travaux. Quand on habite à Carnac, ou sur le territoire des 27 communes, on a souvent tout près de chez soi un bien ou un vestige archéologique. Et c’est tout l’enjeu : car en même temps, nos territoires doivent vivre, se développer. Il faut pouvoir concilier la préservation du patrimoine et la vie de nos territoires. Je le redis, nous sommes très attachés à cette candidature, à tout ce qu’elle porte. Cela nous mobilise, pleinement, tous ensemble.
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