
Par Jeanne CASSARD.
Après avoir analysé 148 boîtes de thon, l’ONG Bloom révèle dans une enquête que la totalité des thons en conserve est contaminée au mercure. Un scandale sanitaire d’une ampleur inédite.
C’est l’un des poissons préférés des Françaises et Français. Pourtant, le thon contient du poison, révèle l’ONG Bloom, à l’issue d’une enquête d’un an et demi publiée le 29 octobre. L’association de défense des océans a sélectionné 148 boîtes de thon dans cinq pays européens, dont la France, et les a fait tester par un laboratoire indépendant. Les résultats sont édifiants : toutes les conserves sont contaminées au mercure.
Ce métal est considéré comme l’une des dix substances les plus préoccupantes au monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), juste après l’arsenic et le plomb. Son dérivé présent dans l’alimentation, le méthylmercure, est classé comme cancérogène possible par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Une fois ingéré, le méthylmercure passe dans le sang puis dans les organes. Même à faible dose, l’ingestion régulière de cette substance peut entraîner des problèmes neuronaux, cardiovasculaires, immunitaires, rénaux et reproductifs.
Des taux 9 fois plus élevés
Comment un tel poison est-il arrivé jusque dans nos assiettes ? Émis par la combustion du charbon et les activités minières, le mercure retombe dans l’océan et est ensuite ingéré par les poissons sous sa forme la plus toxique, le méthylmercure. En tant que superprédateur, le thon accumule les métaux lourds contenus dans ses proies.
Si pour la plupart des poissons, comme le cabillaud ou les sardines, un seuil maximal de 0,3 milligramme (mg) de mercure par kilo de chair a été fixé, ce n’est pas le cas pour le thon, explique Bloom. Pour ce poisson comme pour l’espadon et le requin, le seuil de mercure à ne pas dépasser est de 1 mg/kg lorsqu’il est frais. « Ces espèces peuvent donc contenir trois fois plus de poison que d’autres et être autorisées à la vente, résume Bloom dans son rapport. Le mercure du thon n’est pourtant pas moins toxique que le mercure d’une sardine ou d’un cabillaud. C’est incompréhensible. »
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Ces teneurs maximales autorisées en mercure s’appliquent au thon frais, pas au thon en boîte. L’ONG a demandé à la Direction générale de l’alimentation (DGAL) quel taux était appliqué pour les conserves de thon. « La DGAL nous a répondu qu’elle ne disposait pas de cette information », déplore l’ONG. Or « le thon en boîte perd beaucoup d’eau, donc le mercure est deux à trois fois plus concentré que dans le thon frais », précise Bloom dans son rapport. Par conséquent, « la DGAL ne peut déterminer si des conserves de thon respectent ou non la législation européenne sur le mercure », conclut Bloom. D’après ses calculs, une teneur en mercure de 1 mg/kg dans le thon frais initial conduit à une teneur théorique d’environ 2,7 mg/kg dans la conserve. Le seuil de mercure qui s’applique au thon en boîte peut donc être jusqu’à neuf fois plus élevé que celui d’une sardine fraîche.
Des taux qui dépassent largement les recommandations fixées par les autorités sanitaires européennes. Pour éviter une contamination trop importante au mercure, celles-ci ont défini une dose hebdomadaire tolérable (DHT) de mercure : 1,3 microgramme (µg) de méthylmercure par kilogramme de poids corporel. Si un enfant de trois ou quatre ans mange 100 grammes de thon en boîte présentant un taux de mercure de 2,7 mg/kg, comme la plupart des conserves analysées, il dépassera de 12,5 fois la dose hebdomadaire tolérable de mercure. Pour un adulte de 67 kilos, il la dépassera de 2,9 fois.
Et ce n’est pas le pire. Parmi les boîtes de thon testées par Bloom, l’une de la marque Petit Navire affiche une teneur record de 3,9 mg/kg. « En mangeant cette boîte, il suffit de 15 grammes à un enfant de 40 kg pour qu’il dépasse la dose hebdomadaire tolérable, et de 30 grammes à un adulte », indique l’association.
« Protéger les intérêts de l’industrie thonière »
« Le seuil de dangerosité fixé par les pouvoirs publics n’a pas été pensé pour protéger la santé de millions de consommateurs, mais pour protéger les intérêts de l’industrie thonière », dénonce Bloom, qui alerte sur une contamination généralisée des populations.
Face à ce scandale sanitaire, Bloom, associée à l’ONG de défense des consommateurs Foodwatch, réclame l’interdiction de la commercialisation des produits à base de thon dépassant 0,3 mg/kg de mercure, ainsi que tous les produits contenant du thon dans les espaces les plus sensibles, comme les cantines scolaires et les crèches. Enfin, les deux ONG demandent à la Commission européenne d’aligner le seuil de mercure pour le thon sur celui des autres poissons, comme le cabillaud ou les sardines.
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Source: https://reporterre.net/Mercure-dans-le-thon-deux-ONG-denoncent-un-scandale-sanitaire
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