La nouvelle ministre de la Transition écologique était jusqu’à présent envoyée spéciale du président de la République sur le climat. Elle devra notamment représenter la France à la COP30 au Brésil.

Il aura fallu attendre 22 heures dimanche 12 octobre pour connaître les noms du gouvernement Lecornu II. Et la liste dévoilée comprend un certain nombre de (presque) inconnus. En premier lieu, la nouvelle ministre de la Transition écologique : Monique Barbut.

Ex-présidente de l’ONG WWF France, cette économiste de formation a déjà côtoyé Emmanuel Macron : elle était jusqu’alors son envoyée spéciale sur le climat, et elle l’a aussi représenté au One Planet Summit pour la biodiversité en 2020-2021. Un sommet alors qualifié de « blabla » par l’activiste suédoise Greta Thunberg.

À 69 ans, Monique Barbut a une longue carrière dans les institutions environnementales. Elle était secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, de 2013 à 2019. Elle était également membre de la délégation française lors du Sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro.

Monique Barbut succède à Agnès Pannier-Runacher, une fidèle d’Emmanuel Macron de la première heure, de tous les gouvernements depuis 2018, qui a choisi de ne pas être reconduite au nom de « la rupture ».

La nouvelle locataire de l’Hôtel de Roquelaure hérite d’un ministère en tension, entre reculs environnementaux, coupes budgétaires et attaques contre ses agences (Ademe, Office français de la biodiversité…).

Une ancienne navigatrice et députée européenne à la Pêche

Côté océan, Monique Barbut sera épaulée par Catherine Chabaud, nommée ministre déléguée à la Mer et à la Pêche. Un écosystème qu’elle connaît bien : diplômée de l’Institut pratique de journalisme, ancienne rédactrice en chef de la revue Thalassa, Catherine Chabaud s’est illustrée dans le domaine de la course au large. Elle est notamment connue pour avoir été la première femme à terminer une course autour du monde à la voile, en solitaire et sans escale, lors de la troisième édition du Vendée Globe, en 1996.

La navigatrice a mis fin à sa carrière sportive en 2002, et opéré un tournant vers le plaidoyer et la politique. Membre fondatrice de la Plateforme océan et climat, ainsi que de la Fondation de la mer, elle a été déléguée à la mer et au littoral au sein du ministère de l’Environnement entre 2016 et 2017, avant d’être élue au Parlement européen en 2019 sous l’étiquette Renew (centre-droit).

En tant que députée, Catherine Chabaud a soutenu des amendements salués par les ONG spécialistes de l’océan. En 2023, lors du débat sur la loi sur la restauration de la nature, elle a notamment poussé pour la création d’aires marines protégées européennes interdites aux méthodes de pêche les plus néfastes, ainsi que pour l’interdiction de la bande côtière aux navires de pêche de moins de 25 mètres. Elle a également pris position en faveur des cargos à voile.

Monique Barbut sera accompagnée par Mathieu Lefèvre, nommé ministre délégué chargé de la Transition écologique. Âgé de 38 ans, ce natif de Créteil a suivi un parcours politique assez classique, écumant commissions et cabinets (aux ministères de l’Économie et de l’Intérieur, notamment), avant d’être élu député du Val-de-Marne en 2022, sous l’étiquette Ensemble pour la République. Ce diplômé de l’ESCP Business School n’a jusqu’à présent pas occupé de poste en lien direct avec les questions environnementales. Il est en revanche un fervent défenseur de la « liberté des entreprises à s’organiser », et a défendu la fin des 35 heures, qui ont selon lui fait « beaucoup de mal au pays ».

S’il a voté contre la loi Duplomb, qui vise à faciliter l’utilisation de pesticides dangereux, la construction de mégabassines et l’élevage industriel, il a également voté contre l’instauration d’une option végétarienne dans les établissements de restauration collective, contre un amendement du projet de loi de finances 2024 visant à soutenir financièrement le bio, et pour le projet de loi d’accélération de l’énergie nucléaire. Il s’est en revanche prononcé contre l’interdiction des vols en jets privés.

Roland Lescure et Annie Genevard restent au gouvernement

Le second gouvernement de Sébastien Lecornu compte aussi quelques habitués. Le Premier ministre a reconduit Roland Lescure pour diriger le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et énergétique. Cet économiste et polytechnicien de 58 ans aura la tâche de faire voter le prochain budget sans recourir au 49.3.

Un défi pour celui qui, en 2024, a acté la programmation pluriannuelle de l’énergie par décret, plutôt que par un projet de loi débattu au Parlement. « C’est une vision étrange de la démocratie de n’accepter de débattre devant le Parlement que quand on est certain qu’il adoptera les mesures que l’on souhaite », critiquait alors auprès de Reporterre Nicolas Nace, chargé de campagne énergie chez Greenpeace France.

Le texte proposé par Roland Lescure montrait une vision de la transition énergétique farouchement pronucléaire et peu ambitieuse sur les énergies renouvelables. Pour diminuer la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2050, il a annoncé la construction de six nouveaux EPR2. Côté renouvelables, il souhaitait alors multiplier par 5 la production de gaz renouvelables d’ici à 2035, par 5 également celle du photovoltaïque, par 2 celle des éoliennes terrestres et de la chaleur renouvelable. Un objectif « au minimum de ce qui doit être fait au niveau européen », soulignait alors Nicolas Nace.

« Le passe-plat de la FNSEA »

Annie Genevard garde son poste de ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. « Elle sera le passe-plat de la FNSEA », avait estimé la députée écologiste Lisa Belluco lors de sa nomination fin septembre 2024. À l’époque, sa proximité avec le syndicat agricole dominant le laissait déjà présager. Son suppléant, qui a repris son poste de députée, est l’éleveur Éric Liégeon, ex-secrétaire général et vice-président de la FDSEA du Doubs.

Un an plus tard, l’affirmation s’est vérifiée. La ministre a accompagné sans faillir l’accouchement de la proposition de loi Duplomb : « Un signal fort, attendu et nécessaire, adressé à nos agriculteurs », avait-elle déclaré. Ce texte facilite l’agrandissement des élevages, la construction de mégabassines, affaiblit l’Office français de la biodiversité (OFB) et avait prévu de réautoriser l’acétamipride — une disposition censurée par le Conseil constitutionnel.

Ses autres actions et déclarations n’ont cessé d’aller dans le même sens. Apôtre de la « simplification », elle a pressé l’Anses d’examiner plus vite les demandes d’autorisation de pesticides et les préfets d’autoriser plus vite les élevages, demandé aux agents de l’OFB — qui contrôlent le respect des normes environnementales sur les fermes — de cacher leur arme de service lors des contrôles. Elle a également mis des bâtons dans les roues du Nutri-score nouvelle version, contrariée par exemple que certains fromages puissent être mal notés. Elle a ainsi joué « la stratégie des lobbies », regrettait le père du Nutri-score Serge Hercberg.

Pourfendeuse du budget de la bio

En seulement un an, elle a même eu l’occasion de confirmer ses penchants réactionnaires — députée, elle avait par exemple voté contre la constitutionnalisation de l’IVG. Ses équipes ont été prises en flagrant délit de racisme par nos confrères de Libération, demandant un « casting caucasien » et du cassoulet au menu pour une publicité de l’Agence bio.

Cette dernière a d’ailleurs été malmenée par la ministre. Sans cesse a plané la menace de sa suppression. Finalement, c’est une coupe budgétaire drastique de 15 millions d’euros (64 % de ses moyens de fonctionnement) qui a été actée. Les budgets de la politique agricole commune ont également été rabotés. De quoi entraver la timide sortie de crise du secteur.

En restant au gouvernement, Annie Genevard est allée à l’encontre du vote de son parti Les Répubicains (LR). Celui-ci a réagi dans un communiqué annonçant que les ministres « qui ont accepté d’entrer au gouvernement ne peuvent plus se réclamer des Républicains et cessent immédiatement leurs fonctions dans nos instances dirigeantes ». Six autres ministres LR sont également concernés.

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Source:https://reporterre.net/Monique-Barbut-ex-presidente-du-WWF-France-nommee-a-la-Transition-ecologique

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