
À défaut d’avoir réussi à tout bloquer, les manifestants ont libéré une parole indignée, en Loire-Atlantique. En ville comme à la campagne. Ils parlent spontanément de capacité à bien vivre de son travail, d’injustices, de déception politique. Trois raisons de la colère.
Les rédactions OF de Loire-Atlantique
Pourquoi se sont-ils levés aux aurores, ce mercredi 10 septembre, pour rejoindre une bretelle routière vers Trignac, le pont de Cheviré à Nantes, un rond-point à Blain ? Retraités, fonctionnaires, salariés du privé, étudiants… sont venus exprimer leur colère. Si les revendications sont diverses, un ras-le-bol commun les porte. Pouvoir d’achat, justice sociale, déception politique. Trois raisons de la colère.
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« On n’en peut plus de la vie chère »
Benoît, auxiliaire de vie. Camille, enseignant. Matthieu, assureur. Charlène, factrice… Qu’est-ce qui les a fait se lever tôt ce mercredi matin pour rejoindre des lieux de blocage à Châteaubriant, Saint-Nazaire, Ancenis ou ailleurs dans le département ? Parmi eux, des habitués des mobilisations, des ex Gilets jaunes aussi. Un ras-le-bol commun les porte. Celui de bosser dur, mais de ne pas s’en sortir. Celui de la vie chère et des fins de mois compliquées. « Douze ans que je bosse à La Poste. Le Smic, pas de primes et des heures supplémentaires qui ne sont pas payées quand on en fait, énumère Charlène, la factrice, croisée avec ses collègues, à Blain, en colère, contre « des salaires trop bas ». Avec ses 1 940 € par mois, Camille, enseignant, qui habite à la Chevallerais, se rend compte qu’il s’en sort de moins en moins. « Il y a quinze ans, avec presque 2 000 € par mois, on pouvait bien vivre, pointe-t-il. Aujourd’hui, on ne peut même pas devenir propriétaire. »
« On n’en peut plus de la vie chère. Faire les courses coûte une fortune, maintenant, s’agace un travailleur des Chantiers Navals, à Saint-Nazaire. C’est compliqué de mettre de l’argent de côté. » Pour Nolan, alternant aux Chantiers à 900 € par mois, « la fin du mois est au 15 ».
Zucman sur beaucoup de lèvres
Le nom de l’économiste Gabriel Zucman, est sur beaucoup de lèvres. Cette cordonnière qui préfère taire son nom, rompue aux mouvements sociaux, de la ZAD aux manifs retraite, a été séduite par ce mouvement parti de la base. « Il va falloir qu’ils comprennent, là-haut, que ce n’est plus possible. Plus je gagne d’argent, moins j’ai de sous pour vivre, soupire-t-elle. Avec 1 700 € par mois, je ne suis pas la plus à plaindre. Mais il y a six ans, j’allais au marché faire mes courses. Maintenant, c’est le supermarché. » Entre deux charges de lacrymogène qui la font fuir du rond-point, route de Pornic, l’ancienne comptable en appelle, comme beaucoup d’autres, à la taxe Zucman qui viserait à imposer les plus riches.
Un nom qui circule presque plus que ceux des ex et nouveaux Premiers ministres. « Prenons l’argent où il est, insiste ce salarié en grève du Bureau de recherches géologiques et minières, en distribuant des tracts. Arrêtons de casser le service public, augmentons les impôts sur les revenus de ceux qui peuvent payer plus, et j’en fais partie. » Davantage de justice sociale, moins de mépris. C’est ce que réclame Noëlle, retraitée. « Prendre aux pauvres pour donner aux riches. C’est pas très original, d’autres l’ont fait avant. Mais aujourd’hui, c’est non . »
« Le gouvernement ne voit pas notre réalité »
« Le gouvernement nous balade », s’agace l’enseignant de la Chevallerais. Ce que veut Benoit, 60 ans, auxiliaire de vie ? « Qu’Emmanuel Macron démissionne. Les gens en ont marre. »
Sur le rond-point du Fief-Bignon, à Clisson, nombreux sont celles et ceux qui expriment leur ras-le-bol, « face à un gouvernement qui ne veut pas voir notre réalité. Celle des fins de mois difficiles, alors qu’on se bute au travail ». « Ras le bol de Macron », rouspète cette femme de 58 ans qui vit seule, payée au Smic chez Leclerc, en grève pour la première fois, comme plusieurs de ses collègues. « On veut se faire entendre, mais on n’y arrive pas. »
La nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre est « la goutte d’eau », pour ce manifestant de Clisson. « Le président se fiche de nous. Voilà des jours, qu’on parle de “Bloquons tout” et Macron nomme encore une personne de son camp. C’est du mépris. »
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