
L’aide médicale d’Etat (AME) a été mise en place en 2000 afin d’assurer l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, vivant en France depuis plus de 3 mois et disposant de faibles ressources. Par ailleurs depuis janvier 2021, un délai de carence de 9 mois a été introduit pour l’accès au panier de soins complet de l’AME. Elle permet aujourd’hui la prise en charge des soins médicaux et hospitaliers essentiels dans la limite des tarifs de remboursement de la Sécurité sociale, ce qui pose d’ailleurs un problème d’accès aux spécialistes en ville où se généralisent les dépassements d’honoraires. Il faut souligner que certains frais, comme l’aide médicale à la procréation, certains médicaments ou encore les cures thermales, ne sont pas pris en charge. L’extrême-droite et la droite alimentent les fantasmes sur l’immigration en montant en épingle quelques cas d’émigration médicale qui restent un phénomène marginal, et demandent aujourd’hui sa suppression. Les soi-disant abus sont contredits par les chiffres de l’organisation Médecins du Monde qui souligne que 70 % des patients reçus dans ses centres de soins n’avaient aucun droit ouvert en 2020. Par ailleurs une enquête d’un service du ministère de la Santé de 2019 indique que seules 10 % des personnes éligibles à l’AME sont venues en France pour des raisons de santé. Regardons maintenant le volume des dépenses que représente l’AME : il s’agit de 1,2 milliards d’euros en 2022 sur un total de 247 milliards, soit 0,4 % ! Il s’agit donc de peu de choses, même si ce montant a augmenté ces dernières années du fait des évolutions géopolitiques récentes. Par ailleurs, il faut souligner que les dépenses de santé en France sont concentrées aux premiers âges de la vie et surtout après 50 ans du fait du poids croissant des maladies chroniques. Or la majorité des immigrés sont des gens jeunes, donc qui globalement consomment moins de soins. A ce stade, il faut maintenant regarder si l’AME est utile en termes de santé publique. La santé est un bien collectif et l’affaire de tous. La crise liée au COVID-19 nous l’a tragiquement rappelé avec les maladies contagieuses et le constat que la fermeture des frontières que réclament certains n’arrête pas les virus. Par ailleurs, après le vote par le Sénat d’un amendement proposant la suppression de l’AME au profit d’une aide ne couvrant que « les soins urgents », plusieurs sociétés médicales qui ne peuvent être traitées d’ultragauchistes, ont signé un communiqué commun soulignant que cet amendement est « contraire aux principes des droits humains garantissant un droit à la santé pour tous » et est « un non-sens d’un point de vue économique, les prises en charge tardives hospitalières des pathologies étant particulièrement coûteuses ». Donc tout porte à croire que si cette mesure était adoptée, elle conduirait à limiter l’accès aux soins courants avec un risque d’augmenter le recours aux services d’urgence, voire le renoncement aux soins. C’est-à-dire un non-sens sanitaire et économique… sans parler de la perte du sens de toute humanité.
Dr Christophe Prudhomme
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