
La Cour des comptes a publié son rapport sur les finances et perspectives des retraites le 20 février. Commandé par le Premier ministre F. Bayrou, il servira au conclave réunissant syndicats, patronat et État dès ce 27 février.
Par Stéphane JOUTEUX.
Le rapport de la Cour des comptes sur « la situation financière et les perspectives du système de retraites » a été rendu public le jeudi 20 février. La commande en avait été passée par le Premier ministre F. Bayrou pour préparer le conclave qui va réunir les confédérations syndicales avec le patronat et l’Etat à partir du 27 février.
Les organisations syndicales avaient été sommées par le Premier ministre d’accepter le rapport de la Cour des comptes comme base de leurs travaux pour cadrer la discussion. Ce que le président du Conseil d’orientation des retraites, proche de Macron, résume ainsi : « Il faut maintenant espérer que cette polémique inutile sur le calcul des recettes et du solde du financement des retraites est définitivement éteinte. Un des messages de ce rapport est qu’il y a un déficit à financer. Un autre, implicite, est que, parmi les modes de financement, une augmentation des contributions retraite employeurs ou salariés ou une désindexation partielle des retraites sont récessives et appauvrissent le pays, tandis qu’à l’inverse l’augmentation de l’âge de départ à la retraite et du taux d’emploi des seniors sont expansionnistes et enrichissent le pays… Ce rapport montre aussi qu’un retour sur les 64 ans aggraverait le déficit et appauvrirait le pays ». Sous-entendu : les partisans de l’abrogation de la réforme de 2023 veulent appauvrir le pays.
L’objectif de ce rapport est d’une clarté limpide et vise à justifier l’avertissement de François Bayrou : « En l’absence d’accord, la réforme de 2023 s’appliquera ». Rappelons quand même que la France est le champion mondial du versement de dividendes aux actionnaires. La Cour des comptes n’y verra sans doute rien à redire.
Quelles réactions côté syndical et patronal ?
Pour la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet : « La Cour des comptes nous rassure (…). [Elle] offre un démenti cinglant aux chiffres farfelus qui avaient été retenus par le Premier ministre ».
La CFDT estime qu’ « on va pouvoir passer aux choses sérieuses » et parler « de la reconnaissance des métiers pénibles, plus de justice pour résoudre la question des inégalités entre les femmes et les hommes » ou de « l’emploi des seniors ».
Certes, la CGT et FO ont rappelé leur demande d’abrogation de la réforme de 2023. Comme le dit Sophie Binet : « Le premier point à clarifier, c’est que l’objet des discussions n’est pas la question du retour à l’équilibre des régimes » mais « d’abroger cette réforme injuste et violente ». Clarifier ? Il est pourtant clair que l’agenda du conclave n’a rien à voir avec l’abrogation.
Le ministre Lombard a d’ailleurs réagi, le 21 février sur RTL : « Abroger la réforme des retraites de 2023, comme la CGT le souhaite, est extrêmement coûteux et on n’en a absolument pas les moyens, donc c’est non » (AFP).
Le président du Medef a lui aussi été clair : « Ce rapport de la Cour des comptes confirme ce que nous disions : la réforme des retraites de 2023 ne suffit pas. Revenir sur l’âge légal aurait des conséquences financières très lourdes. Nous ne serons pas complices de ce jeu de dupes ».
Piège tendu
Et chacun d’y aller de sa proposition pour le conclave. Le patronat (Medef, CGPME, U2P) veut parler de « la retraite par capitalisation et de l’indexation de l’âge de départ en retraite sur l’espérance de vie ». Une position reprise par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui a déclaré sur BFM TV : « Il faut en finir avec le système de retraite par répartition ».
Que vont donc faire les dirigeants syndicaux dans cette galère dont la destination est, à l’évidence, tout sauf l’abrogation de la réforme des retraites de 2023 ? Négocier des ajustements, des exceptions, voire de nouveaux coups et de nouveaux reculs ? Rien ne justifie de rester dans ce piège tendu aux organisations syndicales. L’urgence est d’en sortir, de quitter ce conclave et de réaffirmer, autant que possible dans l’unité la plus large, l’exigence d’abrogation de la réforme de 2023 défendue par l’immense majorité des travailleurs de ce pays.
Que fait-on du financement, diront les comptables ? Tous les syndicalistes sérieux savent qu’il n’y a pas de problème de financement. Même le secrétaire général de la CFE-CGC a déclaré : « Si on restaure un peu de justice dans ce pays, en vérité il n’y a pas de problème de financement des retraites » (AFP). A commencer par l’exigence d’égalité salariale entre les hommes et les femmes réclamée par l’ensemble des organisations syndicales et que le patronat se refuse obstinément à appliquer.
Il y a en revanche un pillage en règle organisé depuis des années par les gouvernements successifs pour exonérer les employeurs du paiement de leurs cotisations sociales. Comme le dit le rapport de la Cour des comptes : « Depuis 2004, au sein des ressources des régimes de retraite de base, la part des cotisations est stable et celle des impôts et taxes affectés a doublé (de 7 % à 14 %), notamment sous l’effet de l’augmentation des exonérations de cotisations décidées par l’Etat. »
Pour La Dépêche du Midi : « François Bayrou a proposé ce conclave pour éviter la censure et faire voter le budget (de la nation et de la Sécurité sociale – Ndlr) ». Ce n’est faire offense à aucun des dirigeants syndicaux qui participent à ce conclave, d’affirmer qu’ils le savent parfaitement. Il n’en reste pas moins, comme le disent plus d’un millier de syndicalistes et de militants partout dans le pays, que « ce n’est ni la place, ni le rôle des dirigeants syndicaux d’appeler à la stabilité du pouvoir et d’y contribuer en participant à ce conclave ».
Une perte de 10 % pour de nombreux salariés sur leurs indemnités journalières (maladie) à partir du 1er avril En application de la loi de financement de la Sécurité sociale de François Bayrou, adoptée par 49.3 le 3 février, un décret du 20 février abaisse le plafond de revenus pris en compte dans le calcul des indemnités journalières versées par l’Assurance maladie de 1,8 à 1,4 Smic. A partir du 1er avril, un employé ayant, par exemple, un salaire de 2 800 € brut par mois verra ses indemnités journalières maladie baisser de 10 %. Une perte sèche pour les jeunes embauchés qui n’auront pas l’ancienneté suffisante pour bénéficier du complément de salaire prévu par les conventions collectives, et une augmentation prévisible des cotisations prévoyance pour la grande majorité. |
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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/02/27/negocier-pour-abroger-la-reforme-des-retraites-vraiment/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/negocier-pour-abroger-la-reforme-des-retraites-vraiment-io-fr-27-02-25/