Niger : « Nous estimons que personne ne peut venir défendre nos territoires à notre place » (IO.fr610/07/23)

Emmanuel Macron reçoit le président du Niger Mohamed Bazoum, lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, le 22 juin

Interview d’un responsable de l’Intersyndicale des travailleurs du Niger (ITN) à propos de la situation et du combat contre la guerre (réalisé le 2 juillet 2023)

En ce début d’année, les organisations syndicales ont organisé des grèves massives dans le pays. Les revendications ont-elles pu être satisfaites ?

Effectivement, depuis ce début d’année, les organisations de l’Intersyndicale des travailleurs du Niger (ITN) ont observé des arrêts de travail et des actions syndicales. Cela fait suite aux accords que nous avons signés avec le gouvernement. Il s’agit : de l’harmonisation du régime indemnitaire signé 2012 ; du recrutement des contractuels de la fonction publique d’éducation et de la santé signé en 2016 ; de la prime spéciale de départ à la retraite signée en 2018 ; ainsi que la revalorisation du point d’indice. Donc, en réalité, les préoccupations que nous avons soulevées sont d’abord des accords qui doivent absolument être appliqués par le gouvernement. Ce qui fait que les centrales syndicales membres de l’ITN ont estimé que trop c’est trop !

Après ces arrêts de travail et actions, nous avons retrouvé les ministères concernés par les revendications. Nous pensions avoir trouvé un terrain d’entente pour leur application en janvier 2023 mais, malheureusement, là encore, les engagements n’ont pas été respectés. Nous sommes très déçus du comportement de ce gouvernement.

Concernant la valorisation du Smig, le Conseil national du travail a admis qu’il est très bas et a accepté qu’il soit rehaussé de 30 000 à 42 000 francs CFA [soit de 42 à 62 euros]. Mais le processus n’est pas encore terminé et, malgré tout, notre Smig restera le plus bas de la sous-région.

Si les préparatifs de la Conférence internationale du travail (CIT) ont ralenti nos activités ces dernières semaines, nous sommes de retour et il n’est pas question que des engagements qui ont été librement signés par le gouvernement restent lettre morte. Et ce n’est pas que le gouvernement n’a pas les moyens de satisfaire ses engagements, c’est juste de la mauvaise foi.

Cette année, le gouvernement Bazoum a augmenté le budget de l’État consacré à la sécurité de 17 % et la France a aussi renforcé ses effectifs dans ses bases militaires au Niger. Quel en sont les effets sur les objectifs affichés de lutte contre le terrorisme ?

Aujourd’hui, une grande partie du budget de l’État est investie dans les questions sécuritaires, mais pour quel résultat ? On a tous en mémoire l’affaire du ministère de la Défense dite MDM, où des individus mal intentionnés ont détourné impunément plusieurs milliards de francs CFA du budget sécuritaire. Personne ne peut dire que la situation s’est stabilisée au Niger. Particulièrement dans la zone des trois frontières, les terroristes se livrent à des prélèvements d’impôts, beaucoup de populations sont déplacées et, pratiquement, l’État et l’administration n’existent plus dans ces zones. En dépit de la présence des forces étrangères redéployées au Niger, la question sécuritaire ne s’est pas améliorée et nous défions quiconque le pense de venir voir ce qui se passe ici.

Et c’est pourquoi, aujourd’hui au Niger, la question de la présence de ces forces étrangères se pose avec beaucoup d’acuité.

Les Nigériens n’ont jamais été d’accord avec la présence de ces forces étrangères, et ces États le savent pertinemment. Ils ne sont pas là pour combattre le terrorisme. Regardez au Mali : en 2013, les terroristes étaient seulement dans la région de Kidal mais, huit ans après, ils sont au niveau du Burkina Faso et du Niger.

Alors ces forces d’occupation ne dupent personne. En plus qu’il n’y a aucun résultat, le débat n’a jamais été posé sur la table : qui finance les terroristes ? Qui les arme ? Qui les entraîne ?

Nos propres armées sont capables de faire face à ces gens-là si elles sont bien équipées. Au début de son mandat, le président de la République avait dit qu’on n’avait pas besoin de la présence de ces forces étrangères au sol, seulement d’équipement en matériel et en renseignement. Depuis, il est revenu sur sa décision… Nous nous estimons que personne ne peut venir défendre nos territoires à notre place.

La seule solution c’est la souveraineté de nos États. Le Burkina Faso et le Mali cherchent à se libérer mais notre pays est complètement sous tutelle. Pour mettre fin à cette guerre, il faut que les forces d’occupation quittent le territoire, que nos forces armées soient bien équipées, mais aussi qu’on revoie la question de la gouvernance. Parce que tout cela est aussi une affaire de pauvreté. C’est un plaisir pour personne que d’être dans ces réseaux terroristes. Alors si ces jeunes qui sont recrutés avaient un minimum de conditions matérielles, ils ne seraient pas obligés d’être manipulés. Donc ce n’est pas avec ce régime corrompu qui a été mis en place par la France que nous allons arriver à mettre fin à la guerre contre les terroristes.

Le 8 juillet à Berlin se tiendra une conférence contre la guerre et vous faites partie des signataires de l’appel international « Halte à la guerre ! ». Pourquoi était-il important de soutenir cette initiative ?

Nous avons signé l’appel « Halte à la guerre ! » parce que nous estimons d’abord que la guerre est la plus grande bêtise humaine et que rien ne peut justifier la guerre. Ça c’est très clair. Et aujourd’hui tout le

monde a compris que derrière la guerre, il y a les enjeux capitalistes et impérialistes. Partout où il y a les guerres, ce sont les travailleurs et les peuples qui souffrent et qui font les frais de la guerre alors qu’une poignée d’individus s’enrichit sur la sueur et le sang versés par les populations pauvres au travail ou sur le front. C’est pourquoi nous disons halte à la guerre !

Partout à travers le monde, qu’il s’agisse de la guerre russo-ukrainienne, des guerres dans la région du Sahel et dans tous les pays du monde. Aussi nous estimons que cette conférence à toute sa raison d’être. Ensemble nous devons combattre et trouver les mécanismes pour mettre fin à la guerre.

Source:https://infos-ouvrieres.fr/2023/07/10/niger-nous-estimons-que-personne-ne-peut-venir-defendre-nos-territoires-a-notre-place/

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