
Une précédente victime de Taha O., le meurtrier présumé de Philippine, la jeune étudiante retrouvée samedi 21 septembre au Bois de Boulogne, a envoyé une lettre à l’AFP. L’agence a authentifié le courrier et l’a rendu public dimanche 29 septembre. Alors que la question des OQTF a été mise en avant par l’extrême droite, c’est celles de la récidive et des moyens de sa prévention que pointe l’autrice de la missive.
Par Julia HAMLAOUI.
« Philippine aurait pu être ma sœur. Je ne peux être sa voix, je ne suis que la mienne. La parole que je porte se joint à celle des femmes qui ont lutté et luttent encore aujourd’hui contre les violences sexistes et sexuelles. » Ces mots sont ceux de « la première victime de Taha O. », meurtrier présumé de la jeune étudiante retrouvée samedi 21 septembre au Bois de Boulogne, couchés dans une lettre envoyée à l’AFP et authentifiée par l’agence qui l’a rendue public dimanche 29 septembre. Alors que l’extrême droite s’est jetée, tel une nuée de charognards, sur cette affaire dans laquelle le suspect était sous le coup d’une OQTF pour désigner une fois de plus les migrants à la vindicte, l’autrice de la missive qui a requis l’anonymat envoie un tout autre message.
« Quand bien même cette OQTF aurait été respectée, quels dispositifs de coopération internationale existent pour prévenir la récidive de crimes sexistes et sexuels de criminels expulsés ? Notre fraternité, notre humanisme, ne peut pas s’arrêter aux portes de nos frontières », écrit-elle. Si elle estime que « les raisons de ce dysfonctionnement (la non-exécution de l’OQTF) devront être éclaircies et ces failles corrigées », elle juge que « ces questions ne doivent cependant pas oblitérer la question primordiale de la prévention de la récidive ».
« Le lancement d’une commission d’enquête sur la prévention de la récidive »
« La dangerosité de Taha O. était connue, rappelle-t-elle. Un homme qui viole une femme est dangereux. Qu’il soit inconnu de sa victime ou son mari, qu’il soit étranger ou français, que le viol ait eu lieu dans une forêt ou dans un appartement conjugal. Le viol est un crime. Il est le radical de la violence, il contient en son sein une négation de l’autre, de son droit à être et à exister. »
Constatant avoir « tout fait pour que ce qui (lui) est arrivé ne se répète pas » et que « la justice a été faite », son agresseur ayant « été condamné à la peine quasi maximale encourue pour ce type de crime commis par un mineur et a été incarcéré », elle demande « le lancement d’une commission d’enquête sur la prévention de la récidive dans les cas de crimes sexuels et sexistes ». Car « immédiatement après sa libération, il aurait récidivé et commis l’irréparable. Si tel est effectivement le cas, pourquoi ? Pourquoi le système pénitentiaire a-t-il failli à prévenir cette récidive ? Pourquoi n’a-t-on pas su arrêter cette escalade de la violence jusqu’au meurtre d’une jeune femme ? »
« Il me semble essentiel que nous nous interrogions collectivement sur l’effectivité des moyens mis en place et ceux à créer pour que ce qui est arrivé ne se reproduise plus », ajoute-t-elle listant une série de points essentiels : « Quelles mesures de prévention de la récidive sont prévues et effectivement mises en place dans les centres de détention ? Quel est l’impact de la détention dans la réduction des risques de récidives ? Quels programmes d’accompagnement à la réinsertion sont prévus ? »
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La lettre dans son intégralité
« Je suis la première victime de Taha O. Je pense à Philippine et à sa famille, et je suis immensément triste. J’aimerais les réconforter, la réconforter, mais je ne fais face qu’au vide insupportable laissé par sa mort.
J’ai tout fait pour que ce qui m’est arrivé ne se répète pas. J’ai porté plainte pour que le viol que j’ai subi soit nommé et reconnu, que mon agresseur soit reconnu coupable et moi, victime. J’ai tenu bon pendant les deux ans d’enquête, d’instruction et de procès en me disant que ma démarche protégerait d’autres femmes.
La justice a été faite, mon agresseur a été condamné à la peine quasi maximale encourue pour ce type de crime commis par un mineur et a été incarcéré. Immédiatement après sa libération, il aurait récidivé et commis l’irréparable. Si tel est effectivement le cas, pourquoi ? Pourquoi le système pénitentiaire a-t-il failli à prévenir cette récidive ? Pourquoi n’a-t-on pas su arrêter cette escalade de la violence jusqu’au meurtre d’une jeune femme ?
La dangerosité de Taha O. était connue. Un homme qui viole une femme est dangereux. Qu’il soit inconnu de sa victime ou son mari, qu’il soit étranger ou français, que le viol ait eu lieu dans une forêt ou dans un appartement conjugal. Le viol est un crime. Il est le radical de la violence, il contient en son sein une négation de l’autre, de son droit à être et à exister.
Une obligation à quitter le territoire français (OQTF) avait été émise à l’encontre de mon agresseur.
Celle-ci n’a pas été exécutée. Les raisons de ce dysfonctionnement devront être éclaircies et ces failles corrigées. Ces questions ne doivent cependant pas oblitérer la question primordiale de la prévention de la récidive. Quand bien même cette OQTF aurait été respectée, quels dispositifs de coopération internationale existent pour prévenir la récidive de crimes sexistes et sexuels de criminels expulsés ? Notre fraternité, notre humanisme, ne peut pas s’arrêter aux portes de nos frontières.
Je souhaiterais le lancement d’une commission d’enquête sur la prévention de la récidive dans les cas de crimes sexuels et sexistes. Quelles mesures de prévention de la récidive sont prévues et effectivement mises en place dans les centres de détention ? Quel est l’impact de la détention dans la réduction des risques de récidives ? Quels programmes d’accompagnement à la réinsertion sont prévus ? Il me semble essentiel que nous nous interrogions collectivement sur l’effectivité des moyens mis en place et ceux à créer pour que ce qui est arrivé ne se reproduise plus.
Philippine aurait pu être ma sœur. Je ne peux être sa voix, je ne suis que la mienne. La parole que je porte se joint à celle des femmes qui ont lutté et luttent encore aujourd’hui contre les violences sexistes et sexuelles. »
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