
Rappel des faits : Le 26 juillet, un coup d’État militaire est advenu au Niger. La France, les USA, la Cédéao, l’Union africaine… menacent de sanctions économiques et d’une intervention militaire si le président Bazoum ne revient pas rapidement au pouvoir. La population nigérienne est descendue massivement dans la rue ces derniers jours pour dénoncer les ingérences extérieures. Le gouvernement militaire de Guinée a dénoncé les sanctions économiques de la Cédéao et, quant au Burkina Faso et au Mali, ils menacent conjointement d’intervenir militairement pour défendre le pays en cas d’intervention de la Cédéao.
Comment la CGT-B analyse-t-elle cette situation ?
Moussa Diallo : Il faut commencer par condamner sans appel la recrudescence des coups d’État, aussi bien militaires que constitutionnels, en Afrique de l’Ouest en général et particulièrement dans la bande sahélo-saharienne. Soyons clairs et précis : la CGT-B condamne par principe le coup d’État militaire advenu au Niger. Comme vous le savez bien, les coups d’État sont des complots militaires ou civilo-militaires dont les objectifs sont inconnus généralement des peuples. Bien plus, l’impérialisme les utilise souvent pour briser l’élan de lutte des peuples pour un changement radical en leur faveur. Nous pensons que ce qui se passe au Niger est l’expression des rivalités interimpérialistes pour des positionnements géostratégiques et le contrôle des richesses minières et minéralières du Niger. Il y a donc une sorte de guerre par procuration qui se prépare contre le peuple nigérien. Et nous ne saurions soutenir ni les putschistes ni accepter les sanctions et les menaces d’intervention militaire de la Cédéao pour soi-disant rétablir le pouvoir légitime de Mohamed Bazoum. Nous sommes par principe contre les ingérences étrangères dans les affaires intérieures des États. C’est pourquoi nous ne cautionnons pas les sanctions prises par l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine– Ndlr) et la Cédéao contre le Niger, car leurs conséquences seront désastreuses pour les travailleurs et le peuple nigériens. De ce point de vue, nous exigeons la levée immédiate et sans conditions des sanctions iniques et injustes contre le Niger qui ne feront qu’amplifier les souffrances des populations qui subissent déjà les affres des attaques terroristes.
Au Burkina Faso, près de 40 % du territoire est contrôlé par des groupes terroristes et la reconquête de ces territoires est la mesure prioritaire du gouvernement du capitaine Ibrahim Traoré : Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), taxes additionnelles sur divers produits de consommation, achat de nouveau matériel militaire… Comment se traduit cette politique sur le terrain et pour les travailleurs ?
Nous commençons par faire observer que le gouvernement avait sollicité l’accompagnement de l’unité d’action syndicale (UAS), à laquelle appartient la CGT-B, pour le prélèvement de 1 % des salaires par mois et l’application de nouvelles mesures fiscales comme effort de guerre. L’UAS avait en son temps signifié clairement aux autorités de la transition qu’elle ne saurait les accompagner dans la prise de mesures qui vont précariser davantage les conditions de vie et de travail des travailleurs en particulier et des populations en général. Elle avait suggéré au gouvernement de la transition d’orienter ses efforts dans le recouvrement des restes à recouvrer (Rar) qui remontaient à plus de 1 000 milliards de francs CFA, dans le recouvrement des créances de l’État dues par des dignitaires des régimes précédents (notamment par des anciens ministres et députés), la lutte contre la fraude fiscale et douanière, etc.
Par ailleurs, l’UAS avait suggéré au gouvernement de la transition d’organiser et de former les populations dans les différents villages et de les doter en moyens afin que celles-ci puissent s’autodéfendre. Nous faisons malheureusement le constat que le gouvernement a décidé du recrutement de VDP et de l’institution de nouvelles taxes qui viennent renchérir les prix des produits soumis à ces nouvelles taxes. Ces taxes additionnelles sont antisociales et anti-travail- leurs et vont certainement davantage détériorer les conditions de vie des populations qui sont les premières victimes de la crise sécuritaire. Du reste, l’application des nouvelles taxes sur les prestations des téléphonies mobiles a été contestée par les populations comme des mesures qui aggravent leur misère.
L’inflation a significativement augmentée, au moins depuis la crise du Covid-19, et s’est renforcée avec la guerre russo-ukrainienne, deux exportateurs majeurs de céréales, d’engrais ou d’hydrocarbures… L’augmentation des prix se répercute sur l’ensemble des consommations. Par exemple, le 8 août prochain, une association de consommateurs burkinabés appelle pour la deuxième fois au boycott des télécoms (Orange, Moov, Telecel) pour dénoncer les prix de communication excessifs. Dans ce contexte économique tendu, comment se déroulent les négociations salariales des travailleurs du Burkina Faso pour le rattrapage de la perte de pouvoir d’achat ?
Nous tenons à préciser que depuis la prise du pouvoir par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), aucune négociation salariale directe n’est encore ouverte entre le gouvernement et nos organisations. À l’occasion de la commémoration du 1er mai en 2022 et en 2023, nous avons transmis au gouvernement deux plates-formes revendicatives qui synthétisent les préoccupations des travailleurs et dans lesquelles figure en bonne place l’augmentation du pouvoir d’achat des populations dans ce contexte de renchérissement continu du coût de la vie. Le gouvernement nous a transmis ses réponses aux revendications de l’année 2022 et a annoncé que des négociations vont s’ouvrir très prochainement sur ces revendications. Pour ce qui est des revendications de 2023, nous attendons toujours les réponses du gouvernement. Dans tous les cas, nous aviserons en temps opportun.
Voulez-vous ajouter quelque chose ?
Nous voudrions vous remercier de nous avoir donné la parole dans les colonnes de votre journal pour parler de la situation difficile que vivent les peuples de la sous-région ouest-africaine.
Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/08/11/nous-exigeons-la-levee-des-sanctions-injustes-contre-le-niger/