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Jugeant les conditions du dialogue social non remplies, une intersyndicale réunissant CGT, FSU, FO et Solidaires a boycotté la réunion de concertation organisée le 21 mai par le ministre de la Fonction publique autour de son projet unanimement contesté.
Par Hayet KECHIT.
Côté pile : des concertations menées au pas de charge. Côté face : des sorties médiatiques provocantes, censées « lever des tabous », à contre-courant de ces échanges. « La méthode Guerini » ne passe décidément pas auprès des fédérations de fonctionnaires.
Un mois et demi après une première réunion multilatérale, jugée stérile, où le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a tenté d’avancer ses pions sur son projet de réforme unanimement rejeté par les organisations, quatre des huit syndicats de fonctionnaires – CGT, FSU, FO, Solidaires, représentant plus de 50 % des agents – ont donc décidé de boycotter la nouvelle réunion multilatérale, convoquée par Stanislas Guerini, mardi 21 mai.
Jugeant que « les conditions d’un dialogue social » ne sont pas réunies, leurs représentants, qui ont affiché un front commun, ont détaillé leurs griefs, lors d’une conférence de presse organisée, à l’heure même où se tenait cette réunion, rue de Grenelle.
« Stratégie de coups médiatiques »
« Nous refusons de servir de caution à un simulacre de concertation que le ministre ira, fidèle à sa stratégie de coups médiatiques, commenter dans les médias en sous-entendant avoir obtenu de notre part un prétendu consensus ! » a asséné Céline Verzeletti, secrétaire confédérale à la CGT, qui a ouvert les échanges.
De consensus, il est en effet loin d’être question, depuis le lancement, le 9 avril, de ces réunions bilatérales et multilatérales. Les premières propositions mises sur la table par Stanislas Guerini, entre deux déclarations clivantes distillées dans les médias, franchissent toutes les lignes rouges aux yeux de syndicats encore échaudés par la loi du 6 août 2019, dont ils continuent de dénoncer les répercussions désastreuses sur les conditions de travail des agents.
« L’ensemble des représentants syndicaux, y compris ceux qui se sont rendus à cette réunion (notamment la CFDT et l’Unsa – NDLR), ont fait savoir qu’ils n’étaient pas demandeurs de cette nouvelle réforme à laquelle ils sont farouchement opposés », a déclaré Gaëlle Martinez, déléguée générale de Solidaires.
À l’unisson, Céline Verzeletti a dénoncé des « annonces inacceptables », tandis que son homologue de Force ouvrière, Christian Grolier, s’est insurgé contre ce « projet de loi menaçant les fondamentaux du statut général des fonctionnaires et les principes fondateurs de la fonction publique », tels qu’ils ont été pensés par Maurice Thorez, en 1946.
Facilitation des licenciements pour « insuffisance professionnelle », élargissement de la rémunération au mérite, immixtion d’un système managérial calqué sur le privé, suppression des catégories A, B et C… autant de petites bombes contenues entre les lignes dans les « documents PowerPoint » transmis par Stanislas Guerini aux syndicats, « dans un flou savamment entretenu », et commentées dans la presse comme si elles tenaient du fait accompli.
« Stanislas Guerini prétend s’appuyer sur un diagnostic partagé. C’est, à l’inverse, un déni des réalités de la fonction publique et des enjeux considérables auxquels elle est confrontée », a pointé Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. Et le syndicaliste de rappeler la difficulté à recruter des personnels dans des domaines cruciaux comme l’éducation et la santé, mais aussi la dévalorisation des métiers et la perte croissante de sens de ces derniers pour les agents.
« Il y a un problème de crédibilité »
« Face à ces défis colossaux, on nous propose quelques leviers managériaux pour renforcer la subordination des agents à coups de primes au mérite. Ces mesures, en plus d’être nocives, ne sont pas à la hauteur des enjeux », a renchéri Benoît Teste qui, comme ses homologues, a dénoncé l’impasse faite sur la question centrale des salaires pour les 5,7 millions d’agents œuvrant dans les trois « versants » de la fonction publique – d’État, territoriale et hospitalière.
« Le ministre se targue de vouloir redonner de l’attractivité et, dans le même temps, entérine un plan drastique d’économies budgétaires. Il y a un problème de crédibilité », a ironisé Christian Grolier, dénonçant le gel du point d’indice, dont les dernières augmentations ont été loin de compenser l’inflation. « M. Guerini ferait mieux de s’occuper des conditions de travail et des salaires, alors que se profile pour 2024 une année blanche sans revalorisation », a résumé Gaëlle Martinez.
Un sujet au cœur des revendications de l’intersyndicale, qui exige, par ailleurs, comme préalable à toute négociation, un « calendrier réaliste » à la hauteur des séismes annoncés – la fin des concertations étant, à ce jour, prévue pour le 20 juin, dans la perspective d’une présentation du texte en Conseil des ministres à l’automne –, ainsi qu’une réorientation des échanges sur des « bases saines, non dictées par les coups médiatiques, respectueuses des organisations syndicales ».
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