
Nouvelle-Calédonie-Kanaky. L’insoumission.fr et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières.
Il y a un an, Macron imposait la loi sur le dégel du corps électoral, provoquant une crise économique et sociale sans précédent en Kanaky, menant à des révoltes durant lesquelles les méthodes brutales des forces de l’ordre envoyées par Emmanuel Macron coûtaient la vie de 14 personnes. Pour leur rendre hommage, une marche a été organisée à Houaïlou le 13 mai, en présence de Mathilde Panot et Bastien Lachaud, députés LFI, venus en Kanaky pour échanger avec la population et « faire un état des lieux, social, économique et sanitaire, un an après le passage en force de Macron ».
En juin 2025, cela fera un an que les militants Christian Tein du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) et ses camarades de la CCAT (Cellule de Coordination des Actions de Terrain) sont détenus, sans jugement, à 20 000 kilomètres de chez eux à la prison de Mulhouse. Ce lundi 12 mai, une délégation composée de députés LFI, de syndicalistes FO, CGT, et de membres du Cicr (Comité international contre la répression), s’est rendue aux portes du Ministère de la Justice pour porter les exigences de la pétition « pour la libération de Christian Tein, et ses camarades de la CCAT » (pétition initiée par le Cicr et dont Informations Ouvrières s’est faite l’écho).
Après quatre courriers adressés au Garde des Sceaux par le Cicr, restés sans réponse, Jérôme Legavre, député LFI, Olga Nassele, militante kanak et compagne de Christian Tein, Kévin Crépin, secrétaire de l’UD CGT de la Somme, Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC-FP-FO, François Trinquet, secré-taire de l’UD FO des Hauts-de Seine, Miguel Martinez, secrétaire du Comité international contre la répression (Cicr) et Gérard Bauvert président d’honneur du Cicr, se sont heurtés à une porte close du côté du ministre également. La délégation a donc tenu une conférence de presse à l’Assemblée Nationale le jour même, à laquelle se sont également joints les députés LFI Nadège Abomangoli et Eric Coquerel, ainsi qu’Astrid Petit, membre de la commission exécutive de la fédération CGT de la Santé, pour faire état de la campagne pour la libération des prisonniers politiques kanaks. Nous en publions ici des extraits. Notre article.
Nouvelle-Calédonie-Kanaky : « Un continuum colonial qui brise des militants pour briser toute solution d’indépendance », selon Nadège Abomangoli (LFI)
Miguel Martinez, secrétaire du Cicr : « Il s’agit d’un chantage d’Etat »
« Il est maintenant établi que les accusations portées contre les militants de la CCAT n’ont jamais eu aucune réalité. Il s’agit donc d’un chantage, d’un chantage d’État. (…) Les faits sont ceux-ci : le gouvernement de l’État français – ce qu’il faut bien appeler un Etat colonial – a procédé à l’enlèvement – en juin 2024 – du responsable de la CCAT et futur Président du FLNKS et de onze de ses camarades. Il les a jetés dans des avions, entravés, les a séparés de leur pays, de leur famille, de leurs amis et camarades. Tout cela avait été largement préparé. Le gouvernement français continue de les tenir séquestrés depuis onze mois sans jugement.
Il a placé Christian Tein dans un quartier de haute sécurité, comme s’il était un terroriste. Le gouvernement français s’est donc arrogé le pouvoir discrétionnaire et exorbitant – alors que nous vivons dans un Etat de Droit – ou prétendu tel – de détenir des dirigeants et mi-litants politiques (…) Cela suffit ! Nous prenons ici la parole pour exiger du gouvernement la libération immédiate des prisonniers politiques Christian Tein, président du FLNKS et de ses compagnons de la CCAT ! »
Kévin Crépin, secrétaire de l’Union Départementale CGT de la Somme : « Un gouvernement qui méprise les libertés depuis très longtemps »
« Nous avons pris position pour la libération de Christian Tein et de ses camarades car on estime que c’est notre responsabilité, la responsabilité collective des syndicats de s’exprimer en solidarité très nette avec ces prisonniers politiques. On ne peut pas fermer les yeux sur ce que le gouvernement fran-çais est en train de faire en notre nom en Nouvelle-Calédonie. On sait que la colonisation a été le labo-ratoire de toute une série de mesures, de toute une série d’exactions.
On constate aujourd’hui que la brutalité de la répression est en train de continuer en Nouvelle-Calédonie. C’est à mettre en parallèle avec un gouvernement qui méprise les libertés depuis très longtemps. (…) Nous sommes, en tant que syndicalistes, profondément attachés aux libertés, à la liberté de revendiquer et au droit, évidemment, à l’autodétermination (…) Et c’est bien de cela dont il est question, c’est la tentative du gouvernement d’empêcher le peuple kanak de disposer librement de son droit à l’autodétermination. »
Pour aller plus loin : « En Calédonie, la paix maintenant ! » – L’appel de Jean-Luc Mélenchon pour une solution politique pacifique

Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC-FP-FO : « Un combat pour la démocratie »
« Ma fédération a pris position à plusieurs reprises pour la libération de Christian Tein et des prisonniers politiques kanak. Cela fait un moment que ça dure. Nous considérons que le mouvement ouvrier, les syndicalistes ont toute leur place dans ce combat qui est finalement un combat pour la démocratie. (…) La justice les prive de la présomption d’innocence, de la liberté au nom de la raison d’État, un Etat qui a massacré hier au nom de son empire et qui réprime aujourd’hui à Mayotte, en Martinique, en Guadeloupe, en Kanaky.
Un Etat qui n’hésite pas à mettre les moyens pour perpétuer un système de domination : rappelons qu’en Kanaky, en ce moment même ce sont 2600 gendarmes et membres du RAID qui sont déployés. Une véritable armada, qui, si l’on rapporte ce chiffre à la population de l’Hexagone, correspondrait à 650000 membres des forces de l’ordre dans l’Hexagone ! C’est insupportable. (…) »
Gérard Bauvert, président d’honneur du Cicr : « Les Peuples n’ont pas à demander d’autorisation à quiconque »
« Il se trouve qu’en pensant à Christian Tein et à ses camarades, je pensais à Abdelkader, à Toussaint Louverture, à Messali Hadj, je pensais aussi à tous les prisonniers du GONG de Guadeloupe (Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe, ndlr), à ceux de Martinique, à ceux de la Réunion. Je pensais à Pouvanaa a Oopa, qui était député de l’Océan Indien et qui a été déporté. Tous ces gens-là ont été déportés. (…) Christian Tein a ceci de commun avec Toussaint Louverture et quelques autres que j’ai cité, d’être considéré comme un criminel.
Mais (…) il est un colonisé et il lutte pour la liberté de son pays. Et tous les hommes que j’ai cités étaient colonisés et luttaient pour la liberté de leur pays. Finalement, quelle qu’ait été la nature des gouvernements (…) il y a quelque chose de commun. Ce qui fait que comme Cicr nous refusons la raison d’État quel que soit cet Etat. (…) les Peuples n’ont pas à de-mander d’autorisation à quiconque. »
Nadège Abomangoli, députée LFI : « Un continuum colonial qui brise des militants pour briser toute solution d’indépendance »
« Il y a un continuum colonial dans la manière dont sont traités les militants politiques, dans le traitement de la Kanaky, dans le traitement politique et dans le traitement médiatique. Ils ont présenté des militants kanaks comme des sauvages et une grande indulgence à l’égard des milices (…) Nous avons également un récit médiatique qui est complice (…) et à aucun moment on ne rend compte de ce que vivent les familles de celles et ceux qui ont été tués. (…) On sera à vos côtés dans cette situation, celle d’un continuum colonial et qui rappelle aussi – dans la manière dont on déshumanise les kanak – celle dont on déshumanise le peuple palestinien. C’est vraiment un état d’esprit qu’il faut combattre politiquement, syndicalement et sur le terrain. (…).
Nous considérons que Christian Tein et ses camarades sont des prisonniers politiques parce qu’ils por-tent une parole politique dans le cadre de la demande d’autonomie, d’indépendance de la Kanaky. Et pourquoi je parle d’un continuum colonial parce que ce sont des pratiques qui ont existé en France depuis que la colonisation existe. On prend des militants, des voix fortes, on les déporte, loin de leurs terres, loin de leurs familles et amis, on les brise, et on brise ainsi tout espoir de solution politique et d’indépendance. C’est donc une pratique coloniale qui est répétée sous une autre forme par un gouvernement dit démocratique. (…). Mathilde Panot et Bastien Lachaud sont là-bas pour préparer la suite, pour préparer la riposte. »
Eric Coquerel, député LFI : « Une négation des droits de l’homme et des détenus »
« Il faut bien considérer que dans cet emprisonnement à des milliers de kilomètres de chez eux, dans une prison, pas une maison d’arrêt, mais une prison, il y a une souffrance qui leur est infligée qui est d’un autre ordre que celle d’un prisonnier politique qui se trouverait à quelques dizaines ou centaines de kilomètres de chez lui. (…) Ce type d’isolement me stupéfait à la fois dans ce qu’il marque comme caractère néocolonial et aussi comme négation des droits de l’homme et des détenus. »
Jérôme Legavre, député LFI : « Nous ne lâcherons pas sur cette exigence de libération immédiate »
« Cette conférence de presse s’inscrit dans la continuité de notre initiative, qui vise à rappeler – et nous ne lâcherons pas sur cette exigence – cette revendication élémentaire de libération immédiate des détenus politiques kanaks (…). Notre campagne va prendre également la forme d’une campagne financière, parce que ça fait maintenant près d’un an que Christian Tein et ses camarades sont détenus en France. Leurs camarades en Nouvelle-Calédonie se battent dans les pires conditions (…).
Donc on va se battre pour que l’aide nécessaire leur soit apportée – y compris sur le terrain financier – et on va continuer à prendre à témoin l’opinion publique et à s’adresser à ceux qui détiennent la solution entre leurs mains, c’est-à-dire ceux qui sont au pouvoir, c’est-à-dire le gouvernement. Mathilde Panot et Bastien Lachaud sont sur place pour une semaine. Nous savons que la situation sur place est catastrophique. (…). L’un des motifs de leur déplacement est que, d’une part nous n’acceptons pas la situation politique découlant de la décision prise par le gouvernement français de dégel du corps électoral ; et d’autre part nous n’acceptons pas la situation sociale qui s’aggrave sur l’île et dont le peuple kanak subit de plein fouet les conséquences. »
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Source: https://linsoumission.fr/2025/05/14/nouvelle-caledonie-tein-liberation/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/nouvelle-caledonie-kanaky-pour-la-liberation-de-christian-tein-et-ses-camarades-li-fr-14-05-25/