Par Isabelle JAFFRE.
Les salariés du Géant Casino de Brest, fermé fin septembre 2024, ont décidé d’exprimer leur mal-être. L’offre de reprise de E. Leclerc de dernière minute bloque leurs projets de reconversion.
Dix-huit mois que les 97 salariés du magasin Géant Casino de Brest ont la sensation de « se faire balader ». Dix-huit mois aussi qu’ils se taisaient, laissant leurs représentants syndicaux parler. Ce vendredi 3 janvier 2025, ils sont près de 70 à s’être réunis devant leur ancien magasin pour exprimer leur mal-être. « On a continué à faire notre travail. On a attendu un éventuel repreneur en écoutant les différents noms d’enseigne qu’on nous donnait. On a dû tous les faire. Quand on nous a demandé de vider notre magasin, on l’a fait même si c’était dur », explique Anne-Charlotte* devant ses anciens collègues.
Des projets de reconversion stoppés
Cette ancienne responsable du rayon droguerie, parfumerie et hygiène avait enfin réussi à tourner la page au cours de ces derniers mois. Elle devait suivre une formation pour changer de voie vers le secrétariat. « Le dossier était prêt. Tout ça a été stoppé quand la direction de Casino a retenu nos lettres de licenciement ».
On n’a rien contre E. Leclerc mais on était pratiquement tous passé à autre chose
En effet, alors que tous les salariés des magasins non-repris ont reçu leur courrier fin novembre, ceux des salariés brestois ne sont jamais partis. « On a su qu’il y avait un repreneur avec E. Leclerc. Mais nous, on avait déjà fait le deuil de notre magasin », poursuit Louise, une autre salariée de l’accueil et du SAV, trente ans d’expérience au compteur.
« On n’a rien contre E. Leclerc mais on était pratiquement tous passé à autre chose. Depuis juillet, la direction nous forçait même à nous projeter et penser à l’avenir », raconte Lucie*, ancienne salariée du rayon alimentation, qui, elle aussi, avait un projet de reconversion en cours.
Un projet encore flou
Le projet d’une reprise de E. Leclerc n’a donc pas été la bonne nouvelle de la fin d’année. Un projet qui est d’ailleurs encore un peu flou pour ces salariés. En CSE central à Saint-Étienne, le 11 décembre 2024, une ébauche a été évoquée avec 3 000 m² destinés à de l’alimentaire, 295 m² à une parapharmacie et 1 400 m² à un magasin de jouets. Reste 2 800 m² sur les 7 500 m² disponibles.
Tout ce qu’on demande maintenant, c’est d’avoir le choix. Pour une fois !
Une prochaine réunion du CSE central doit se tenir, toujours à Saint-Étienne, le mercredi 8 janvier 2025 avec, peut-être, enfin des réponses pour les salariés brestois. Certains doutent. Ils évoquent 10 M€ de travaux pour remettre en état le magasin. « Les labos, les frigos, les vitrines, les équipements… Tout est à refaire ! »
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« Tout ce qu’on demande maintenant, c’est d’avoir le choix. Pour une fois ! », martèle Justine*. Une demande largement partagée par les autres salariés présents. Car, avec ce projet de reprise sur le gong, c’est la question du PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) qui se pose. Les conditions de départ négociées sont-elles valables pour les salariés brestois ? « Nous estimons que oui, la direction dit que non », récapitule Magali Charnacé, représentante syndicale Unsa.
Ascenseur émotionnel depuis 18 mois
Pour les Brestois, la donne ne serait en effet pas la même en cas d’exclusion du PSE : pas de financement de formation, pas de droit au chômage, etc. « Trois d’entre nous ont trouvé un autre travail. Ils vont devoir revenir avec le projet E. Leclerc ou démissionner sans droit », expose l’élue. Dans la foule des salariés, un homme dit : « On est prisonnier. Pour eux, on n’est qu’un matricule, de toute façon ». Les autres acquiescent. « Cet ascenseur émotionnel, c’est très dur », ajoute Justine. Une cellule psychologique à Brest, obtenu par les syndicats, s’ouvrira d’ici peu. En attendant, les salariés semblent désabusés : « La GMS ne fait pas de cadeaux », résume Anne-Charlotte.
*Les prénoms ont été changés à la demande des salariés.
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