« On est en train de nous laisser pourrir » : ArcelorMittal va-t-il quitter la Côte d’Opale ? (H.fr-26/01/25)

Les syndicats redoutent que le manque d’investissement d’Arcelor dans ses usines de Dunkerque ne précipite leur fermeture. © Bastien CREQUI/REA

Sous-investissement, accidents à répétition, suspension du chantier de décarbonation… À Dunkerque, on craint un désengagement du géant de l’acier. La CGT se prépare à la mobilisation.

Par Ludovic FINEZ.

Dunkerque (Nord), correspondance particulière.

Le 3 janvier, un incendie se déclare sur le site d’ArcelorMittal Dunkerque, précisément dans la cokerie, où travaillent 300 personnes. L’accident a nécessité l’intervention de 65 pompiers, en plus des équipes internes. « Le feu a pris sur une bande qui transporte du charbon, explique Gaëtan Lecocq, secrétaire du syndicat CGT de l’usine. À quelques centimètres près, le feu se propageait aux silos de charbon. On est encore passé par une belle porte. »

« Encore », car les sérieux accidents de la sorte ont tendance à se multiplier. « Il y a deux ans, le dégoudronneur a explosé, poursuit le syndicaliste. À trente minutes près, il y aurait eu sur place une centaine de personnes qui venaient de finir leur poste. En avril 2023, c’est sur le haut-fourneau 4 qu’il y a eu une explosion. La veille, des cordistes intervenaient dessus. » Il voit une cause commune à ces trois événements : le « manque de maintenance », ajoutant que « le personnel de surveillance est en sous-effectif permanent ».

« Les hauts-fourneaux sont dans un état catastrophique et les broyeurs à charbon aussi »

« On est en train de nous laisser pourrir », lâche-t-il écœuré. Gaëtan Lecocq dénonce un manque d’investissements, au point que « les hauts-fourneaux sont dans un état catastrophique et les broyeurs à charbon aussi ». La direction vante dans un communiqué interne de novembre dernier un investissement de « 165 millions d’euros pour la réparation majeure du haut-fourneau 4 », précisant que ce dernier, aujourd’hui à l’arrêt, doit démarrer le 15 avril.

« Début 2024, on nous avait promis une rénovation pour le prolonger jusqu’à 2040, rétorque le représentant CGT. Finalement, on y met une rustine pour qu’il tienne, dans le meilleur des cas, jusqu’à 2029. » Selon le même communiqué d’ArcelorMittal France, le « programme de décarbonation (…) n’est pas arrêté ».

« Néanmoins au vu du contexte économique et financier européen, les décisions finales d’investissement n’ont pas encore été prises », nuance-t-il. Pourtant, le 15 janvier 2024, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, avait signé sur place une convention de financement prévoyant jusqu’à 850 millions d’euros d’aides d’État, validées à l’été 2023 par la Commission européenne, sur le 1,8 milliard d’euros d’investissements programmés dans le domaine à Dunkerque.

« Une lutte difficile mais déterminante »

Tous ces éléments font douter de la volonté d’ArcelorMittal de maintenir ses deux sites voisins, l’aciérie de Dunkerque et le laminage à froid de Mardyck, qui emploient au total plus de 6 000 salariés, sous-traitants réguliers compris. Et c’est pour engager le combat contre un possible départ du numéro deux mondial de l’acier que la CGT du Nord a tenu, ce 23 janvier, un meeting ayant réuni plus de 200 personnes à Dunkerque. « Une lutte certainement difficile, longue mais déterminante pour le Dunkerquois, la région et toute l’industrie française », tant « la sidérurgie est une colonne vertébrale », commente Fabien Roussel, invité à intervenir sur scène.

« Si cela doit passer par une nationalisation, nous le ferons, comme dans les années 1980 avec Usinor », lance le secrétaire national du PCF. Aurélie Trouvé, députée FI, approuve la nécessité de sauvegarder « la souveraineté nationale industrielle » et de s’opposer à « l’organisation (par ArcelorMittal) d’un sous-investissement massif pour délocaliser petit à petit au Brésil, aux États-Unis et en Inde ». La présidente de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, devant laquelle le président d’ArcelorMittal France, Alain Le Grix de La Salle, a été auditionné la veille, pointe la responsabilité de « tous ces gouvernements libéraux qui organisent volontairement l’inaction de l’État ». Par message vidéo interposé, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, en appelle notamment à une « planification de la réindustrialisation » pour contrecarrer « la rapacité des multinationales ».

À Fos-sur-Mer aussi, un haut-fourneau à l’arrêt

Le meeting a également permis de vérifier que l’inquiétude chez les salariés d’ArcelorMittal dépasse ses usines dunkerquoises. Ainsi, dans le public, David Blaise, délégué central CGT chez ArcelorMittal centres de services, nous confie qu’une petite partie seulement des 135 salariés des sites de Denain et Reims, promis à la fermeture, seront réellement reclassés.

« Chez nous, cent intérimaires ont perdu leur emploi et nous subissons un plan de 308 suppressions de postes au total », explique au micro Sandy Poletto, secrétaire du syndicat CGT de l’usine de Fos-sur-Mer. Le site, qui compte 4 000 salariés, tourne à la moitié de sa capacité, avec un de ses deux hauts-fourneaux à l’arrêt. Faudra-t-il se passer de la multinationale ? « S’il n’est plus écrit ”Mittal” sur notre bleu de travail mais ”Entreprise nationalisée”, c’est encore mieux », conclut-il.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/arcelormittal/on-est-en-train-de-nous-laisser-pourrir-arcelormittal-va-t-il-quitter-la-cote-dopale

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/on-est-en-train-de-nous-laisser-pourrir-arcelormittal-va-t-il-quitter-la-cote-dopale-h-fr-26-01-25/

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