
Au Casino de Paris, mardi 24 juin 2025, les milliardaires d’extrême droite ont réuni sur scène Jordan Bardella, Sarah Knafo, Marion Maréchal ou encore Éric Ciotti. Au programme : éloge de CNews, apologie de Javier Milei et haine des étrangers.
Par Lina RHISSI .
« Ça fait du bien de pouvoir exprimer ce que l’on pense. Merci au JDD, à CNews, à Europe 1 d’être les promoteurs de cette liberté ! », lance Éric Ciotti, ex-figure de la droite qui incarne désormais l’alliance avec l’extrême droite. Ce mardi 24 juin 2025, la scène du Casino de Paris accueillait un grand raout rassemblant tout le gratin de l’extrême droite, ouvert au public moyennant 29,90 euros. « C’est spécial, on n’avait jamais vu ça », glisse une ouvreuse, salariée de la salle du 9ème arrondissement, plutôt habituée aux comédies musicales ou aux spectacles d’humour.
La salle de concert parisienne appartient depuis 2023 au magnat d’extrême droite Vincent Bolloré. Il a décidé de s’en servir. Cette soirée intitulée « Sommet des libertés » a été organisée par le milliardaire breton, à travers son nouvel hebdo le JDNews, et le milliardaire catho-réac Pierre-Édouard Stérin, via son projet Périclès. Les organisations ultra-libérales : Contribuables associés et l’Institut sapiens, étaient aussi co-organisatrices, tandis qu’une myriade de structures réactionnaires, souvent aidées financièrement par Pierre-Édouard Stérin, étaient partenaires. Parmi ceux qui ont payé leur place – pour la plupart en chemise et en robe – de nombreux militants du Rassemblement national (RN).
Des organisations ultra-libérales comme Contribuables associés, asso soutenue par le réseau Atlas, étaient co-organisatrices de cet événement qui a attiré un grand nombre de libéraux réactionnaires. / Crédits : Lina Rhrissi
StreetPress a croisé des membres du collectif fémonationaliste Némésis. Ici, leur porte-parole Anaïs (à gauche) et Yona Faedda (à droite). / Crédits : Lina Rhrissi
Christophe, Parisien de 26 ans qui travaille dans la finance, attend particulièrement Sarah Knafo, députée européenne, bien qu’elle soit d’un autre parti (Reconquête). « C’est une tête ! » StreetPress a aussi croisé des membres du collectif fémonationaliste Némésis. « On connaît pas mal de monde aussi et on est venues voir si on peut recruter des militantes », dit Anaïs, la porte-parole du collectif d’extrême droite se revendiquant « féministe ».
Le général de Gaulle n’a rien demandé
Pour donner le ton, le show commence à 20h30 avec une présentation de l’ancien ministre de l’Éducation de droite Luc Ferry, en guerre contre le « wokisme », qui viendrait des États-Unis, « armée secrète de l’islamo-gauchisme ». Puis, le public a eu droit à une série de débats de 20 minutes, plus ou moins barbants, sur des thèmes comme le coût des syndicats et des retraites, le bitcoin ou le libéralisme conservateur. L’occasion pour le cofondateur du parti mileiste français, un certain Romain Dominati, de faire l’apologie de la « tronçonneuse » du président argentin d’extrême droite Javier Milei, symbolisant les coupes brutales dans les dépenses publiques. Ou encore, pour l’essayiste Laetitia Strauch-Bonart, adepte de Bruno Retailleau, de lancer :
« Si de Gaulle était vivant aujourd’hui, je pense que lui-même reconnaîtrait que l’État prend une place trop importante. »
La droite, de moins en moins gênée de fréquenter l’extrême droite, était représentée avec les députés Les Républicains (LR) Philippe Juvin et Anne-Laure Blin, et le centre avec le député Charles de Courson du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). Selon L’Humanité, cette « OPA hostile sur les libéraux » visait à réaliser « l’union des droites » prônée de longue date par Vincent Bolloré, également souhaitée par Pierre-Édouard Stérin, au nom du libéralisme. Les thèmes économiques des échanges n’auront pas empêché un homme dans le public de crier « Immigration ! » en pleine discussion sur les raisons de la croissance en berne.
Peu de fans des cotisations sociales à cette soirée. / Crédits : Lina Rhrissi
Mais puisqu’on vous dit qu’ils n’ont jamais la parole ! / Crédits : Lina Rhrissi
Sarah Knafo en symbiose avec la fachosphère
Autour de 22h, le moment tant attendu par l’audience d’un millier de spectateurs, en sueur pour cause de canicule, arrive enfin. Un « grand oral » mené par la présentatrice de CNews Christine Kelly avec les potentiels futurs candidats d’extrême droite à la présidentielle de 2027. À l’applaudimètre, la star de la soirée était Sarah Knafo, membre du parti d’Éric Zemmour Reconquête. La députée européenne a rendu hommage à la fachosphère du réseau Twitter-X, en remerciant les « comptes qui disent qu’on en a marre que les Nicolas payent », « parce que c’est grâce à des gens comme eux qu’on va gagner la bataille culturelle ». Le mème « Nicolas », auquel fait référence l’élue d’extrême droite, illustre l’idée raciste selon laquelle les Français blancs travailleraient tandis que les étrangers et les Français racisés profiteraient des aides sociales. Et de reprendre le langage des trolls de la haine en ligne, sous les ovations du public :
« Une entreprise qui embauche un banlieusard c’est encore Nicolas qui paye. »
À LIRE AUSSI : Christine Kelly, la présentatrice carriériste préférée de l’extrême droite
Celui dont il ne faut pas prononcer le nom (Bolloré)
Pour défendre CNews, l’énarque rapidement passée par la Cour des comptes affirme : « Nous n’avons ni les institutions ni les subventions, mais nous avons le courage et la liberté. » La députée européenne ne nomme jamais Vincent Bolloré, qui détient la chaîne d’extrême droite depuis son rachat du groupe Canal+ en 2014. Son empire médiatique et les milliards qu’il y injecte pour faire remporter ses idées ne sont, eux non plus, jamais explicités.
Avant elle, Jordan Bardella, le président du RN, a répété son discours habituel. Sa solution pour garantir la liberté ? « Un référendum sur l’immigration. » Une autre idée ? « Fermer l’Arcom et rouvrir C8 ! », dit-il en référence à la décision du régulateur de l’audiovisuel de ne pas renouveler l’autorisation sur la TNT de la chaîne en 2024 après de nombreuses mises en garde.

Chauve qui peut. / Crédits : Lina Rhrissi
Surprise, Jordan Bardella a parlé d’immigration. / Crédits : Lina Rhrissi
Même son de cloche pour Éric Ciotti de l’Union des droites pour la République (UDR), son nouveau parti allié au RN, avec une attaque contre l’émission Cash Investigation, diffusé le soir même consacré à… Pierre-Édouard Stérin :
« On vit une forme de dictature de la pensée unique, il y a des chaînes du service public qui deviennent des chaînes de propagande. »
Mais rien à voir avec CNews pour celui qui s’est aussi jeté des fleurs pour avoir ouvert la voie de l’union des droites après sa trahison du parti LR lors des dernières élections législatives : « C’était un choix audacieux et je crois courageux. » « La voix de l’espérance, elle est dans le rassemblement de tous ceux qui aiment la France », ose-t-il.
Nicolas Dupont-Aignan de Debout La France enchaîne avec ses diatribes habituelles contre l’Union européenne et les « éoliennes de merde », tandis que Marion Maréchal-Le Pen conclut en appelant à « faire des enfants ». À la fin du « show », les fans de l’extrême droite rejoignent les habitués du milieu qui prennent déjà un verre dans l’avant-salle à dorures du Casino de Paris, dans le confortable entre-soi de cette soirée offerte par Bolloré et Stérin. Les deux milliardaires, eux, n’ont pas fait le déplacement.
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/on-etait-a-la-soiree-de-sterin-et-bollore-qui-veulent-allier-lextreme-droite-a-lultraliberalisme-streetpress-25-05-25/