«On les encercle et on les tape» : la répression des free party continue de se durcir (CA.net-4/09/25)

Malgré la mort de Steve et les mutilations de teufeurs, le gouvernement continue de criminaliser de plus en plus durement les Free Party

L’extrême droite est au pouvoir et elle le montre tous les jours. Par exemple, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déclaré en toute décontraction, sur le plateau de TF1 le 2 septembre : «On regroupe nos forces. Ensuite, on les encercle, et après on les tape…» Il parle des Free Party, contre qui il appelle à une violence encore plus forte de la part de la police, en agitant sa petite main en simulant un coup de matraque. Face à la gêne du présentateur, le ministre se reprend : «On les tape,  façon de dire, on verbalise et on prend les murs de son».

Ces derniers jours, les médias ont organisé une nouvelle campagne contre le mouvement des Free Party. L’une de ces fêtes a lieu près du village de Coustouge dans l’Aude, et tout a été fait pour criminaliser l’événement, évoquer sa dangerosité, insinuer qu’il pourrait mettre le feu à la végétation. Il n’en est rien, et après 4 jours de musique et de danse réunissant 2500 teufeurs, les véhicules sont repartis. Les seuls fauteurs de troubles ont été quelques agriculteurs d’extrême droite venus provoquer les fêtards et les policiers qui ont saisi le matériel sonore, les groupes électrogènes et effectué «1500 verbalisations». Un vol de milliers d’euros à des gens simplement venus s’amuser dans la nature.

Ainsi, sur TF1, Bruno Retailleau a dit son souhait de criminaliser les Free party, pour qu’elles deviennent «un délit et non pas seulement une contravention» : il veut s’inspirer de la «législation très dure» adoptée il y a trois ans par l’Italie de Giogia Meloni.

Cette déclaration appelant à «taper» les teufeurs est révélatrice d’une violence débridée contre le mouvement de la fête libre. En 2019, Steve mourait noyé dans la Loire à Nantes, le soir de la fête de la musique, parce que la police avait décidé d’arrêter un sound system à coup de grenades et de matraques au bord du fleuve. Ce soir là, des dizaines de personnes avaient été gravement blessées, et aucun policier n’a jamais été condamné pour cela.

Lors du réveillon 2021, une teuf avait été fortement réprimée à Lieuron, engendrant une polémique nationale, une enquête et des arrestations violentes contre les organisateurs. En juin 2021, pour commémorer la mort de Steve, une fête organisée à Redon avait subi un assaut militarisé à coup de grenades explosives en pleine nuit, dans un champ. Un jeune homme avait eu la main arrachée. Des gendarmes avaient été filmés en train de défoncer des enceintes à coup de masse et de hache, comme des soudards détestant la musique. Qu’un ministre puisse dire qu’il faut «encercler» et «taper» sur des participants après des drames aussi terribles en dit long sur la déshumanisation des teufeurs par le pouvoir.

Ces cas emblématiques ne sont pas isolés : toutes les Free party sont désormais réprimées. En juillet dernier, en Lozère, une immense fête avait réuni plus de 12000 personnes. Les forces de l’ordre avait mis en place un dispositif qui a créé le chaos : «Blocage des principaux chemins d’accès, utilisation de gaz lacrymogène et de grenades désencerclantes, tirs de LBD» décrivait le collectif TEKSUD. «Cette politique de blocage des accès a fini par tuer une personne. À chaque fête les forces de l’ordre bloquent la plupart des accès, poussant le public à prendre tous les risques pour accéder au site de la fête : traverser des autoroutes à pied, des cours d’eau en pleine nuit, emprunter des chemins d’accès dangereux, etc.» En effet, une jeune femme est décédée en essayant de rejoindre le site par des chemins dangereux, pour éviter les gendarmes. Ces derniers avaient aussi attaqué des files de véhicule en brisant des vitres et en gazant à l’intérieur.

Le samedi 12 octobre 2024, alors qu’un teknival était organisé dans une friche industrielle de Moselle, située près de la commune de Phalsbourg, un très importent dispositif de maintien de l’ordre est venu gâcher la fête. Le 12 mai 2024, un très important dispositif de police et de gendarmerie avait chargé dans un champ du Maine-et-Loire, pour attaquer une free party réunissant des milliers de teufeurs. Les forces de l’ordre avaient tiré un grand nombre de grenades lacrymogènes et explosives et des balles en caoutchouc. Les préfets prennent presque systématiquement des arrêtés interdisant le transport de matériel sonore, comme si faire la fête était devenu un crime. Depuis 30 ans, cette répression ne fait que s’intensifier.

La criminalisation des fêtes a une histoire. Dès les années 2000, âge d’or de la Rave Party, le pouvoir commence à voir d’un mauvais œil ces grandes réjouissances incontrôlables qui durent parfois des jours et réunissent des centaines de jeunes. En 1995, le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua avait émis une circulaire qui classait les Rave Parties comme «situations à haut risque». Dès lors, la police se lâchait contre les teufeurs. Le 24 octobre 1998, une rave organisée dans un entrepôt désaffecté à Moret-sur-Loing en Seine-et-Marne se termine par des charges, des gardes à vue et des tirs de Flash-Ball. L’arme est alors méconnue, et peu utilisée.

En 2001, juste après les attentats de New York, le Parti Socialiste au pouvoir vote une série de lois sécuritaires – la Loi sur la sécurité quotidienne – visant essentiellement la jeunesse. Un élu de droite, Thierry Mariani, s’engouffre dans la brèche pour ajouter deux mesures répressives. La première, contre «l’occupation des cages d’escalier», vise spécifiquement la jeunesse de banlieue. Et la deuxième s’en prend au mouvement des Rave. Elle permet aux préfets d’interdire ces événements et expose les organisateurs à la confiscation du matériel et à des amendes. Thierry Mariani rejoindra les rangs de l’extrême droite en tant qu’élu du Rassemblement National.

Dès sa nomination au poste de Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy fait de la reprise en main des Free Parties sa priorité, en organisant des festivals technos gérés par la Place Beauvau tout en réprimant ceux qui ne se soumettent pas au jeu. En juillet 2006 l’avion personnel du ministre de l’Intérieur atterrit sur l’aérodrome de Vannes-Meucon, quelques heures après l’organisation d’une rave de 40.000 personnes sur ce site du Morbihan. Le 1er janvier 2011, Marie, 22 ans, est gravement blessée au niveau de la bouche à la suite d’un tir de Flash-Ball lors d’une rave dans la commune de Mesnil-le-Roi dans les Yvelines.

En 2019 une nouvelle offensive législative tente de «renforcer l’encadrement» de ces fêtes, en faisant de tout rassemblement techno non-autorisé un délit. Des arrêtés d’interdiction de transports de matériel sonore sont édictés de plus en plus régulièrement, parfois sur une durée de plusieurs mois, par exemple par la préfecture de la Drôme. La police intervient même sur les bords de Seine pour déloger les fêtards. De fait, la répression des fêtes libres n’a jamais cessé d’augmenter ces deux dernières décennies. Jusqu’à l’envoi désormais récurrent de dispositifs militarisés qui peuvent tuer ou mutiler les teufeurs.

Derrière cette répression acharnée, c’est avant tout une vision du monde disciplinaire qui s’impose à marche forcée : plus aucune joie n’est tolérée, plus aucune fête hors du contrôle de l’État n’est autorisée. La jeunesse doit être mise au pas, de gré ou de force.

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Source: https://contre-attaque.net/2025/09/04/on-les-encercle-et-on-les-tape-la-repression-des-free-party-continue-de-se-durcir/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/on-les-encercle-et-on-les-tape-la-repression-des-free-party-continue-de-se-durcir-ca-net-4-09-25/

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