« On nous demande de fliquer les jeunes » : les missions locales mises en péril par la loi plein emploi (H.fr-15/05/25)

Jeudi 15 mai, à l’appel de la CGT, les travailleurs sociaux des missions locales ont manifesté à Paris pour protester contre la loi plein emploi qui impose aux usagers une inscription obligatoire à France Travail sous peine de sanctions.
© Jc Milhet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Les travailleurs sociaux qui œuvrent pour l’insertion des 15-25 ans ont débrayé le 15 mai. Ils exigent l’abrogation de cette réforme qui détourne de leur vocation sociale ces structures associatives en imposant aux usagers une inscription obligatoire dans les fichiers de France Travail, sous peine de sanctions.

Par Hayet KECHIT.

Si les effets délétères de la loi plein emploi sur les allocataires du RSA ont été abondamment commentés depuis l’entrée en vigueur de la réforme en janvier, ses conséquences sur le sort des jeunes suivis au sein des missions locales sont en revanche passées sous les radars médiatiques. Elles font pourtant peser des menaces tout aussi inquiétantes sur le devenir des missions locales, ces quelque 450 structures associatives à délégation de service public. Réparties dans toute la France, elles ont pour objectif d’informer, d’orienter et d’accompagner des jeunes de 15 à 24 ans en vue de les aider à trouver un emploi, une formation ou un logement, se révélant être parfois, pour les plus vulnérables, le dernier filet de sécurité avant le saut dans la précarité.

Lors de leur journée de mobilisation à l’appel de la CGT, ce jeudi 15 mai, les conseillers œuvrant auprès de ce 1,1 million de jeunes rappellent les enjeux derrière l’intrusion de ces nouvelles règles et alertent sur le bouleversement majeur qui s’annonce dans l’exercice et le sens même de leurs missions.

Réunis sur la place des Invalides, à Paris (7e arrondissement), autour d’un « pique-nique revendicatif » aux côtés de leurs collègues du secteur médico-social – également en grève pour dénoncer la saignée budgétaire –, ces travailleurs sociaux ont convergé depuis toute la France. Ils dénoncent un racornissement de la dimension sociale de leur action au profit du simple accompagnement professionnel guidé par la pression du chiffre, sur fond de baisse drastique des moyens.

Fin du principe de libre adhésion

Les jeunes qui se présentent à eux sont en effet désormais tenus, au même titre que les allocataires du RSA, de se soumettre à une inscription d’office dans les fichiers de France Travail qui donnera lieu à la signature d’un contrat d’engagement leur imposant quinze heures d’activité hebdomadaire, sous peine de sanctions.

Vincent Delvalle, représentant syndical au sein de la fédération nationale des personnels des organismes sociaux dans le secteur des missions locales et lui-même conseiller à la mission locale de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), souligne l’ampleur du décalage entre ces injonctions et les principes guidant leur démarche : « Notre action ne se résume pas à aider les jeunes à trouver un emploi. Elle consiste aussi à recevoir ceux qui sont aux prises avec des difficultés d’ordre social liées au logement, aux ressources, à une situation de rupture familiale. Or, la seule obsession du gouvernement est l’emploi coûte que coûte. »

Avec une conséquence, selon lui, aussi inacceptable qu’absurde : « On doit désormais les interroger sur ce qu’ils ont fait dans la semaine, ils devront répondre à ces contrôles, faute de quoi ils perdront leurs allocations. On devient des flics. Or, ce n’est pas notre métier ! s’insurge le syndicaliste, qui n’a pas l’intention de se plier à ces règles. Je ne vais pas imposer à un jeune qui toque à la porte de remplir un contrat d’engagement s’il ne sait même pas où dormir le soir ! »

Baisse des financements

C’est bien un changement de paradigme que dénoncent les conseillers CGT face à cette loi qui pervertit la vocation même de ces structures créées en 1982 dans l’esprit d’un accueil inconditionnel et fondé sur la libre démarche du public. « Aujourd’hui, un jeune qui se présente dans une mission doit d’abord répondre à des questions sur sa situation sociale et professionnelle. C’est un algorithme qui va ensuite lui dire s’il sera suivi par nos soins ou par France Travail. Le principe de la libre adhésion, c’est terminé », tranche Vincent Delvalle. « Et quid de ceux qui n’ont pas encore de papiers ou sont en cours de régularisation ? Comment pourront-ils remplir ce contrat d’engagement jeune, condition préalable pour accéder à des aides financières ? » interroge le syndicaliste.

Des dérives d’autant plus préoccupantes à ses yeux qu’elles se greffent sur un terrain déjà fragilisé pour ce secteur qui subit de plein fouet la baisse des financements de l’État et des régions, avec des menaces directes sur la pérennisation des emplois précaires, devenus légion dans le domaine social. « On sait d’ores et déjà que les CDD ne seront pas renouvelés l’année prochaine en raison de la saignée budgétaire annoncée dans le secteur », anticipe le syndicaliste. Des décisions prises, selon lui, au mépris des études qui se multiplient alertant sur la dégradation de l’état de santé psychique des jeunes. La dernière en date, publiée le 6 février 2025 par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), avait ainsi posé ce constat glaçant : « Seulement 59 % des collégiens et 51 % des lycéens présentent un bon niveau de bien-être mental. »

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/cgt/on-nous-demande-de-fliquer-les-jeunes-les-missions-locales-mises-en-peril-par-la-loi-plein-emploi

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/on-nous-demande-de-fliquer-les-jeunes-les-missions-locales-mises-en-peril-par-la-loi-plein-emploi-h-fr-15-05-25/

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