« Où est la reconnaissance de nos sacrifices ? » : Xavier Morvant, syndicaliste engagé pour les travailleurs de deuxième ligne (H.fr-16/03/25)

Xavier Morvant, délégué central CGT devant l’abattoir de l’entreprise Bigard à Quimperlé (Finistère).
© Matthieu Chanel

Pendant qu’une majorité des Français était confinée, l’élu CGT continuait de travailler à l’abattoir Bigard de Quimperlé. Il n’a cessé d’œuvrer pour améliorer les conditions de travail et obtenir la reconnaissance de ces collègues, travailleurs de deuxième ligne.

Par Lea DARNAY.

Quimperlé (Finistère), sa ville basse sur les bords de la Laïta, sa ville haute autour de la place Saint-Michel… et son usine Bigard, siège d’une entreprise familiale d’abattage de bétail et de transformation de viande devenue un quasi-monopole agro-industriel dans son secteur, à coups d’acquisitions de concurrents et de rationalisation de la production. C’est à ce capitalisme breton taiseux que l’on doit l’idée des pauses pipi à horaires imposés. Cela pose les conditions de travail.

Voilà vingt-sept ans que Xavier Morvant se rend dans ses vastes hangars gris et blancs. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il crachine, le site ne s’arrête jamais. Pas même en temps de pandémie. Il y a cinq ans, l’ouvrier d’abattoir avait fait partie de tous ces travailleurs dits « de deuxième ligne », non soignants, mais essentiels à la continuité du fonctionnement de l’économie. Et si une nouvelle épidémie se met à se propager dans l’Hexagone, il prendra quand même le chemin de l’usine, comme une bonne partie de ses 1 400 collègues.

L’organisation de l’abattoir chamboulée

Car abattre, découper, conditionner ne se fait pas en télétravail. En mars 2020, il a quand même bien fallu adapter l’espace de travail, avec la mise en place de Plexiglas, de sens de circulation dans les couloirs et de tout un tas d’autres règles. Des mesures sanitaires supplémentaires, très vite mises en place, qui ont chamboulé l’organisation de l’abattoir. « On bosse à la chaîne, comme dans les Temps Modernes avec Charlot, illustre Xavier Morvant. Déjà que ce n’est pas épanouissant, les aménagements n’ont pas arrangé les choses ! »

Là où le travail n’est pas source d’épanouissement, le lien social pallie. Mais, pendant cette période, « c’était compliqué pour beaucoup : on ne pouvait plus se parler avec les installations, ils avaient enlevé des chaises en salle de pause et la peur d’attraper la maladie générait de nombreuses tensions entre salariés ». Seul remède à cette disparition du collectif : les élus syndicaux.

Lorsque le virus s’abat sur le monde, Xavier Morvant est délégué syndical et élu à la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). Adhérent depuis 2012 à la CGT, « au moment où Sarko est arrivé au pouvoir », ironise-t-il, l’homme s’engage avec ténacité dans la lutte « pour améliorer les conditions de travail ». « Dans mon métier, je m’émancipe grâce à l’activité syndicale », témoigne-t-il. Ce qu’il a mis en pratique durant cette période compliquée.

Avant l’apparition du Covid, les masques étaient déjà portés dans les ateliers. Réglementations sanitaires obligent. Cependant, « dès le lendemain de l’annonce du confinement généralisé, il n’y en avait plus. Ils ont continué de fournir seulement trois ateliers où l’enlever n’était pas négociable ». Le délégué a alors bataillé contre cette pénurie, mais aussi pour disposer de laissez-passer.

« On a interdit aux élus d’effectuer leur travail d’intermédiaire avec les salariés, affirme le syndicaliste. Heureusement qu’on a continué à y aller. On a pu constater plusieurs dysfonctionnements. Et on a aussi apaisé les tensions qui évidemment se créaient dans ces conditions particulières. » Ce travail syndical n’est sûrement pas étranger au fait qu’il n’y ait eu que sept cas positifs au siège de Quimperlé reconnus plus tard par la direction.

Un manque de reconnaissance

Ensuite, il a fallu se battre pour la reconnaissance des efforts fournis pendant le confinement. « Ils nous ont mijoté un accord misérable, dénonce Xavier Morvant. Un billet de 15 euros, proratisé par jour de travail pendant le confinement. Finalement, même les salariés ayant travaillé durant la totalité de cette période n’ont touché qu’un maximum de 300 euros. C’est bien moins que les 900 que l’on pouvait espérer ! »

L’ouvrier s’exprime avec amertume. « Déjà que les augmentations se réduisent comme une peau de chagrin d’année en année, ils ont même fait des économies à ce moment alors que leur chiffre d’affaires a explosé durant cette période. Où est la reconnaissance de nos sacrifices ? » La prise en considération de quelques cas de « Covid long » n’est pas non plus allée de soi. « Après un an de bataille, un collègue gravement touché a vu sa maladie reconnue en maladie professionnelle ! » s’exclame avec fierté le syndicaliste.

Depuis la pandémie, le Sud finistérien s’est battu contre un autre fléau : les économies de bouts de chandelle qui améliorent les profits mais dégradent les conditions de travail. Les chaînes de production se sont considérablement mécanisées. Mais les coûts de maintenance ont été rognés. « Les ouvriers devaient pallier l’arrêt des machines, mais en gardant les mêmes cadences. On s’abîmait la santé. Pour le bon fonctionnement de l’usine, ce n’était pas bon non plus. » Un incendie fin 2024 a changé la donne. « Ils ont compris qu’il fallait investir. Mais la bataille n’est pas finie », conclut l’ouvrier. Car « physiquement, psychologiquement, travailler à l’abattoir n’est pas un métier facile ».

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/abattoirs/ou-est-la-reconnaissance-de-nos-sacrifices-xavier-morvant-syndicaliste-engage-pour-les-travailleurs-de-deuxieme-ligne

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/ou-est-la-reconnaissance-de-nos-sacrifices-xavier-morvant-syndicaliste-engage-pour-les-travailleurs-de-deuxieme-ligne-h-fr-16-03-25/↗

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