
© Anne-Sophie NIVAL / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Par Khalil Auguste NDIAYE.
« Ouvrons grand les Jeux ! » clame Paris 2024. À la veille de la cérémonie d’ouverture, la promesse est en partie tenue en ce qui concerne l’économie sociale et solidaire (ESS). Les organisateurs de l’événement ont ouvert une petite porte à près de 600 structures – associations, coopératives, entreprises d’insertion ou de travail adapté – qui ont contribué à l’élaboration des sites et à l’accueil des athlètes.
Une question d’image. La candidature française s’est érigée comme l’exact opposé de précédents fâcheux en termes de respect des droits humains et de l’environnement, tels les JO de Sotchi 2014 ou le Mondial de foot 2022 au Qatar. Côté humain, une charte sociale, signée en 2018 par toutes les organisations syndicales et patronales, a codifié des principes intangibles de fonctionnement.
Avec, d’un côté, le respect des droits du travail, syndical, de prévention des risques, un droit de regard des représentants des travailleurs dans les comités de suivi… De l’autre, l’« encouragement » d’une « commande publique qui prendra en compte l’insertion par l’activité économique, intégrera des clauses de responsabilité sociale et environnementale dans les appels d’offres, en tenant compte des spécificités des petites et moyennes entreprises françaises », ainsi que la garantie de l’accès « des appels d’offres publics et privés (…) à des PME visant à développer l’emploi local et le tissu économique ».
« Six cents marchés publics ont été remportés par des entreprises de l’ESS »
Pour respecter leurs engagements, le Cojop (comité d’organisation) comme la Solideo (société publique gérant la construction des sites) se sont appuyés sur des médiateurs, entre donneurs d’ordres et entreprises de l’ESS. Parmi eux, Les Canaux, lieu de ressources émanant de la Ville de Paris, ont créé en 2018 un programme dédié : ESS 2024. Le but : identifier les associations ou entreprises sociales, les informer de l’ouverture d’offres et les former à y répondre, la plupart de ces structures n’ayant pas l’expérience de marchés de cette ampleur.
C’est ainsi que les briques de terre crue des cloisons et murs de remplissage de l’Arena-La Chapelle ont été fabriquées par la coopérative Cycle Terre. L’entreprise d’insertion Fil rouge, basée à Marseille, a confectionné 100 000 tee-shirts de volontaires des Jeux. Au total, pas moins de 6 000 entreprises ont été démarchées par Les Canaux. « Six cents marchés publics ont été remportés par des entreprises de l’ESS », compte Nicolas Peyronnet, son directeur du programme.
Même satisfaction à la Solideo. Celle-ci s’était fixé un taux de 25 % de marchés redirigés vers des TPE, PME et entreprises de l’ESS, ainsi que 10 % des heures de travaux réalisées par des travailleurs en insertion professionnelle. Selon Julie Fournier, sa cheffe de projet économie circulaire et ESS, ces objectifs ont été « largement dépassés. Nous avions prévu 2,4 millions d’heures d’insertion. Au final, on en compte déjà plus de 3 millions ». Quant aux marchés publics, 35 % ont finalement été captés par des PME, pour un montant de 784 millions d’euros, bien plus que les 536 millions escomptés.
Parmi ces PME, 204 provenant de l’ESS font partie des heureux élus. C’est peu au regard des 33 400 établissements franciliens recensés par la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire d’Île-de-France (Cress). Pour son directeur Sébastien Chaillou, cela s’explique par la faible présence du tiers-secteur dans celui du BTP et de la construction. Mécaniquement, « l’ESS représente une minorité du total d’achat des offres », note-t-il.
Une minorité dont la présence est de surcroît invisibilisée durant la quinzaine, du fait des droits de communication réservés par l’organisation aux sponsors des Jeux Olympiques. « C’est le cas de traiteurs qui ont remporté des marchés de restauration. Mais quand ils ont voulu afficher leur participation, ils ont reçu des courriers d’avocats de partenaires officiels des Jeux. »
Malgré un bilan chiffré « mitigé » de l’expérience, Sébastien Chaillou souligne « les ambitions affichées par Paris 2024 et les moyens mis en œuvre qui démontrent une volonté d’inclusion. Les structures de l’ESS ont pu montrer qu’elles sont aussi capables que celles de l’économie classique. L’important va être de capitaliser sur ce qui a marché ». Poursuivre l’aventure, c’est aussi ce qu’exprime Nicolas Peyronnet, Les Canaux pouvant « continuer de jouer le rôle d’intermédiaires avec les nombreuses structures de l’ESS et les projets publics comme le Grand Paris ».
Quant à la Solideo, dont les marchés courent jusqu’en 2025, elle souhaite créer un « héritage immatériel » des Jeux en laissant à disposition des donneurs d’ordres de futurs grands travaux ou événements la méthode utilisée pour atteindre des « résultats très encourageants mais qui pourraient aller encore plus loin ».
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