Paris 2024 : le « forfait jours » ou la détresse des travailleurs en CDD pour les JOP (H.fr-25/08/24)

Acteurs indéniables de la réussite des Jeux Olympiques et Paralympiques, les salariés en CDD embauchés au « forfait jour » dénoncent des mauvaises conditions de travail. © Emmanuel Dunand / AFP

Des salariés en CDD pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) embauchés au « forfait jours » dénoncent des semaines à 60 heures de travail. Le tout, sans percevoir le paiement des heures supplémentaires, non comprises dans leurs contrats.

Par Samuel EYENE.

Si les jeux Olympiques ont été une belle fête, c’est en partie grâce à eux : les travailleurs du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop). Sans leurs efforts, il aurait été difficile pour les spectateurs de trouver leurs repères entre chaque épreuve sportive.

Pourtant, à quelques jours de la cérémonie d’ouverture des jeux Paralympiques (ce mercredi 28 août) de nombreux salariés de Paris 2024 éprouvent un sentiment d’amertume. C’est le cas de Cassandra*. « En réalité, l’événement a été une grosse désillusion à plein d’égards », livre la salariée employée par le Cojop.

Coincée à Paris pour l’été, la jeune femme voulait profiter du temps qu’elle avait pour participer à l’événement sportif. Elle a donc postulé en juin à une offre d’emploi diffusée sur Internet. « L’intitulé du poste était « héros de l’ombre », explique Cassandra. Je ne savais pas à quoi cela correspondait, mais je me suis dit que les salariés pourraient profiter des Jeux. »

Aussitôt rappelée pour une embauche en CDD, elle est interpellée par la forme du contrat : il s’agit d’un statut cadre et au forfait jour. C’est-à-dire que la salariée n’est pas payée au nombre d’heures travaillées, mais en fonction du nombre de jours ouvrés et que, légalement, un planning ne lui est pas imposé.

« Beaucoup de jeunes ou de personnes précaires ont été embauchés »

« Compte tenu de son emploi et de ses fonctions, l’employée dispose d’une autonomie significative de la gestion de son emploi du temps », précise le contrat. Pourtant, la réalité s’éloigne des écrits.

La salariée qui explique gagner environ « 2 000 euros net » se retrouve avec des emplois du temps imposés et des amplitudes horaires insoutenables : « La semaine avant l’ouverture des Jeux et celle qui l’a suivie ont été les plus intenses. J’ai dû travailler 60 heures, six jours sur sept. » Le tout sans que ces heures supplémentaires « ne (lui) soient payées ».

Stéphanie* partage la même colère. Également recrutée en juin par le Cojop, cette étudiante « qui a besoin d’argent » dénonce une « véritable injustice ». « Beaucoup de jeunes ou de personnes précaires ont été embauchés, car la direction sait très bien qu’on a besoin d’argent », fulmine-t-elle.

Des remerciements qui sonnent creux

Les remerciements adressés aux « équipes de Paris 2024 » par Tony Estanguet, président du Cojop, au soir de la cérémonie de clôture des JO ont d’ailleurs sonné bien creux. « C’est dégueulasse de nous remercier en public alors que nous sommes en réalité exploités », lâche la jeune femme.

Une situation qui a poussé l’union départementale (UD) CGT 93 à exiger une rencontre avec Paris 2024. En amont des JOP, la CGT avait mis en place un numéro vert pour permettre aux salariés de témoigner de leurs difficultés. « Certains travailleurs ont accepté de signer ces contrats se doutant de quelques dépassements d’horaires. Mais ils ne s’attendaient absolument pas une situation de cette ampleur », explique Kamel Brahmi, secrétaire général de l’UD CGT 93

La CGT écartée par le Cojop

Selon le syndicaliste, Paris 2024 ne respecte pas les 11 heures de repos imposées par la loi entre deux journées de travail. « On a demandé à certains salariés qui avaient fini leurs journées à 23 heures d’être présents le lendemain à 6 heures du matin », précise le cégétiste. Aujourd’hui, l’organisation syndicale exige des requalifications de ces contrats.

Mais la direction du Cojop n’entend pas cela de la même oreille. « La CGT ne fait pas partie des syndicats présents à Paris 2024 et n’est donc pas légitime dans ces demandes. Nous échangeons sur une base quasiment quotidienne avec nos représentants du personnel et la CFDT, syndicat représentatif à Paris 2024 », a répondu la direction de Paris 2024 contactée par l’Humanité.

Et pour les salariés qui l’accusent d’amplitude de travail horaire loin du temps de travail légal ? La direction qui justifie l’usage des contrats « forfait jours » par « un accord d’entreprise » reconnaît que l’« activité est dense » mais prétend « veiller à ce qu’elle soit organisée de façon compatible avec les règles convenues en amont avec les organisations syndicales représentatives dans le cadre légal ».

*Les prénoms ont été modifiés.

°°°

Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/conditions-de-travail/paris-2024-le-forfait-jours-ou-la-detresse-des-travailleurs-en-cdd-pour-les-jop

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/paris-2024-le-forfait-jours-ou-la-detresse-des-travailleurs-en-cdd-pour-les-jop-h-fr-25-08-24/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *