
Avant de dévoiler son gouvernement avant Noël, comme il l’a promis, le premier ministre espère élargir son socle pour éviter la censure. Sans toutefois renoncer à l’utilisation du 49.3, comme le lui demande la gauche. Les Républicains ont immédiatement assuré que les conditions étaient réunies pour participer au gouvernement.
Par Anthony CORTES.
François Bayrou réserve un cadeau de Noël aux Français : un gouvernement. Invité de l’émission l’Événement sur France 2, ce jeudi, le premier ministre a promis de dévoiler les noms de ses ministres « ce week-end, ou au plus tard avant Noël ». Une liste qu’il espère politiquement large, appelant à l’union transpartisane autour de lui. « Des communistes à la droite républicaine, je leur dis : nous ne pouvons pas nous en sortir si nous ne sommes pas ensemble, a-t-il martelé. On doit essayer et je crois qu’on peut y arriver. C’est peut-être un optimisme délirant, mais, si on ne réussit pas dans cet essai, c’est la dernière station avant la falaise. »
Quelques heures plus tôt, le premier ministre a reçu à Matignon les chefs de parti et de groupes parlementaires, en dehors du RN et de la FI, mais aussi les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. À cette occasion, François Bayrou a formulé une « offre publique de participation » au gouvernement à l’ensemble de ses invités, qu’il a répétée sur la chaîne du service public. Il leur a laissé le choix entre trois possibilités : entrer dans le gouvernement, ne pas en faire partie tout en le soutenant, ou être dans l’opposition.
À l’issue de cet échange de plus deux heures, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a fait savoir que les siens ne « participeront pas » au gouvernement. « Pour nous, il n’a jamais été question de discuter de la composition du gouvernement », a également déclaré Cyrielle Chatelain, cheffe de file des députés écologistes. « Nous lui avons fait comprendre qu’il y avait une quatrième option possible : être des députés constructifs dans l’opposition », a expliqué Stéphane Peu, député PCF.
L’abrogation avant de nouvelles discussions sur les retraites
Dans ce sens, les participants de gauche ont fait plusieurs propositions, exigeant en priorité du premier ministre qu’il abandonne l’utilisation du 49.3. Si François Bayrou leur a d’abord opposé une fin de non-recevoir, celui-ci a précisé sur France 2 qu’il « n’utiliserait pas de 49.3 », tout en précisant… se réserver la possibilité d’en user « en cas de blocage sur le budget ». « Quand il y a blocage absolu, alors il y a deux solutions : le 49.3 ou les ordonnances, a-t-il précisé. Mais je souhaite qu’on ait le plus de dialogue possible. » Drôle de façon de l’installer.
Fidèles à leurs revendications maintes fois exposées, communistes, socialistes et écologistes ont exigé de François Bayrou la suspension de la réforme des retraites pour accepter de ne pas censurer son prochain gouvernement. « Je propose de reprendre la réforme des retraites, pas de la suspendre », a-t-il répondu.
Dans le détail, Matignon a communiqué vouloir aboutir « d’ici septembre » à des « solutions nouvelles » par « l’ouverture d’une discussion » avec « l’ensemble des forces économiques et sociales, toutes les forces représentées au Parlement ».
En cas d’échec des pourparlers, qui concerneraient forces politiques et syndicales, « on revient à la réforme de 2023 » qui décalait l’âge de départ à 64 ans, précisent les équipes du premier ministre. « Cela veut dire que les syndicats vont aller négocier avec une forme de chantage, s’est désolée Cyrielle Chatelain. On leur dit donc : si vous n’acceptez pas les conditions du Medef, la réforme continuera à s’appliquer. »
« Il peut y avoir une autre issue que les 64 ans, a laissé entendre le premier ministre à la télévision. J’ai été un militant de la retraite à points. Je pense qu’on peut trouver une organisation différente. Mais il va falloir se poser la question des financements. » La CGT et l’Unsa ont par la suite réagi en demandant que la réforme des retraites soit abrogée avant toute nouvelle discussion.
Un numéro d’équilibriste désespéré
François Bayrou tente un périlleux numéro d’équilibriste. S’il mime un semblant de concession en direction de la gauche, en acceptant de rouvrir le dossier des retraites, il n’entend cependant pas braquer la droite ou le camp présidentiel par de nouveaux impôts. « La France est déjà le pays le plus imposé d’Europe. Ce n’est pas par l’impôt que l’on fait la bonne marche de la société. Il faut faire des économies », a-t-il encore évoqué à l’antenne. Son but : tenter de rallier à lui et à son gouvernement le plus de forces possible pour parvenir à un socle élargi.
Dans cet objectif « d’ouverture », le premier ministre a également fait savoir ne pas vouloir « écarter » l’extrême droite et la FI « de la vie nationale ». Notamment dans le cadre du budget, qu’il entend boucler d’ici mi-février. « Je trouverai les moyens de les faire participer au travail que nous avons à faire », a-t-il détaillé. Par une publication sur X, Manuel Bompard, coordinateur national de la FI, lui a immédiatement répondu : « La censure est un bon moyen d’y participer. » Les jours de François Bayrou à Matignon semblent déjà comptés.
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