«Pas de loi Duplomb, on veut des papillons!» : 10 000 personnes en colère partout en France (reporterre-30/06/25)

Plus de 800 manifestants étaient réunis, vendredi 27 juin au Puy-en-Velay, la ville du sénateur Laurent Duplomb. – © Sonia Reyne / Reporterre

Plus de 50 mobilisations ont eu lieu en France pour protester contre la loi Duplomb, examinée par les parlementaires le 30 juin. Les opposants dénoncent un texte qui « ne répond à aucun des problèmes de l’agriculture française ».

Par Lila MARTIN, Marie ASTIER, Sonia REYNE.

Barjac (Gard), Le Puy-en-Velay (Haute-Loire), Poitiers (Vienne), reportage

Figeac, Le Puy-en-Velay, Niort, Besançon, Arras, Lyon, La Rochelle, Paris… Plus d’une soixantaine de mobilisations ont eu lieu le weekend des 28 et 29 juin et se poursuivent lundi 30 juin contre la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », dite loi Duplomb. Elles ont réuni un millier de personnes à Paris, 10 000 dans toute la France, à l’appel des associations environnementales réunies au sein du collectif Nourrir, du collectif Cancer Colère, mais aussi des agriculteurs de la Confédération paysanne.

Tous reprochent au texte de favoriser l’élevage industriel et les mégabassines et de réautoriser un pesticide néonicotinoïde, l’acétamipride. Des mesures ne bénéficiant qu’à une minorité de gros agriculteurs et ne réglant pas le problème de leurs revenus, dénoncent-ils.

La proposition de loi doit être discutée le 30 juin, dans le huis clos d’une commission mixte paritaire, réunissant 7 sénateurs et 7 députés. Un scénario obtenu grâce à un tour de passe-passe législatif inédit. L’issue des débats de la commission mixte paritaire laisse peu de doute, au vu de la majorité d’élus de droite qui y siègent.

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Cela n’a pas empêché les paysans rencontrés par Reporterre dans le Gard, la Haute-Loire et la Vienne d’affronter un soleil de plomb pour clamer leur opposition à cette loi pourtant présentée comme la solution à leurs problèmes.

  • Le Puy-en-Velay (Haute-Loire) : « Une attaque directe contre la biodiversité et les paysans »

Certains sont venus de loin pour découvrir le Puy-en-Velay, sa préfecture et la permanence du sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains), afin de dire « non » à la proposition de loi à laquelle il donne son nom. Majoritairement vêtus de jaune et noir, couleurs de la Confédération paysanne, mais aussi des abeilles qu’ils défendent, les manifestants étaient plus de 800, vendredi 27 juin dès 11 heures, rassemblés place du Breuil.

Face à cette foule venue de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes, les pouvoirs publics avaient déployé à l’ombre des platanes du jardin de la préfecture une quinzaine de fourgons de CRS.

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« Ce projet de loi est une attaque directe contre la biodiversité et les paysans et paysannes qui en prennent soin », a dénoncé Marie-Lise Brice, porte-parole de la Confédération paysanne Haute-Loire, main dans la main avec Xavier Fromont, son alter ego de la région Auvergne-Rhône-Alpes, perchés sur une remorque improvisée près de la permanence du sénateur.

Marie-Lise Brice et Xavier Fromont, porte-paroles de la Confédération paysanne en Haute-Loire et Auvergne-Rhône-Alpes, le 27 juin 2025 au Puy-en-Velay (Haute-Loire). © Sonia Reyne / Reporterre

Ancien représentant local de la FNSEA, Laurent Duplomb est bien connu localement pour ses positions pro-agrobusiness. « Nous contemplons incrédules la FNSEA, les Jeunes agriculteurs et la Coordination rurale [les autres syndicats agricoles] apporter leur soutien à une loi contre la santé, contre la science, contre l’intérêt général, s’est-elle indignée. Une loi qui serait adoptée en catimini dans une commission contre la démocratie parlementaire et populaire. »

« Cette loi aggrave les risques pour les paysans et empoisonne l’alimentation »

Syndicalistes, paysans et militants écologistes ont ensuite rejoint l’autre bout de la place. Aux cris de « Pas Duplomb, on veut des papillons ! » ont succédé les fromages fermiers, les soupes et légumes de saison, ainsi que les tranches de pain d’un pique-nique partagé.

« Cette loi aggrave les risques pour les paysans, empoisonne l’alimentation, favorise l’accaparement de l’eau et s’attaque au rôle des agents publics chargés de faire respecter les normes environnementales », détaille Gauthier Cordeau, de la CGT 43, l’une des nombreuses organisations représentées, aux côtés de militants associatifs et d’élus locaux.

  • Barjac (Gard) : « Cette loi ne répond à aucun des problèmes de l’agriculture française »

L’ombre des platanes ferait presque oublier l’alerte orange canicule. Ils sont une quarantaine à l’avoir bravée, le 27 juin au soir, pour se réunir sur la place du village de Barjac, dans le Gard. Un lieu symbolique, car à quelques kilomètres de là pourrait émerger une mégabassine. « Ce projet, c’est le monstre du Loch Ness, dit Didier Marion, barbe blonde, accent du Midi et porte-parole de la Confédération paysanne du Gard. Il disparaît, puis émerge à nouveau. » La loi Duplomb pourrait favoriser son retour, grâce à son article 5, qui a prévu de déclarer les retenues d’eau « d’intérêt général majeur ».

L’eau serait prélevée l’hiver dans la Cèze, la rivière où les agriculteurs locaux pompent déjà pour l’irrigation. « Elle ne profiterait pas à une agriculture qui nous nourrit, mais à la production de semences pour l’exportation », dit Agathe Lévêque, productrice de plantes médicinales dans le Gard. La mégabassine serait en effet implantée dans une zone de production de semences de tournesol.

Agathe Levêque, paysanne dans le Gard, le 27 juin 2025 à Barjac. © Marie Astier / Reporterre

« Je cultive un terrain que je connais depuis toujours, j’y ai vu la chute drastique de la faune : scarabées, abeilles, coccinelles, raconte-t-elle. Je suis entourée de terrains en conventionnel. Revenir sur les acquis durement gagnés contre les pesticides dangereux, c’est un grand bond en arrière. »

« Cette loi nous enfonce dans la spirale infernale du néolibéralisme, qui élimine les paysans »

Plus généralement, « cette loi ne répond à aucun des problèmes de l’agriculture française, quelle que soit la filière », proteste Didier Marion, éleveur de volailles et producteur d’huile d’olive. « Le problème, c’est le niveau des prix, qui dépendent d’un système spéculatif. Ce n’est pas en faisant sauter les contrôles environnementaux sur les élevages qu’on va améliorer les choses ! » Au contraire, selon lui, « cette loi nous enfonce dans la spirale infernale du néolibéralisme, qui élimine les paysans. »

Il fait le compte : « Quand j’étais gamin dans les années 1970, nous étions 30 000 paysans dans le Gard. Au 1er janvier 2025, nous n’étions plus que 4 400. »

  • Poitiers (Vienne) : « Si on reste passifs, c’est toujours le productivisme qui gagne »

À Poitiers, une petite foule de manifestants s’est réunie, le 29 juin, devant la préfecture de la Vienne. « Si on reste passifs, c’est toujours le productivisme qui gagne », déplore Benoît, 66 ans, qui participait au rassemblement sur son vélo.

Au micro, Laurence Guichard, paysanne boulangère syndiquée à la Confédération paysanne, s’insurge elle aussi de cette loi Duplomb, qui « ne profite qu’à une partie des agriculteurs ». Le texte prévoit de faciliter l’implantation des grosses exploitations, à l’image des fermes-usines. « Ce type d’exploitation est un réservoir épidémique. Les produits qui y sont utilisés engendrent une propagation fulgurante de cancers et de maladies, notamment celles du spectre de l’autisme », rappelle celle qui se présente comme agricultrice, mais « surtout citoyenne ».

« Je suis très inquiète de cette loi. J’ai vraiment peur de l’avenir qu’on va laisser »

Une ferme-usine a justement commencé son activité en octobre 2024 à Coussay-les-Bois, à 50 km de là. Construit dans une zone naturelle d’intérêt écologique, un bâtiment héberge 1 200 taureaux, engraissés en neuf mois, puis abattus. Leur viande est ensuite exportée à l’étranger. « Ce projet a été initié en 2014, se souvient Dominique Brunot, coprésident du Collectif d’opposants à la ferme-usine de Coussay. On a réussi à la ralentir pendant dix ans. Mais avec la loi Duplomb, on n’aura plus les moyens de freiner ce type de ferme intensive. »

La mobilisation contre la loi Duplomb à Poitiers (Vienne), le 29 juin 2025. © Lila Martin / Reporterre

Un peu plus loin, plusieurs parents écoutaient les discours accompagnés de leurs jeunes enfants, tous vêtus de masques d’animaux. Céline, salariée de la Ligue pour la protection des oiseaux, est venue avec ses deux fils de 6 et 9 ans. « Je suis très inquiète de cette loi. J’ai vraiment peur de l’avenir qu’on va leur laisser », dit cette femme de 42 ans, les yeux rivés sur ses enfants, qui se chamaillent à ses pieds.

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Source: https://reporterre.net/Pas-de-loi-Duplomb-on-veut-des-papillons-10-000-personnes-en-colere-partout-en-France

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