
Le plan de sortie de flotte mis en place par l’État pour accompagner les armements touchés par le Brexit risque de priver le port de Lorient (Morbihan) de trois à quatre importants chalutiers et de leurs milliers de tonnes de poissons annuelles qui font travailler toute une filière déjà fragilisée par la hausse du coût des énergies.
Comme son voisin finistérien du Guilvinec, le port de pêche de Lorient (Morbihan) s’apprête à se séparer de plusieurs navires de pêches dans les mois à venir.
Si la liste des armements qui ont confirmé leur participation au plan de sortie de flotte proposé dans le cadre plan d’accompagnement individuel (PAI) Brexit n’a toujours pas été officialisé, tous les regards sont tournés vers la Scapêche, la Société centrale des armements des mousquetaires à la pêche (Intermarché).
Le premier armateur de pêche fraîche en France pourrait bénéficier d’une subvention contre la destruction de trois ou quatre bateaux basés à Lorient et l’interdiction d’en reconstruire pendant cinq ans.
Contacté, l’armement estime qu’il est prématuré de s’exprimer, mais les noms de ses bateaux qui pourraient partir à la casse sont dans toutes les bouches.
Quels bateaux touchés ?
Ces navires de la Scapêche pêchaient dans les eaux britanniques (Ouest-Ecosse). Ils sont éligibles au PAI destiné à dédommager les armateurs impactés par le Brexit et son interdiction de pêcher dans les eaux britanniques.
À Keroman, on redoute ainsi de voir partir à la casse le Jean-Claude Coulon II, un chalutier de 45 m, Corail, un chalutier de 35 m et l’Héliotrope , un ancien chalutier de 33 m aujourd’hui transformé en palangrier. Les plus gros navires du port, qui apportent d’importants tonnages de poissons à la criée de Lorient dont toute une filière dépend (mareyeurs, transporteurs, ateliers de manutention, de réparation navale, etc.).
Le Jean-Claude Coulon II peut à lui seul apporter 2 500 tonnes de poissons par an. Si la Scapêche confirme sa participation au plan de sortie de flotte d’un ou plusieurs navires, c’est jusqu’à 3 000 tonnes en moins pour le port de Lorient où 18 109 tonnes de poisson ont été débarquées en 2022. Ce qui fragiliserait les mareyeurs qui risquent d’avoir moins de poisson à travailler, mais pas que. À elle seule, la Scapêche assure un tiers du chiffre d’affaires du port de Keroman.
Quel impact pour le port de pêche ?
Président des comités national, régional, local des pêches ainsi que du port de pêche de Lorient, Olivier Le Nézet avait prévenu que l’année 2023 s’annonçait compliquée lors de la cérémonie des vœux des acteurs économiques du pays de Lorient. « La pêche fait face à des difficultés comme rarement. On prend une déferlante en plein visage. » La déferlante est à l’horizon. Sur le quai Michel-Tonnerre, on prévoit un départ progressif de bateaux d’ici fin mars.
« On dit qu’un marin en mer, c’est quatre à cinq emplois à terre. L’équivalent de 30 à 40 marins en moins, c’est jusqu’à 150 emplois à terre menacés ! », analyse un acteur de la filière. « Et le manque de poissons, ça fragilise les mareyeurs qui sont nos clients, ainsi que tous nos prestataires (transports, etc.) », complète un pêcheur.
Du côté des mareyeurs, on confirme. « Si on a moins de bateaux, on va avoir moins de matière à acheter et moins de produit fini à vendre. Il va falloir trouver d’autres produits, ou adapter les ateliers avec moins de personnel. »
« Et il viendra d’où le poisson à l’heure où l’on parle d’indépendance alimentaire ? », demande un pêcheur écœuré. « Là, on tue une filière ! Rien n’est prévu pour les entreprises à terre alors que l’impact est multiplié par quatre », conclut un chef d’entreprise sur l’aire de réparation navale qui risque de ne pas être épargnée par la déferlante redoutée.
Olivier CLERO