
« On veut jouer notre rôle, à partir de la Belgique, avec une vision internationaliste » : la parole à Peter Mertens, secrétaire général du Parti du travail de Belgique, signataire de l’appel européen contre la guerre
Entretien réalisé par la rédaction d’IO.
Un sommet de l’Otan s’est tenu à La Haye les 24 et 25 juin. Les différents chefs d’État y ont entériné leur engagement, exigé par Trump, de consacrer 5 % de leur PIB à leur armement.
Un contre-sommet était organisé le 21 juin, suivi d’une manifestation le 22, qui a regroupé des milliers de manifestants au lendemain du bombardement de l’Iran par les États-Unis. Nos correspondants ont interviewé des participants signataires de l’Appel européen contre la guerre.
Secrétaire général du Parti du travail de Belgique, tu as signé l’Appel européen contre la guerre. Tu participes aujourd’hui au contre-sommet de La Haye. Tu as dit dans ton intervention, tout à l’heure, que ce sommet n’est pas le sommet de l’Otan mais celui de Trump. Peux-tu l’expliquer ?
Trump a décidé que les Européens vont devoir dépenser 5 % de toute leur richesse pour l’Otan. Et il y a deux raisons pour cela. D’abord, il faut clairement dire que cette norme de 5 % vient de Donald Trump. Il a lancé ce chiffre, et maintenant, tous les leaders politiques, partout dans le monde, sont en train de répéter ce chiffre arbi traire de Trump.
Pourquoi le fait-il ? C’est d’abord parce qu’il se dit qu’avec tout cet argent, les pays européens vont acheter de nouvelles armes au complexe militaro-industriel des États-Unis. Donc c’est bon pour son industrie militaire. Le lobby de l’industrie militaire aux États-Unis est très très puissant. Mais, plus stratégiquement, c’est parce qu’ils veulent se concentrer sur leur prochaine guerre, la guerre contre la Chine.
En effet, pour la première fois dans leur histoire, leur courte histoire impériale, ils ont vraiment un challenger avec la Chine au niveau technologique et économique. Et donc ils veulent encercler militairement la Chine, ça coûte énormément d’argent.
Et donc pour permettre leur stratégie contre la Chine, eux, ils veulent que les Européens dépensent 5 %.
Donc tous les leaders européens maintenant sont en train de s’aligner sur Trump. S’ils commencent à détruire nos pensions, notre santé, nos services publics, Trump a déjà gagné, c’est ça le point. Si on prend de l’argent de notre sécurité sociale pour le mettre dans l’industrie militaire américaine, et si on casse nos acquis sociaux, Trump a déjà gagné.
Donc, nous, on dit « non, pas un euro pour leur guerre, pas un euro pour l’Otan, pas un euro pour la guerre que Trump fait ».
Tu as dit que ce n’est pas une loi à laquelle les gouvernants seraient soumis, mais un projet idéologique. Mais, quand même, les gouvernements ont fait déjà leur job, par exemple le gouvernement allemand a changé la Constitution pour remplir les objectifs de Trump. Comment cela se passe-t-il en Belgique ?
J’ai été éduqué encore dans la génération où l’on se disait qu’il ne fallait pas donner d’armes aux Allemands parce que la combinaison entre armes, militarisation et chauvinisme allemand nous a apporté déjà deux guerres mondiales. Donc c’est choquant qu’ils changent leur Constitution et en plus, ils la changent seulement au niveau militaire, parce que pour le social et l’écologie, la règle d’or reste.
En Belgique, la même discussion a lieu mais il y a beaucoup de résistance. Il y a beaucoup de manifestations des syndicats contre le gouvernement de droite sur les questions sociales. On aura une manif le 25 juin avec des dizaines et des dizaines de milliers de personnes pour défendre nos pensions, et la manif et les syndicats font le lien. Il faut de l’argent pour nos pensions, pas pour le militaire. On est au début du mouvement pro-social et antimilitaire.
Donc l’important pour nous en Belgique et pour les syndicats et la classe travailleuse en Belgique, c’est de lier les deux.
Peut-être pour revenir à l’appel, quelles étaient pour toi les raisons de signer cet appel ?
Je crois que c’est important. C’est important aussi au niveau international de donner un signal qu’il faut dire non à cette logique de militarisation et à cette logique de guerre. Le futur du monde n’est pas un futur de guerre, de colonisation, de l’impérialisme américain, ce que les États-Unis sont en train de faire avec Israël contre la Palestine, en Syrie, au Liban…
Les États-Unis sont en train de faire quelque chose de dangereux en Iran. Ils embrasent toute la planète et donc il faut qu’au niveau international, il y ait une riposte et pour moi, c’est important qu’il y ait des initiatives comme celle-ci qui répondent à cette logique de guerre.
Et oui, tu as dit tout à l’heure que pour toi, ce n’est pas forcément le parlementarisme qui peut changer quelque chose, mais que tu comptes sur la mobilisation des peuples.
C’est ce qu’on a fait avant la Première Guerre mondiale et la Deuxième Guerre mondiale. On a eu de grandes manifestations des syndicats de la classe travailleuse pour défendre les acquis sociaux et pour en gagner, mais en même temps contre la militarisation. Ceux d’en haut ne veulent pas arrêter cette course à la guerre. Je n’ai aucune illusion là-dessus. Ceux d’en bas doivent pousser ceux d’en haut. Il y a un monde à gagner.
Nous sommes à un moment où chacun se demande ce qui se passe réellement. Même des gens qui étaient endormis sont en train de se réveiller. Est-ce qu’il y a des travailleurs, est-ce qu’il y a des syndicats, est-ce qu’il y a des gens de gauche qui donnent une réponse et qui donnent une orientation antimilitariste et pro-sociale ?
Tu es le secrétaire général du PTB. Donc est-ce que ça signifie que le PTB veut aider à un rassemblement au plan international de toutes les forces contre la guerre ?
On veut aider avec beaucoup d’autres forces. On n’est pas les seuls, il y a beaucoup de forces. On veut jouer notre rôle, à partir de la Belgique, avec une vision internationaliste. Évidemment, le combat est international. Il faut gagner la classe travailleuse partout. On veut aider là où on peut, et on veut aussi apprendre de toutes les autres forces. On est toujours en apprentissage aussi comme PTB. Mais on veut aider à jouer notre rôle.
Et vous avez aidé beaucoup en Belgique pour les manifs monstres.
Au niveau de la Palestine, ce sont treize manifs. Au niveau des manifs sociales, avec le syndicat, on en est à quatre manifs, et six cent mille personnes pour la plus grande. Ça veut dire qu’il y a un potentiel. Donc il faut pouvoir l’organiser. Les circonstances sont différentes dans chaque pays, mais il y a un potentiel. Il y a un monde à gagner, j’en suis sûr.
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