Pierre-Édouard Stérin, saint patron de l’extrême droite française #43. Murmures de la cité, le « mini-Puy du Fou » couvé par Pierre-Édouard Stérin et ses amis identitaires (h.fr-10/07/25)

Le spectacle Murmure de la Cité prévu à Moulins (Allier) déroule une vision identitaire et rance de l’histoire de France.
© Capture d’écrans Murmure de la cité

La polémique est montée en flèche quand le nom de Pierre-Édouard Stérin est apparu comme sponsor officiel du spectacle Murmures de la Cité. Alors que ce « mini-Puy du Fou » , subventionné par les collectivités locales, doit se dérouler ce week-end dans l’Allier à guichets fermés, les masques de ses organisateurs et de leurs soutiens tombent les uns après les autres.

Par Thomas LEMAHIEU.

Cela restera un cas d’école. Un exemple parfait de la contrebande « festive » dont bénéficientles idées de l’extrême droite, ses valeurs, son imaginaire. À Moulins (Allier), les trois représentations de Murmures de la cité, un mini-Puy du Fou qui promet de narrer l’histoire de France comme ce « pays éternel guidé par la Providence », auront lieu ce week-end à guichets fermés. Mais entre l’immersion et l’infiltration, le spectacle a été total, déjà.

Début 2024, dans les demandes de subventions publiques pour Murmures de la cité – que l’Humanité a pu consulter –, il était question d’un « spectacle immersif nocturne retraçant l’histoire (du) département, de la ville de Moulins et de ses alentours ».

Dans une « atmosphère envoûtante, de la guerre des Gaules à la Renaissance en passant par le Moyen Âge », il s’agissait, vantaient ses organisateurs, de « découvrir les intrigues, les légendes et les mystères qui ont façonné la vie de la cité ». Avec Clovis « fondant le royaume chrétien », Napoléon redressant un pays « affaibli par la Révolution » et une kyrielle de moines ou de saints traversant cette « épopée » écrite à l’encre du roman national de la IIIe République, Moulins paraîtra un peu loin, mais en matière d’intrigues politiques, Murmures de la cité a bien tenu parole.

Un spectacle soutenu par une émanation de l’Institut Iliade

Alors que quelques dizaines de milliers d’euros d’aides publiques tombent fissa de la région, du département, de l’agglo et de la ville – tous dirigés par la droite –, le député communiste Yannick Monnet lève un lièvre au printemps dernier : le Fonds du bien commun, l’instrument philanthropique du milliardaire catho identitaire Pierre-Édouard Stérin, architecte et financier du plan Périclès visant à faire gagner les droites extrêmes, figure en tête des partenaires privés de Murmures de la cité. Dans la foulée, dès le mois de mai, le rendez-vous apparaît sur le site Web des « plus belles fêtes de France », un des nouveaux outils liés à la galaxie Stérin dans ce champ… Avant même sa première manifestation.

En réalité, selon les informations de l’Humanité, l’association Murmures de la cité a aussi pu compter sur le soutien précieux d’un acteur moins connu et plus marqué encore de cet univers : l’incubateur le Nid, une émanation de l’Institut Iliade, rassemblant des héritiers racialistes de ladite « nouvelle droite », qui accompagne des projets « enracinés » dans leurs recherches de financements.

Ancien de l’application Canto répertoriant des chants traditionnels, religieux, militaires et, au passage, pétainistes – elle-même abondée en 2021 par la Nuit du bien commun, ces galas de charité cofondés par Pierre-Édouard Stérin –, Lucas Chancerelle, directeur général du Nid, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

L’organisateur est aussi le président de Sophia Polis, groupuscule aux idées rances

Si Guillaume Senet, le président de Murmures de la cité, a choisi, lui, de rester laconique devant nos multiples questions – « Nous sommes dans l’action, et pas dans la communication », a-t-il répondu à l’Humanité –, il a affirmé à d’autres médias n’avoir « aucun lien avec Pierre-Édouard Stérin ».

Face à une mobilisation croissante et protéiforme – comité rassemblant toute la gauche et les syndicats, pétition d’archéologues, tribunes d’historiens, intervention des loges maçonniques… –, en proie à des défections de sponsors et de bénévoles, le jeune étudiant de 24 ans l’a juré sous les applaudissements du RN, de l’UDR et de Reconquête : son spectacle serait purement « apolitique ».

Curieuse pudibonderie pour le cofondateur et président de Sophia Polis, qui ressemble furieusement à la maison mère de Murmures de la cité. Implanté dans le Bourbonnais depuis 2019, ce groupuscule navigue aux confluents du traditionalisme catholique et de l’intégrisme lefebvriste.

Sur son site, les « conseils de lecture » se réduisent aux livres des fascistes français Maurice Bardèche et Robert Brasillach, dont une citation orne le sweat officiel de Sophia Polis. Sur le modèle revendiqué d’Academia Christiana, le mouvement de Guillaume Senet établit des passerelles avec l’extrême droite la plus rance.

Le logo du groupuscule Sophia Polis, assorti d’une citation de l’écrivain collabo Robert Brasillach.

Lors des universités d’été de Sophia Polis – dont l’édition annuelle se tiendra, quelques jours après Murmures de la cité, au château familial des Senet, à quelques kilomètres de Moulins –, les animateurs de la mouvance Iliade (Jean-Yves Le Gallou, Bernard Lugan, François Bousquet, etc.) discourent devant le théoricien du « génocide chouan » Reynald Secher ou d’autres vieilles gloires d’extrême droite comme Bruno Gollnisch et Paul-Marie Coûteaux.

Le tout avec la bénédiction de religieux des meilleures chapelles réactionnaires du rite tridentin… Dont l’un, l’abbé François Scrive, est resté célèbre pour avoir loué le maréchal Pétain lors d’une messe en son honneur en 2018.

« Un réseau de communautés enracinées se développe sur tout le pays »

À l’été 2022, alors qu’il se lançait dans l’écriture de son spectacle Murmures de la cité, Guillaume Senet, sous le pseudo « Guillaume Poliste » utilisé pour ses activités groupusculaires, ne cachait pas son ambition dans un entretien au mensuel d’extrême droite Éléments. « Si nous voulons reconquérir la France, il nous faudrait commencer par le début, c’est-à-dire nos villages et nos églises qui en sont le cœur. Et à partir de là, entreprendre un maillage de tout le territoire. Tel est le projet de Sophia Polis. »

Quelques mois plus tôt, après l’échec de Marine Le Pen à la présidentielle, le même appelait ses amis à ne « céder en aucun cas au désespoir et au fatalisme » : « Nos initiatives continuent d’accroître leur rayonnement, un réseau de communautés enracinées se développe sur tout le pays et nous touchons chaque jour de nouvelles personnes. »

Campagne visant à acheter un « comptoir coopératif », cours de danses bourbonnaises, projets de « classes vertes » pour les gamins et même d’école primaire hors contrat – le cours Zita –, et maintenant Murmures de la cité : le show s’inscrit pleinement dans l’objectif affiché d’implantation dans le territoire et dans les esprits.

La porosité est même totale entre les différentes initiatives. Une des vidéos promotionnelles du grand spectacle fait explicitement référence à la devise de Sophia Polis : « Savoir et bâtir ». Interrogé sur cette coïncidence, Guillaume Senet répond par une pirouette : « Pour ”Savoir et bâtir”, il s’agit de l’inverse du wokisme : désinstruire et déconstruire. »

Une logorrhée ouvertement féodale, contre-révolutionnaire, antirépublicaine

Loin du contrat d’engagement républicain qu’a dû signer Murmures de la cité, ses dirigeants ne cachent pas leurs options théocratiques dans le manifeste de Sophia Polis : « Refusant la perversion d’une société apostate, nous reconnaissons le primat de la loi naturelle et du Décalogue. »

Toute leur propagande interne tient de cette même logorrhée ouvertement féodale, contre-révolutionnaire, aristocratique, habitée par la haine… de la République. « Toi qui en appelles au respect des lois de la République, souviens-toi qu’elle fut abreuvée de ton sang. Souviens-toi qu’elle ne fut pas édifiée pour te rendre libre, mais pour t’asservir. (…) Souviens-toi que la République n’a eu aucune pitié avec ses opposants et apprête-toi à lutter et mourir si tu veux que tes enfants restent libres. »

Dans un communiqué triomphal, paru il y a quelques jours, sur le succès commercial de son spectacle, Guillaume Senet vante, dans un clin d’œil appuyé à Maurras, « la France réelle – celle qui travaille, transmet, espère et bâtit – » qui ne serait pas tombée dans une « campagne d’hostilité aussi bruyante que vaine ».

Le communiqué de presse de Murmures de la Cité, relayé par le compte Twitter de Guillaume Senet, sous le pseudonyme Guillaume Poliste.

Dans ce texte, imaginant railler le « spectacle rêvé par les censeurs », mais laissant avant tout transpirer sa propre idéologie, le jeune homme s’enfonce dans la boue : « Le XXe siècle n’aurait d’autre but que de conduire, tel un couloir de la honte, des tranchées de Verdun à Auschwitz pour aboutir sur un verdict unique : l’Occident est coupable, et la France plus que les autres. »

Ignominie et imposture au sommet : à Moulins, les masques sont tombés. Dans une langue moins orwellienne que celle de Périclès – l’acronyme pour Patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, Européens, souverainistes –, dans une histoire moins révisée que celle qui plaît tant à Pierre-Édouard Stérin ou à l’Institut Iliade, ou dans un théâtre plus exigeant, Brecht parlait du « ventre encore fécond d’où a surgi la bête immonde ». Peut-être ne sera-t-elle pas sur scène ce week-end, mais depuis les coulisses, c’est bien son haleine fétide qui soufflera le texte.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/allier/murmures-de-la-cite-le-mini-puy-du-fou-couve-par-pierre-edouard-sterin-et-ses-amis-identitaires

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/pierre-edouard-sterin-saint-patron-de-lextreme-droite-francaise-43-murmures-de-la-cite-le-mini-puy-du-fou-couve-par-pierre-edouard-sterin-et-ses-amis-identitaires/

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