
Architecte et argentier du plan Périclès visant à faire gagner les droites extrêmes, le milliardaire catholique, identitaire et exilé fiscal a mis un vent à la représentation nationale mercredi matin. Il dit craindre pour sa sécurité au Palais Bourbon. Il a été reconvoqué illico le 20 mai.
Par Thomas LEMAHIEU.
On savait, il l’a dit et répété sur tous les tons depuis des années, que Pierre-Édouard Stérin ambitionnait de devenir un saint. On ignorait qu’il se prenait d’ores et déjà pour un dieu, au-dessus des lois. Mercredi 14 mai, à 11 heures, au deuxième sous-sol du Palais Bourbon, dans une salle dévolue à la commission d’enquête sur l’organisation des élections en France, derrière le petit panneau portant le nom du milliardaire catholique et identitaire, sa place est vide. « Rarement vu autant de succès pour un chevalet », glisse entre sarcasme et colère un des députés, devant la nuée d’appareils photo et de caméras immortalisant l’absence.
Après avoir fait faux bond une première fois fin avril, l’architecte et argentier du plan Périclès visant à faire gagner les droites extrêmes dans les têtes et dans les urnes et lancé à l’automne 2023 dans la clandestinité – par ailleurs révélé dans ses moindres détails par l’Humanité l’été dernier – avait lui-même choisi la date et l’heure de cette convocation… Mais voilà qu’à la dernière minute l’exilé fiscal se défile encore.
Invoquant une excuse pour le moins biscornue dans un communiqué relayé par le Figaro et le JDD : selon cette coproduction entre les journaux et Périclès, « plusieurs menaces de mort ont été prononcées » à son encontre et « les équipes en charge de sa sécurité lui ont indiqué les mesures nécessaires à prendre, notamment de ne pas se rendre physiquement à un rendez-vous dont la date et le lieu sont rendus publics ».
L’Assemblée, un coupe-gorge
Président de la commission parlementaire, Thomas Cazenave déplore ce prétexte grossier : « Nous travaillons depuis près d’un mois à organiser cette audition, et toutes les dispositions en matière de sécurité ont été prises pour la permettre dans les meilleures circonstances et dans les meilleures conditions. » Devant la presse, la même ajoute : « Nous avons donné toutes les garanties pour permettre à Pierre-Édouard Stérin d’arriver et de repartir en toute discrétion. Nous auditionnons des ministres, des premiers ministres, des anciens chefs d’État, des juges antiterroristes, et la sécurité est évidemment assurée. Le motif invoqué n’est pas un bon motif. »
Sans saisir sur-le-champ le procureur pour obtenir une intervention visant à contraindre le chef de Périclès à se présenter à l’Assemblée, la commission a décidé de tenter une nouvelle convocation mardi 20 mai. Mais sur le fond, le macroniste Thomas Cazenave ne cache pas son irritation devant ce qui lui apparaît comme une « attitude peu respectueuse du travail parlementaire » et même « une manœuvre dilatoire de monsieur Stérin ».
Cette audition est pourtant, rappelle-t-il, parfaitement « légitime » : « Quand Périclès annonce, dans des documents dont nous avons connaissance, qu’il veut préparer des candidats aux élections, qu’il veut les soutenir, on est en plein dans nos travaux afin de regarder si le cadre légal est respecté. »
Le milliardaire « a peur »
Rapporteur de la commission, le député insoumis Antoine Léaument dénonce également l’esquive grossière. Selon lui, Pierre-Édouard Stérin « a peur ». « De toute évidence, il essaie d’éviter d’avoir à répondre aux questions que nous voulons lui poser », rappelle-t-il.
Avant d’insister : « C’est parce qu’il a été contraint d’officialiser l’existence de Périclès par les révélations de l’Humanité que Pierre-Édouard Stérin s’est mis à parler, et maintenant plus on creuse, plus on a des questions à lui poser… Moi, j’aimerais bien connaître ses relations avec des personnalités politiques. Que s’est-il passé l’année dernière au moment de la dissolution ? A-t-il eu une influence directe ou indirecte sur certains partis ? Voilà les questions qui sont posées devant notre commission d’enquête, mais aussi à la nation tout entière. Si un homme peut utiliser son argent pour influencer les élections, nous sortons du cadre défini par la loi. »
La semaine dernière, lors d’une audition fleuve de près de trois heures, Arnaud Rérolle n’a pas levé tous les doutes. Selon lui, le projet validé explicitement d’aide au RN en vue des municipales 2026 n’aurait finalement « pas abouti ». S’il a dû lâcher à contrecœur quelques informations sur la structuration financière de Périclès – notamment avec une holding belge, Graal, créée début 2025 et abondée par le milliardaire –, sur ses plus gros bénéficiaires ou sur le soutien au média d’extrême droite Frontières, le bras droit de Stérin a beaucoup renvoyé vers son maître.
« Moi, mon métier principal, c’est de rencontrer des entrepreneurs qui montent des projets, des organisations… Je n’ai pas une relation étroite de proximité ou d’influence auprès des décideurs. » La semaine prochaine, plus d’échappatoire : le milliardaire devra bien expliquer ce partage des tâches.
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