
Pierre-Yves Cadalen, leader des Insoumis à Brest, évoque la réforme des retraites qui nuirait, selon lui, à la cohésion sociale et aussi aux enjeux écologiques.
La réforme des retraites est inégalitaire : l’écart d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre est de 6 ans, et bien des travailleurs sont exclus du travail avant la retraite. La réforme éloigne la perspective du temps libéré. À l’appel de l’intersyndicale, nous étions 30 000 à Brest hier, des millions dans le pays, considérant que le travail mérite sa juste part. Le gouvernement ne parle jamais des dizaines de milliards d’exonérations de cotisations patronales qui sont autant de moins pour les comptes sociaux. Il préfère nous faire travailler deux ans de plus, 64 ans et plus, au moment où les dividendes du CAC 40 explosent, à 80 milliards d’euros pour 2022.
Injuste, cette réforme met aussi en péril notre cohésion sociale et notre capacité à nous saisir des enjeux écologiques. D’abord, les retraités sont essentiels pour les associations. La moitié de leurs présidents sont retraités, un retraité sur trois en est membre : si la réforme s’appliquait, les associations en souffriraient. La lutte contre cette réforme unit les générations engagées dans le secteur associatif à celles dont les enfants bénéficient de ces animateurs de clubs de sports, de patronages laïcs, lieux de transmission. La solidarité entre générations implique de protéger ce temps libéré des contraintes du travail : la retraite a une valeur sociale.
« Aller dans le sens de la réduction du temps de travail dans la semaine, l’année et la vie, permettrait de mettre en avant toutes les activités, en plus du travail, qui font également du bien à la société ».
Ensuite, cette réforme est doublement nuisible à l’écologie. En effet le changement climatique et l’extinction de masse des espèces nous font comprendre que s’entêter dans la société de consommation, c’est continuer la destruction généralisée du vivant. Travailler plus pour produire toujours plus revient à s’enfoncer dans une fuite en avant suicidaire. Ce n’est pas tout : cette réforme accroît les inégalités, et affaiblit donc nos capacités à mettre en œuvre les politiques de bifurcation écologique nécessaires. En France, les travaux de l’économiste Éloi Laurent ont montré les effets de l’accroissement des inégalités : production de biens nuisibles pour l’environnement pour les plus riches, irresponsabilité écologique de ces derniers, réduction de la sensibilité des plus pauvres à l’écologie et, enfin, baisse générale de la capacité d’organisation collective pour protéger les ressources. Tel est le chemin emprunté par le gouvernement. Le dernier rapport du groupe international d’experts sur le climat va dans le même sens en écrivant que le développement des inégalités n’est pas compatible avec l’atténuation du changement climatique (Giec, groupe 3, p. 521-522). La réforme des retraites relève d’une logique productiviste et accroît les inégalités, ce qui nous rend moins capables de faire face au problème écologique. Au contraire, aller dans le sens de la réduction du temps de travail dans la semaine, l’année et la vie permettrait de mettre en avant toutes les activités, en plus du travail, qui font également du bien à la société. Une telle réduction créerait des millions d’emplois, stables, utiles à la bifurcation écologique : de nombreux jeunes précaires ou sans emploi ne demandent qu’à participer à cette dynamique. Les forces de la Nupes le proposent, à commencer par la retraite à 60 ans pour 40 annuités. C’est le chemin de l’égalité et de la responsabilité écologique : une politique d’avenir.