
En Finistère, la Cornouaille paie un lourd tribut au plan de sortie de flotte français. Pourquoi cette région est-elle tant impactée ? Éléments de réponse.
Sur les 90 navires retenus en France au Plan d’accompagnement individuel (PAI) Brexit, 45 viennent de Bretagne et 34 du Finistère. Sur ces 34, 22 sont sortants sûrs, très majoritairement des navires hauturiers de 20 à 25 mètres, tous débarquant ou commercialisant leur poisson dans les criées de Cornouaille. Ils vont être cassés et leurs armateurs rémunérés.
En France, le PAI ciblait les bateaux de pêche dépendant des eaux britanniques et d’une liste d’espèces spécifiques. Un bonus étant attribué aux canots n’ayant pas eu leur licence de pêche à Jersey et Guernesey. Mais vu la distance entre les côtes du Sud-Bretagne et les eaux anglaises, les hauturiers sont les premiers touchés.
La crise couvait avant le Brexit
L’impact de ce plan de sortie de flotte pour la Cornouaille « montre la forte dépendance (du territoire) aux eaux britanniques et à leurs espèces (lotte en particulier, NDLR), témoigne Jacques Pichon, directeur de l’armement la Houle (Saint-Guénolé-Penmarc’h), qui exploite neuf unités du large. C’est lié à l’histoire. » Si le Sud-Bretagne semble être plus impacté que le Nord-Bretagne, c’est avant tout lié au poids de sa flottille du large, deux fois et demie plus importante (60-70) que dans le nord (environ 25).
Par ailleurs, le plan de sortie de flotte survient dans un contexte difficile pour la pêche, après le Covid et l’augmentation du prix du gasoil. Mais l’ampleur du PAI ne doit pas masquer le fait que la crise couvait depuis plusieurs années. En dix ans, 25 navires du large cornouaillais ont été vendus, la plupart du temps hors du territoire. 8 appartenaient à des armements aujourd’hui disparus, 17 à des artisans propriétaires d’un seul bateau.
Certes, des armements ont pu se renforcer en rachetant quelques navires sortants. Mais la perte de leurs captures n’a pu être compensée par l’augmentation de la pêche des côtiers ou par les navires du large restants. Et les criées ont perdu de la valeur.
Depuis, les navires restants ont vieilli. Leurs armateurs ne parvenant pas à céder leur bateau, les dépenses de maintenance n’ont fait que s’accroître. Sans le PAI, les bateaux et leurs patrons proches de la retraite seraient quand même partis dans trois ou cinq ans.
Tout repenser
Avec une flottille du large quasiment divisée par deux en Cornouaille, il va falloir tout repenser. Les élus bigoudens, le Département, la Région, les professionnels, le concessionnaire des criées cornouaillaises (la CCIMBO) travaillent d’arrache-pied à un plan de relance avec l’État.
Peut-être faudra-t-il, aussi, s’interroger sur le modèle de production. Les hauturiers bigoudens sont en pêche en moyenne 260 à 280 jours par an, contre 330 jours pour les armements les plus performants du Nord-Bretagne. Mais cette organisation n’est possible qu’avec des bateaux récents.
Franck JOURDAIN
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