
Durant trente ans, à la tête du syndicat Sud 29 et de sa section Éducation, le Brestois a défendu les salariés, ainsi que les migrants et les femmes. Des combats qui lui valent quelques ennemis mais aussi, beaucoup d’amis. Il veut désormais poursuivre le combat sur le terrain politique.
Par Laurence GUILMO.
« En trente ans, j’ai fait plus de 1 000 manifestations. Environ une par semaine ! » À Brest, où il habite, mais aussi en Finistère, « Olivier » est une figure incontournable du macadam. Un prénom, une casquette, des lunettes rondes, une silhouette sèche de sportif, une voix claire. Olivier Cuzon, 55 ans, est de toutes les manifs, de toutes les luttes, ou presque, unanimement apprécié pour sa sympathie et son dévouement. Un syndicaliste atypique, calme et posé.
Après trente ans de bons et loyaux services, il quitte ses fonctions de responsable départemental de Sud-Solidaires, ainsi que de sa section Éducation. Même si le professeur de physique prévient : « Je raccroche les gants de boxe du syndicalisme… mais pas du militantisme ! »
Alors pourquoi arrêter ? « Je ressens une fatigue et l’envie de mener d’autres combats. » Son engagement commence en 1995, lors de la « victoire » contre la réforme des retraites d’Alain Juppé. Son retrait prend acte d’une « défaite » dure à encaisser : la réforme des retraites d’Emmanuel Macron en 2023, adoptée malgré la mobilisation syndicale et populaire. « Mais il y a eu beaucoup de petits combats gagnés en trente ans. »
« Défendre l’humain dans sa globalité »
Olivier Cuzon est né à Paris, en 1969. Un père ancien prêtre-ouvrier. Une mère qui a défendu l’Algérie libre. Deux frères. Revenue à Landerneau, la famille continue de défendre ses idées. « On a manifesté à Plogoff contre la centrale nucléaire. » Impossible de rester insensible aux grands enjeux de ce monde. « À l’aumônerie, j’ai été sensibilisé aux inégalités, au tiers-monde, aux guerres. » Déjà, il a des convictions affirmées. « À 12 ans, j’ai choisi de me faire baptiser. Mais à 20 ans, déçu, j’ai demandé à être rayé des registres. »
Le voici à Brest en prépa’ scientifique à Kerichen, puis en fac des sciences, à l’UBO, où il s’initie à quelques actions contestataires : collages, etc. « Marcher pour défendre ses idées plutôt que de ne rien faire. » Il part à Bordeaux pour devenir professeur. Dans les années 1990, en région parisienne, il découvre Sud, dont il partage les valeurs : « solidaires, unitaires, démocratiques ». « Une conception égalitaire du pouvoir. On discute et on prend les décisions ensemble. » Revenu à Brest en 1998, il participe à la construction de Sud en Finistère.
Son engagement syndical, c’est une disponibilité « énorme ». Pour accompagner des salariés, parfois en grande détresse. Marianne Gambier, animatrice licenciée à 57 ans après 38 ans de services, a trouvé en Olivier Cuzon un fidèle et constant soutien : « Il m’a aidé à garder ma dignité et ne pas baisser les bras. »
Olivier Cuzon est aussi engagé pour la Ligue des droits de l’homme et la défense des migrants. Et pour le droit des Femmes, à Rien sans elles, puis au Planning Familial. Sa particularité, c’est aussi de ne pas s’arrêter au combat salarial. « Il défend l’humain dans sa globalité », apprécie Carole Znamenacek, de l’Unsa, Il est transpartisan, simple et accessible. » Fabienne Bodin, de la CGT, souligne : « Ses combats sont constants contre l’injustice, d’où qu’elle vienne. »
Menaces de mort, plainte
Ses engagements sont aussi de la prise de risques. Il publie chaque année les projets de carte scolaire. « Je me suis fait gronder mais j’assume d’avoir aidé des parents d’élèves à défendre leur classe. »
Haï par la fachosphère, il a reçu des menaces de mort. Il n’est guère apprécié par l’extrême gauche anarchiste, qu’il met à distance dans les cortèges brestois. Pour un article dans une lettre interne de Sud Éducation, il est visé par une plainte pour « diffamation et injure publiques à l’encontre de la police et de la gendarmerie ». Un comble pour celui qui occupe un statut à part au sein du mouvement syndical, par son côté non violent, toujours respectueux, constructif. Tout en étant ferme sur ses valeurs, avec une éthique. « J’ai toujours travaillé, refusant d’être totalement déchargé pour mes mandats », explique celui qui se déplace à vélo, aime le trail et les voyages.
Il veut poursuivre son combat sur le terrain politique. Il pourrait faire partie d’une liste aux municipales de Brest. Même s’il se désespère des querelles de clocher. Mais avec ses qualités de rassembleur, peut-être pourra-t-il apporter sa touche personnelle, et se faire un nom ?
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