
Le Mouvement des entreprises de France a présenté, mercredi 9 juillet, ses propositions d’économie pour le système de santé. Elles reposent principalement sur un flicage accru des délivrances d’arrêts de travail et une perte de droits pour les bénéficiaires de l’assurance-maladie.
Par Cécile ROUSSEAU.
Près de 6,5 milliards d’euros de coups de rabot dès l’année prochaine. Alors que le premier ministre, François Bayrou, a prévu de communiquer mardi 15 juillet ses arbitrages austéritaires pour le projet de budget 2026, le patronat a présenté ses propres pistes, mercredi 9 juillet, pour l’assurance-maladie, dont les dépenses sont en risque de « dérapage » selon un comité d’experts.
« Pourquoi le Medef est-il légitime à s’exprimer sur ce sujet ? Déjà, nous sommes des êtres humains, a lancé Patrick Martin, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef). 110 milliards d’euros du système de santé sont directement ou indirectement financés par les employeurs, à travers les cotisations patronales, les dispositifs de prévoyance et les cotisations accidents du travail-maladie professionnelles. »
Les arrêts de travail dans le collimateur du Medef
Dès les premières propositions d’un document qui en compte 93, formulées par une « task force » constituée de représentants de l’hospitalisation privée, des industries pharmaceutiques et des assurances, le ton est donné : au nom de « l’efficience », les usagers devraient être plus contrôlés et leurs droits taillés à la serpe.
Si le patronat veut mettre le paquet sur la numérisation, en généralisant l’ordonnance numérique et en dématérialisant les procédures à 100 %, notamment pour les arrêts de travail, c’est avant tout pour satisfaire son obsession de lutte contre les fraudes.
Mais le poste d’économies le plus important (2,5 milliards d’euros) envisagé par le Medef vise à raisonner « la consommation des soins médicaux ». Autrement dit, s’attaquer aux arrêts de travail, en hausse de 6 % par an depuis 2019.
Pour ce traitement de choc, l’organisation prescrit l’instauration d’un ou de plusieurs jours de carence non indemnisés par la Sécu et non pris en charge par les employeurs, la suppression de la possibilité de prise en charge de ce délai de carence à partir de trois arrêts dans une année civile ou encore de simplifier le versement des indemnités journalières comprises entre 0,5 et 0,7 Smic en les forfaitisant.
« Nous ne voulons pas de bonus-malus »
« Évidemment, il ne faudrait pas que l’État impose un nivellement par le bas à 0,5 Smic, ce qui pénaliserait les salariés n’étant pas couverts par un dispositif complémentaire », feint de se soucier Yves Laqueille, vice-président de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam) pour le Medef, qualifié de « militant patronal exemplaire » par Patrick Martin au début de la conférence de presse.
Quid de la responsabilité des conditions de travail dégradées et des employeurs dans cette hausse des arrêts ? « Nous ne voulons pas de bonus-malus », tranche Patrick Martin, concernant cette modulation des cotisations patronales en fonction du nombre d’arrêts dans l’entreprise, rétif à une quelconque contribution supplémentaire pour financer le système.
« Arrêtons de stigmatiser », a-t-il lancé avant de reconnaître du bout des lèvres « qu’il y a des entreprises qui sont en « situation atypique » pour les accidents du travail ». Dans la lignée des déclarations gouvernementales, les critères d’éligibilité au parcours d’affection de longue durée (ALD) (avec remboursement des soins proches de 100 %), dans le viseur compte tenu d’une explosion des bénéficiaires, pourraient aussi être revus.
La rentabilité des établissements de santé, l’unique priorité du Medef
Selon le rapport patronal, les établissements de santé pourraient également être pilotés par la qualité et la performance, en « réservant les augmentations tarifaires aux établissements qui démontrent une réelle augmentation de la qualité ». De quoi donner un blanc-seing pour fermer ceux jugés moins rentables et viser une équité entre secteur public et secteur privé, chère au Medef.
Si l’organisation s’est contentée de présenter des pistes d’économie sous le sceau d’un flicage renforcé, de la responsabilisation des usagers et de l’individualisation de leur prise en charge, elle est restée muette sur la question des recettes. De nouveaux apports financiers pourtant jugés indispensablespar le HCFIPS (Haut Conseil pour le financement de la protection sociale), le HCAAM (Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie) et le HCFEA (Haut Conseil de la famille de l’enfance et de l’âge).
Alors que le non-financement des mesures du Ségur et le vieillissement de la population ont contribué à creuser le déficit de la Sécu, avec 16 milliards d’euros prévus en 2026 et une hausse à 19,4 milliards en 2029, en mai dernier la Cour des comptes avait également pointé la responsabilité des employeurs dans cette situation. En dix ans, le montant des allégements de cotisations sociales patronales a quadruplé pour atteindre 77,3 milliards d’euros, pesant lourdement sur l’assurance-maladie.